Les difficultés de Micah à comprendre le monde moderne ne sont plus à prouver. Depuis qu’elle est au centre, elle se retrouve confrontée à tout ce qu’on l’a empêchée de connaitre état enfant mais aussi à tout ce qu’elle n’a jamais eu même en travaillant. La télé, le lecteur DVD, l’ordinateur, le téléphone portable… Autant d’objets que n’importe qui sait utiliser aujourd’hui mais qu’elle n’a jamais vraiment eu l’occasion d’expérimenter. Pour trouver du travail, elle frappait de porte en porte pour proposer ses services ou se contentait de fouiller dans les journaux qu’elle lisait directement sur l’étal. Pour communiquer, et bien, elle parlait aux gens tout simplement, Micah ne s’est pas fait tant d’amis depuis sa fuite de la communauté. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui lui manque. Pour le reste, elle se débrouille, si certains peuvent s’interroger sur la manière dont elle arrive à vivre sans tout ça, c’est bien simple, Micah a été élevée sans alors c’est plus facile pour elle que d’essayer de se servir de son portable.

Quand on lui a remit l’objet, la brunette s’est contentée de l’observer à une distance raisonnable, un sourcil arqué et une moue de défi sur les lèvres. Le petit boitier de plastique, pourtant si facile d’utilisation pour n’importe qui. Pas vraiment prête à se ridiculiser, elle l’a finalement posé avec son carton et sa notice dans sa chambre se disant qu’elle s’occuperait de déchiffrer le fonctionnement plus tard.

Plus tard est arrivé. Profitant d’un rayon de soleil dans le ciel hivernal de Californie, Micah s’est installée sur un banc dans la cour intérieure, la boîte en carton sur les genoux, le manuel ouverte à la page trois devant elle, on lui demandait d’insérer la carte Sim dans le boitier téléphonique. Micah tira la langue et se débâtit un instant pour réussir dans un premier temps à ouvrir le téléphone comme indiqué sur le dessin. Elle y met tout son cœur réalisant qu’un numéro de téléphone lui sera très utile pour chercher un travail. Le téléphone d’occasion à un peu souffert, mais franchement, elle préfère avoir celui là qu’un de ces objets hyper technologiques qui trônent dans les vitrines, juste un écran et débrouille toi pour le fonctionnement. Cela dit, même un ancien modèle donne du fil à retordre à Micah.

« Roooh ! » râle-t-elle tandis que la carte à puce lui glisse des mains au lieu de s’encastrer dans l’endroit prévu, enfin, si c’est bien celui-là. Le pire, c’est qu’elle n’est qu’au début de son aventure. Quelques secondes plus tard, alors que l’étape une semble réussie, la coque du portable fermé, elle se retrouve confrontée à un autre soucis.

« Ok, et maintenant, je l’allume comment ? »

Elle jette un œil sur le manuel, repère un bouton, l’enfonce, rien. Elle essaye alors tous les boutons, toujours rien. Micah sourit ironiquement pour elle-même. Au moins, ça fait travailler sa patience.

Thea est une personne logique. Pour tout ce qui est technologie, elle aime apprendre d'elle-même. Pas besoin de notice, elle aime découvrir seule comment les choses fonctionnent. Elle était plutôt douée, d'ailleurs. A l'époque, quand elle vivait encore avec ses deux parents, lorsqu'ils étaient encore de ce monde, elle adorait tout ce qui était technologies, même si elle n'en avait pas particulièrement les moyens. Elle économisait, ses parents aussi. Et quand elle avait assez, elle se payait ce qu'elle souhaitait. Elle a eut un ordinateur, un portable, un baladeur mp3, sans parler de l'équipement de la maison. Elle a eut droit au lecteur DVD, aux consoles de jeux, à la chaîne hi-fi..Le minimum, pour elle. Elle trouvait ça évident que tout foyer possède au minimum ces choses là, sans imaginer que ça ne soit pas le cas pour tout le monde, au delà des personnes vivant dans la rue.

Quand sa vie a commencé à se dégrader, elle a perdu, une après une, ces choses auxquelles elle s'était habituée. Après le décès de son père, avec sa mère elle se sont mises à vendre la plupart de ces choses pour gagner quelques sous, par-ci, par-là. Elle s'est privée de beaucoup de choses, ne gardant que le minimum, le plus important, le plus utile. Peu avant le décès de sa mère, il ne lui restait qu'un vieux baladeur MP3 et son téléphone portable. Deux objets dont elle a apprit à se passer dans les mois suivant le décès de sa mère, un peu avant de se retrouver à la rue. Aujourd'hui, le centre lui a confié un téléphone portable, pour qu'elle puisse être joignable pendant sa recherche d'emploi. Elle redécouvre ce que c'est que de pouvoir être joignable ou de pouvoir joindre quelqu'un n'importe où, n'importe quand, même si au jour d'aujourd'hui, elle n'a personne à appeler ou qui risquerait de l'appeler. Ce n'est pas un modèle à la mode, mais peu importe, elle s'en fiche bien. Elle voit le bon côté des choses en se disant qu'on risque moins de le lui piquer.

N'ayant pas envie de passer sa journée enfermée dans sa chambre alors que le temps est agréablement ensoleillé, la jeune Swanson décide de descendre dans la cours du centre. Elle n'est pas encore très habituée à sortir, elle passe la plupart de son temps ici, sortant très rarement en ville pour le moment. Il lui faut un temps d'adaptation. Elle n'a pas encore rencontré grand monde non plus, passant le plus clair de son temps dans sa chambre à réfléchir sur sa vie, ce qu'elle fait ici, ce qu'elle va bien pouvoir dire à son thérapeute...Ce genre de trucs. Portant un gilet long, la jeune femme ne passe pas de veste, se contentant de croiser les bras pour éviter d'avoir froid si jamais ça devait arriver. Une fois dans la cours, Thea remarque une brune assise sur l'un des bancs. Celle-ci semble rencontrer quelques difficultés avec son téléphone. La jeune fille la regarde, hésitante, avant de s'approcher finalement pour mettre fin à sa galère.

« Besoin d'aide ? »

C’est avec un sourire mal assuré que Micah lit la notice d’utilisation de cet objet de l’enfer. Elle a les traits du visage tirés, les yeux plissés cherchant à comprendre comment tout s’emboîte, et encore, elle n’en est qu’au début, insérer une petite puce dans le boitier. Quand elle en vient à devoir l’allumer, tout se corse. Pour monsieur tout le monde ce n’est pas bien compliqué, on repère le bouton on, on appuie, sauf que Micah n’est pas vraiment dégourdie pour ça et elle a l’air d’un singe devant un casse-tête. Elle le secoue, tente à nouveau chaque bouton plus calmement, hésite à prier Dieu mais se rappelle qu’il ne faut pas le faire en vain. Un instant, l’envie de taper l’objet sur le banc pour le réveiller l’envahit, mais la seconde d’après elle réalise que ce n’est sans doute pas la meilleure solution.

Heureusement, la brune à la frimousse tachetée est abordée par une autre frimousse joviale. A la salutation in medias res, Micah relève son regard un peu perdu et un sourire plein d’espoir s’accroche finalement à ses mâchoire. Serait-ce une sorte de petit ange gardien venu à sa rescousse ? Sans nul doute. Elle toussote, gênée et sourit de plus belle.

« Oui, je veux bien, je suis pas très douée pour ses choses là. » annonce-t-elle non sans honte. Une légère touche rosée vient foncer ses pommettes tandis qu’elle tend l’objet à la jeune femme.

« Je sais pas comment ça s’allume. »

Bon, elle va encore passer pour une folle tordue, mais elle en a l’habitude après tout, on lui avait lancé le même regard quand elle avait demandé où été passé le fil du téléphone lors de son premier jour de boulot dans ce restau mexicain à Sacramento.

Jusqu'ici, Thea n'a pas encore rencontré beaucoup d'autres résidents. Elle est plutôt discrète. On pourrait croire que c'est de la timidité, mais ce n'est rien de ça en réalité. Elle est plutôt sauvage. Pas solitaire, mais un peu sauvage dans un milieu qu'elle ne connait pas, ou peu. Elle a besoin de s'habituer au centre, aux résidents. Elle n'a pas fait beaucoup d'efforts jusqu'à aujourd'hui. Pas qu'elle n'ait pas envie de se mêler aux autres résidents mais, elle ne peut s'empêcher de trouver ça glauque. Elle sait que ce qu'elle pense ne signifie rien, ce n'est pas la réalité. Elle pensait bien que le centre Adam Hawkes était une espèce de centre pour débiles ou pour des anciens camés, ce genre de truc. Une espèce de squat géant. Elle s'est trompée une fois, il est donc possible que son idée soit encore mauvaise cette fois-ci sur les autres résidents.

Profitant d'une petite balade dans la cour du centre, Thea se demande si ce n'est pas l'occasion pour elle de rencontrer ses 'camarades', apprendre à les connaitre. Quitte à rester ici pendant plusieurs mois, autant ne pas rester solitaire. C'est aussi comme ça qu'elle peut montrer qu'elle s'en sort, si elle arrive à s'intégrer. Elle ne sait pas trop comment aborder les autres, c'est particulier comme contexte. L'occasion de jouer la fille sociable se présente à elle quand elle se trouve dans la cour. Une brune semble rencontrer quelques difficultés avec son téléphone, celui prêté par le centre. Elle, elle n'a eut aucune difficultés, elle trouve ça presque bizarre que quelqu'un puisse avoir du mal avec ce vieux modèle. Mais pourquoi pas. C'est une perche à saisir ! Elle qui sait y faire avec la technologie, elle peut bien proposer son aide. Voyant le visage de la jeune femme, Thea marque un temps d'arrêt. C'est drôle, enfin, c'est étrange, cette fille a quelques airs d'Arianne, la mère de Thea. C'en est presque dur de reconnaître sa mère dans les traits de cette inconnue. La jeune Swanson tend la main, hésitante.

« Je peux jeter un coup d'oeil ? »

Demande-t-elle sans vraiment attendre sa réponse, se saisissant de l'appareil délicatement, sans le lui arracher pour autant. Rapidement, elle identifie le bouton rouge, celui pour raccrocher, qui est également celui qui allume l'engin.

« Regarde, c'est ce bouton, là. Faut appuyer quelques secondes et ça s'allume. Il s'éteint aussi par là ! »

Explique-t-elle le plus simplement du monde, sans non plus la prendre pour une débile. Elle lui explique juste de manière claire et précise.

Micah n’est vraiment pas faite pour ce monde, voilà ce qu’elle conclue maintenant que ce fichu téléphone portable refuse de s’allumer. C’est peut être hâtif comme jugement, et un peu dur aussi, mais là, dans l’instant, elle se dit qu’elle ferait une bien meilleure suffragettes des années 1900 qu’une jeune femme dans le vent des années 2010. Enfin, c’est ainsi, son éducation, sa sensibilité, rien dans la vie ne lui a permis de vivre avec son temps, et ce n’est pourtant pas l’envie qui lui manque, la preuve, elle se prend la tête depuis tout à l’heure avec cette saleté de coque en polyuréthane.

Heureusement, le seigneur ne semble pas vouloir lui infligé ça bien longtemps, un avantage pour qu’elle ne cède pas aux caprices de sa propre colère. Une jeune femme au visage poupin lui propose son aide. Elle hésite à lui sauter au cou en guise de remerciement rien que pour sa proposition puis opte pour une attitude plus pondérée. Expliquant le problème, Micah laisse la jeune femme se saisir de l’objet et l’observe agir. Le bouton rouge, évidemment. Il n’aurait pas pu être vert le bouton ? Vert, ça s’allume, rouge, ça s’éteint. Universel et pas aussi compliqué que leur solution. La demoiselle ne se moque pas, un bon point pour Micah qui se sent déjà très ridicule. Elle voit l’écran s’allumer, récupère le téléphone et jette un œil inquiet sur la suite des opérations.

« Merci. » dit-elle sincèrement mais bien consciente que la suite sera toute aussi compliquée. Son visage se relève vers celui de sa sauveuse et s’illumine un peu plus, plein de reconnaissance.

« Je m’appelle Micah. » dit-elle simplement avant de reporter son attention sur l’objet technologique qui lui demande un code. Bien sûr !!

« Est-ce que ça t’ennuierai de m’aider un peu pour comprendre le fonctionnement, j’ai pas vraiment d’affinité avec la technologie, je dois envoyer de mauvaises ondes comme on dit. » supplie-t-elle désespérée.

Thea est un peu perdue ici. Elle se sent seule, isolée. C'est un peu sa faute, elle n'a pas cherché à s'intégrer plus que ça. Elle ne ressent pas de besoin particulier de se mêler aux autres. Elle a un peu de mal avec les confidences, parler d'elle, de ses parents, de son histoire. En parler avec un psy, c'est glauque, mais pourquoi pas ! Mais alors en parler avec d'autres pour comparer son histoire, se dire qu'on s'en est mieux sortit que d'autres ou réaliser qu'on est finalement au fond du trou...ça, elle s'y refuse. Elle a encore probablement trop d'idées négatives concernant le centre. Elle n'est pas là depuis assez longtemps pour voir les vrais points positifs de cette espèce de 'cure' de réinsertion.

Bien décidée à faire quelques efforts qui lui rendront tout de même la vie plus simple ici, Thea s'aventure dans la cours du centre où elle aperçoit Micah, une jeune femme qui semble rencontrer quelques difficultés avec son téléphone portable, ce petit gadget pourtant très simple d'utilisation, mais peut-être que cette femme a vécu dans la rue pendant tellement longtemps qu'elle n'a jamais eut l'occasion d'apprendre à s'en servir. En fait, à peu près tous les scénarios se bousculent dans la tête de la jeune femme qui arrête pourtant, réalisant qu'elle n'aimerait pas qu'on se mette à imaginer toutes sortes d'horreurs à son sujet pour expliquer tel ou tel comportement étrange qu'elle pourrait avoir. S'arrêtant de faire toutes les hypothèses possibles et imaginables dans sa tête, elle décide de proposer gentiment son aide.

« Moi c'est Thea. »

Répond-t-elle dans un sourire. On lui demande souvent d'où elle tient son prénom. Il arrive également qu'on lui demande si c'est son vrai prénom ou un surnom. C'est un prénom peu commun, au moins, elle peut se venter d'une chose. Un nouveau sourire se place sur les lèvres de la demoiselle, flattée qu'on lui demande son aide. Elle pensait que ce serait plus difficile d'aller vers les autres. Pour ça aussi, elle s'était peut-être trompée finalement ! Enfin, ce n'est qu'une personne sur les quelques résidents. Quoi qu'il en soit, si elle peut rendre service, et au passage discuter un peu, apprendre à connaître Micah, c'est tout bénéf.

« Oui, bien sûr. Enfin, qu'est-ce que tu veux savoir ? »

Thea n'a jamais eut l'occasion de jouer les professeurs. Déjà petite elle préférait jouer l'élève que le prof, ça voulait tout dire. Elle n'est pas très pédagogue et ne sait même pas trop par où commencer, alors si Micah peut la mettre sur la piste en lui disant clairement ce qu'elle ne comprend pas, ce serait plus facile pour la jeune Swanson. Mais si Micah parle en général, alors ça risque d'être un tout petit peu plus confus mais elle l'aidera quand même.

Quand on est à la rue, qu’on doit vivre au jour le jour et qu’on n’est pas sûre d’être encore vivant quand le soleil montrera le bout de son nez le jour suivant, c’est difficile de s’imaginer avec un futur. Micah a toujours gardé espoir, mais elle ne se projetait pas bien loin dans l’avenir, se contentant de ce qu’on lui offrait. C’est sans doute un point commun qui revient pour beaucoup de résidents du centre, cette instabilité et cette insécurité. Micah a su rapidement mettre ses peurs de côté pour voir ce qu’il y a de meilleur ici, mais c’est un trait de son caractère, ce n’est sans doute pas aussi facile pour d’autre. Mais cela n’a pas particulièrement facilité l’intégration « sociale » de Micah. Elle qui n’y connait rien au cinéma et à la mode, elle se retrouve désormais coincées avec un objet de malheur sensé l’aider à avancer dans sa réinsertion et ses recherches d’emploi. Oui, sauf que si elle n’arrive pas à le faire fonctionner, ça lui fait une belle jambe.

Sauvée par une jeune femme passant par là, Micah l’accueil comme le messie en plein désert. Même si elle passe sans doute pour une débile à ne même pas savoir allumer ce téléphone. Elle se présente et ne tarde pas à connaitre l’identité de sa sauveuse. Thea, quel joli nom, peut être un surnom ? Micah préfère ne pas demander, elle n’aurait pas envie qu’on lui demande son véritable prénom. Elle n’hésite pourtant pas à sourire vaillamment à la demoiselle.

« Enchantée. » dit-elle avec plaisir.

Ce n’est pas seulement qu’elle accepte d’apporter son aide à Micah avec le portable, la jeune femme est aussi heureuse de faire la connaissance d’une nouvelle résidente.
Alors que Thea lui demande par quoi elle veut commencer, Micah sourit gênée et rougit légèrement. Elle répondrait bien « tout », mais ça ne répondrait pas tout à fait à la question.

D’un rire maladroit, Micah annonce la situation.

« En fait j’ai aucune idée de comment ça fonctionne. Je suppose que pour téléphoner il suffit de taper le numéro, mais ensuite… » Elle fait une grimace qui traduit à peu près l’étendu de ses connaissances.

« J’ai cru comprendre que je pouvais enregistrer des numéros aussi. »

Là encore, son regard semble clair, il est un peu perdu, un peu dans le vide et un peu à la recherche d’une illumination divine. Faisant retomber ses mains dans un geste ample, Micah se pince l’intérieur de la joue tordant sa frimousse dans une expression amusante.

« Je dois avoir l’aire de sortir d’une grotte. » dit-elle avec un trait d’auto-dérision.

Offrant un sourire un peu timide à cette résidente qu'elle rencontre à l'instant, Thea hoche la tête, pour confirmer. Elle est contente de la rencontrer, c'est vrai, surtout qu'elle a l'air tout ce qu'il y a de plus gentil. Et puis, pour la jeune adulte, c'est un pas en avant. Elle sait qu'elle doit faire des efforts ici, et c'est justement ce qu'elle fait en proposant son aide à sa 'camarade'. Celle-ci semble en effet rencontrer quelques problèmes avec le téléphone prêté par le centre pour les aider dans leurs recherches d'emploi. Mais si elle a du mal a le faire fonctionner, ça peut devenir problématique. Pour Thea, tous ces trucs, c'est un peu à l'intuition, mais elle peut tout à fait comprendre que ça ne soit pas le cas de tout le monde, enfin, surtout pour les personnes de la génération précédente, en fait. Voir Micah, qui fait pourtant sensiblement partie de la même génération avec ces difficultés, ça lui met la puce à l'oreille. Elle se dit que par le passé, elle a du en baver, sans forcément chercher à savoir pourquoi, ou comment. Elle ne voit aucun soucis à lui venir en aide, même si elle n'a jamais eut l'âme d'un professeur. Elle ne sait pas trop par où commencer pour rendre les choses logiques. Pour elle, c'est évident, tout ça, donc elle a peur que Micah perde le fil.

« T'en a jamais eut ? »

Demande-t-elle, pas par jugement ou par curiosité malsaine, juste pour voir l'étendue des 'dégâts', se donner une idée de comment aborder l'enseignement de cette technologie. Thea trouve ça surprenant mais à la fois fascinant. Une personne qui a vécu les quelques dernières années sans toucher à cette technologie pourtant merveilleuse et pratique.

« Oui, voilà, tu compose le numéro, et tu appuies sur le bouton vert, pour lancer l'appel. Pareil, si jamais quelqu'un t’appelle, tu appuies sur le vert pour décrocher. Et pour raccrocher, c'est le rouge. »

Explique-t-elle le plus simplement possible pour être sûre que son élève ne rate aucune étape. Thea s'installe finalement à côté d'elle sur le banc, pour pouvoir mieux lui expliquer. Elle l'écoute lui parler de l'enregistrement des contacts. C'est drôle, sur le sien, Thea n'a encore enregistré personne. Elle n'a que le numéro du centre, au cas ou.

« Oui, il faut aller dans le carnet, juste ici, tu vois, le carré au milieu y'a des flèches pour aller d'icone en icone. Et pour entrer dans le carnet, tu clique juste sur "ok". Regarde, après, tout est bien expliqué : "ajouter un contact" etc...»

Thea découvre en même temps que Micah le téléphone qui est prêté à chaque résident. Thea n'a fait que mettre la carte SIM et la batterie dedans pour le moment. Elle n'en a pas vraiment eut l'utilité et connait à peine le numéro où elle peut être joignable.

« Oh t'inquiète pas, va, tu dois pas être la seule à être un peu larguée par ça, ici...D'ailleurs...ça...ça fait longtemps que tu es ici ? »

La remarque de Thea fait sourire Micah. Non, elle n’a jamais eu de téléphone portable. Elle sait pourquoi ça parait si étonnant dans ce monde, mais elle n’en a pas manqué non plus. D’un regard maternel, Micah s’excuse presque d’être si vieux jeu, un peu comme une grand-mère dépassée et elle n’a pourtant pas encore atteint la trentaine. La jeune femme sourit encore avant de répondre finalement.

« Non, c’est mon premier. »

C’est honnête et précis. Au moins cette petite sait désormais pourquoi son interlocutrice semble si bête devant un simple bout de plastique.

« Je te rassure, je sais me servir d’un téléphone, mais les normaux tu vois, ceux où il suffit de prendre le combiné pour décrocher et de le reposer pour raccrocher. Je trouve ça tellement plus logique. »

Elle en va d’un léger rire, telle une satire sur sa propre ignorance. Elle écoute attentivement les premières informations, espérant pouvoir les retenir. Ce n’est tellement pas logique pour elle qu’elle a bien peur d’avoir besoin d’embaucher cette fille à plein temps. Il faut dire que ça lui serait bien utile, si ce téléphone doit faciliter la vie des résidents, elle ne fait que compliquer celle de Micah.

« Okay, vert je décroche, rouge je raccroche. Je crois que ça devrait aller ça. »

Mais tout reste à venir, cette histoire de répertoire où elle est sensée pouvoir enregistrer les numéros, ça à l’air bien pratique, mais franchement, Micah doute, elle est bien plus tentée par l’indémodable répertoire téléphonique sur papier. Un petit cahier qui va de A à Z et au moins elle est sûre de toujours trouver ce qu’elle cherche. Tout de même elle veut apprendre à s’en servir, qui sait, ça pourra être utile. Lorsque la jeune femme s’installe à côté d’elle, Micah l’accueille naturellement, lui faisant une place. Dans une confiance inouïe, elle laisse Thea faire. Elle ne saisit pas tout mais au moins l’essentiel : suivre les recommandations à l’écran. Micah récupère le portable et tente à son tour d’accéder au fameux carnet. Remarque, elle n’a pas de numéro à entre, pas pour le moment, celui du centre peut être, celui-là elle le connait par cœur. En cas d’ennuis, elle sais qui joindre.

La petite leçon doit sans doute faire se poser des questions à Thea. Micah imagine très bien ce qu’on peut penser de ses petites particularités, mais la jeune fille ne lui en tient pas rigueur. L’interrogation suivante semble tourner vers la simple curiosité à présent, mais ça ne déplait pas plus que cela à Micah qui a parfois envie de poser un million de questions à ces gens qui sont dans la même situation qu’elle.

« Oh, ça fait un mois et demi maintenant, ça passe vite. » fait-elle remarquer toujours aussi ravie.

« Et toi ? »

Si Thea trouve ça curieux de voir qu'une personne comme Micah n'a jamais eut de téléphone portable dans sa vie, elle ne juge pas pour autant. En fait, elle se demande si elle n'a pas vécu toute sa vie, ou du moins, ces dix dernières années, dans la rue, ce qui expliquerait pourquoi elle n'en a jamais eut et pourquoi ça ne lui a pas manqué. Ce ne sont là que des suppositions, des hypothèses qui se font naturellement dans sa tête sans même qu'elle cherche d'elle-même à savoir le pourquoi du comment. Pas qu'elle s'en fiche, mais elle se doute que Micah doit avoir ses raisons et qu'elle ne doit pas avoir spécialement envie d'en parler. Personne n'a vraiment envie de parler de pourquoi il ou s'est retrouvé à la rue, ce qu'il y a fait pour survivre et comment il s'est retrouvé ici. Il y a les psy, pour ça. C'est drôle, d'ailleurs, quand on y pense, c'est presque paradoxal. Entre ex-sans abris, ça devrait être plus facile de parler de tout ça, parce qu'en quelques sortent, ils ont tous le même vécu, mais ce n'est pas le cas. Les raisons de leur triste histoire sont toutes différentes les unes des autres et les confier à des inconnus, même s'ils vivent sous le même toit pendant quelque temps, ça n'est pas plus facile.

Thea lui offre donc simplement un sourire, ne laissant apparaître aucun jugement puisqu'aucun jugement il n'y a. Elle se met même à rire, légèrement, devant l'auto-dérision de la jeune femme. Quand elles en parlent comme ça, on dirait que ce genre de téléphone remonte déjà à un siècle, alors que ce n'est pas si vieux, finalement.

« C'est un coup à prendre, tu verras, c'est pas si différent, faut juste comprendre sa logique, parce qu'il y en a une, je t'assure ! »

Pour elle qui a toujours eut beaucoup de facilité avec la technologie, c'est plus simple, mais pour quelqu'un comme Micah, elle peut comprendre qu'elle n'y trouve aucune logique. C'est quand même très différent il faut l'avouer. Mais ce sont des automatismes à prendre. Quand aura utilisé deux ou trois fois son téléphone toute seule, pour prendre un appel ou en passer un, elle comprendra de plus en plus facilement et s'habituera à l'objet.

« Pense à un feu de signalisation. Vert, tu peux y aller, rouge tu dois t'arrêter. Vert tu décroches, rouge tu arrêtes la communication. »

C'est la première chose à laquelle elle pense pour faire un exemple et elle trouve ça assez bien utilisé. Elle trouve ça logique ! Les trucs biens, positifs, sont toujours représentés par un signe ou un logo vert alors que les trucs négatifs ou interdits sont toujours représentés par un truc rouge.

Ne sachant pas trop par quoi commencer pour enseigner l'art de la téléphonie mobile à Micah, elle saute sur l'occasion quand cette dernière parle du répertoire. C'est un bon début. Thea va lentement, prenant bien le temps d'indiquer les manipulations qu'elle fait. Elle lui montre où regarder pour comprendre la logique. Les explications sont à 70% sur l'écran, le reste, c'est à son cerveau de comprendre de lui-même. Mais en attendant que ça devienne automatique, Thea lui montre bien, faisant en sorte qu'elle comprenne bien et que ça s'imprime dans sa tête.

Soudainement très curieuse, Thea s'aventure sur le sujet du centre. Elle ne sait pas trop où ça ma mène à chaque fois de demander aux personnes qu'elles rencontre depuis combien de temps elles se trouvent au centre. Ça ne change pas grand chose, à part se comparer les uns aux autres sur la durée de leur présence ici. Et pourtant, elle lui demande tout de même, pour lancer la conversation.

« Moi, ça fait trois semaines. »

Micah est bien heureuse de tomber sur aussi gentille jeune femme, elle ne lâche d’ailleurs pas son sourire depuis qu’elles se sont adressée la parole. Elle n’a pas besoin de connaitre l’ensemble de l’histoire de Thea pour déjà l’apprécier.

« Je suppose que oui, pour les bases ça devrait aller. »

Elle ajoute un sourire à sa remarque. En réalité, ce qui risque de poser problème, c’est si elle reçoit un jour un message. Ou si elle doit enregistre des noms, en fait, ces petites lettres sous les chiffres, c’est un peu complexe pour elle, mais bon, à force elle s’y fera.

En entendant la comparaison de Thea, Micah se met à rire. A nouveau quelque chose qu’elle ne maîtrise pas, le code de la route et la conduite. Encore un truc bizarre pour la plupart. Cela dit, elle sait que pas mal de citadins non jamais touché au volant d’une voiture alors, ça, ça ne la complexe pas trop.

« Et bien, j’ai pas mon permis de conduire … mais je devrais saisir la métaphore. »

Thea est une bonne prof, elle explique avec patience le fonctionnement général de l’objet sans embrouiller Micah. Finalement, peut être pourra-t-elle se débrouiller avec le répertoire. Tout lui est détaillé et en effet, en prenant compte des informations à l’écran, cela semble plus logique. Elle est tout de même époustouflée par l’aisance de Thea alors qu’il lui faut réfléchir trois heures avant de savoir quelle touche pousser pour le L.

Tout en poursuivant les explications, la jeune femme pose une question à Micah qui lui répond sans gène.

« Trois semaines ? »

Micah lui sourit amicalement, un regard maternel posé sur la jeune fille.

« Tu t’y fais alors ? » demande-t-elle par simple gentillesse.

Offrant un sourire à sa 'camarade', Thea ne peut s'empêcher de scotcher sur la ressemblance flagrante entre Micah et Arianne, la mère défunte de la jeune Swanson. C'est fou...Thea a l'impression de revoir de vieilles photos de sa mère, un peu plus jeune, prendre vie sous ses yeux, c'est extrêmement troublant. Mais elle ne dit rien, elle laisse cette impression bizarre en second plan, se concentrant sur le petit cours improvisé qu'elle offre à la résidente en difficulté avec son téléphone portable. Elle fait du mieux qu'elle peut.

« Au pire, je ne suis pas très loin, si jamais tu es en difficulté et que je suis dans le coin, tu peux toujours venir me voir, je t'aiderai. »

Lui assure-t-elle dans un sourire. Usant une métaphore qui lui semble des plus logiques, elle réalise qu'elle était mal choisie quand Micah lui avoue qu'elle n'a jamais eut son permis de conduire. Thea grimace légèrement, compatissante. Elle non plus n'a jamais eut son permis de conduire. Il lui est arrivé quelques fois de conduire la voiture de sa mère sur un parking désert. Mais pour elle, pas besoin d'avoir le permis pour connaître la logique du feu rouge. Elle se souvient de balades avec ses parents, alors qu'elle n'avait que cinq ou six ans, à patienter sur le trottoir que le feu passe au rouge pour pouvoir traverser la rue, en regardant bien à gauche, puis à droite, puis de nouveau à gauche. Même à l'école, elle se souvient avoir souvent reçu cet enseignement. C'est pour cela que ça lui semble tellement logique, à elle.

Thea en vient à demander à la brune depuis combien de temps elle est là. Elle la trouve sympathique, peut-être par sa gentillesse ou cet air fragile et perdu qu'elle affiche. C'est à son tour de répondre à la même question avant que Micah ne lui demande si elle s'y fait.

« Oui, ça va, je ne connais pas beaucoup de monde, je suis surtout restée dans ma chambre depuis que je suis ici. »

Cette jeune femme est vraiment adorable, voilà la première impression qu’a Micah. Elle est heureuse de découvrir qu’elle peut probablement se faire une nouvelle amie dans le centre. C’est un endroit privilégié et vu ces dernières années de galère, Micah se dit qu’elle a bien besoin d’alliés dans ce monde.

« Merci c’est adorable. »

Micah fait un beau sourire. Elle en rajoute un peu sur son incapacité à comprendre la métaphore de Thea, mais plus pour plaisanter qu’autre chose. Elle rit légèrement.
La conversation prend une nouvelle tournure alors que le téléphone se retrouve dans la main de Micah. Elles s’interrogent sur leur arrivée. Pour ça, Micah n’est pas farouche. Elle répond avec plaisir et relance en la questionnant.

La réponse de Thea tire un doux sourire à Micah. Elle peut tout à fait comprendre le comportement de la jeune femme, ce n’était pas facile pour elle non plus au début.

« Ah oui ? Et bien maintenant tu me connais. » Dit-elle tout enjouée.

« Tu verras, ici il n’y a pas de gens bien méchants. »

Elle n’ose pas encore l’interroger sur son passé, parce que ce sont des choses qui doivent attendre selon elle. Micah ne veut pas ennuyer sa consœur alors qu’elles viennent à peine de s’adresser la parole pour la première fois.

[Oh, je suis désolée Valou, j'avais pas du tout vu que tu m'avais répondu !!!! :O]

Il est tout à fait naturel pour Thea de proposer son aide. Elle n'a jamais été méchante, bien qu'un peu 'sauvage' sur les bords avec les étrangers. Micah lui semble vraiment tout ce qu'il y a de plus sympathique, et sa ressemblance avec la défunte Swanson y est peut-être pour quelque chose, mais ce n'est qu'un léger détail. Thea trouve cette femme douce, et ça lui inspire de la confiance, de la sympathie. Elle n'hésite pas un instant à l'aider avec son téléphone portable, qui semble être la plus grosse énigme du siècle pour elle, et à lui indiquer qu'elle n'a pas à hésiter si jamais elle devait encore avoir besoin d'elle. Après tout, elles vivent sous le même toit, sensiblement. Elles ne sont donc pas loin l'une de l'autre, si besoin.

Le sourire de la brune est communicatif et Thea lui répond donc par un magnifique sourire, tout aussi adorable. Un sourire qui disparaît quand la discussion devient un peu moins légère. Elles se mettent à parler, chacune, de leur arrivée au centre. Thea n'est pas là depuis longtemps, mais elle s'est beaucoup isolée. Par timidité, peut-être un peu par honte aussi. Vivre dans la rue n'est pas quelque chose qu'on affiche au monde entier, et vivre dans un centre pour sans-abris non plus, même si on a un toit sur la tête. On reste une personne sans rien, sans moyens, sans vie professionnelle, sans situation familiale...Avouer vivre ici, au début, pour elle, c'était comme avouer qu'elle n'était absolument rien. Une ordure dans une ruelle sale, un excrément sur un trottoir...Une personne inutile à la société. Mais elle apprend à changer sa vision et ça commence à porter ses fruits. Elle avoue alors ne pas connaître grand monde pour le moment et Micah marque un point. Depuis aujourd'hui, elle la connait, elle.

« C'est vrai ! »

Remarque-t-elle, souriante, replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. Il y a une légère brise de vent qui fait virevolter ses cheveux, les lui envoyant en plein dans le visage, une sensation bien désagréable, et balayée par l'enthousiasme de cette nouvelle rencontre.

« Tu connais beaucoup de monde, ici ? Et, ça se passe bien les thérapies ? J'en ai encore jamais fait, ça m'intrigue assez...»

Thea a pas mal de questions, mine de rien. Et puisqu'elle se retrouve en face d'une personne qui en sait un peu plus qu'elle du fait de sa plus grande ancienneté, elle peut avoir quelques réponses pour illuminer les zones d'ombres qui, de temps à autre, l'angoissent un peu.

[c’pas grave ^^ je suis lente moi :S]

Cela semble naturel pour Thea, elle aide avec bon cœur Micah et cette dernière lui en sera bien sûr redevable. La jolie brune n’est pas sans savoir vivre et elle remercie un millier de fois cette nouvelle frimousse pour les soins apportés à son téléphone portable. Micah n’est pas du genre à vouloir tout contrôler et à se débrouiller seule, elle sait où sont ses limites et ne cherche pas à tout prix le dernier moment avant de demander un peu d’aide. Quoique parfois sa fierté lui joue des tours, mais c’est assez rare.

Micah n’a pas honte de qui elle est et de ce qu’elle ne sait pas, au contraire, elle aime apprendre mais, elle n’est pas toujours à l’aise avec le regard des autres et préfère bien évidement rencontré des personnes aimables avec le cœur sur la main de mauvais moqueurs.

Mais une fois l’aide prodiguée, les deux jeunes femmes en viennent à parler de tout autre chose, du centre pour être exact. Micah y est depuis décembre, ça ne fait pas long mais son caractère lui a permis de se faire déjà quelques connaissances voir plus. Thea semble un peu plus perdue, mais Micah la rassure, car désormais, elles se connaissent toutes les deux. Là, le naturel protecteur de Micah reprend le dessus, elle s’adresse à la jeune femme d’un sourire convaincu.

La flopée de questions qui suivent amuse Micah qui ne se prive pas de le faire remarquer d’un petit rire.

« Une question à la fois, je ne suis pas une machine. » annonce-t-elle tout en riant.

« Je ne connais pas grand monde en y réfléchissant, mon voisin de chambre, Gabriel, est vraiment adorable, et la plupart des résidents sont assez ouverts une fois qu’ils comprennent qu’on est tous dans le même bateau et qu’il n’y a pas vraiment d’ennemi à part soi-même ici. »

Elle relève le regard vers Thea et continue.

« Pour les thérapies, ça se passe bien, on est forcé de rien, les premières séances c’est comme une discussion. » Elle ajoute un clin d’œil amical. Finalement, Thea est aussi paumée avec le centre que Micah l’est avec son téléphone.

« Désolée. »

S'excuse la jolie brune dans un sourire mélangé à une petite grimace. Elle ne s'est pas rendue compte, en posant toutes ses questions, que ça pouvait faire beaucoup pour son interlocutrice. Mais c'est vrai que ça fait beaucoup ! Surtout que ses questions ne sont pas toutes sur le même thème, alors c'est d'autant plus difficile pour Micah d'y répondre avec logique, elle risque elle-même de perdre quelques détails en chemin. Elle écoute donc la résidente lui répondre à sa première question, concernant ses rencontres au foyer. Micah a la chance d'avoir un voisin de chambre, ce qui n'est pas encore le cas de la jeune Thea. Au moins, elle a une salle de bain pour elle toute seule et ne risque pas de se battre pour le partage du temps de douche, mais quand même, un peu de compagnie quand on se brosse les dents, ça ne fait jamais de mal. Elle aurait enfin l'impression d'avoir autre chose en commun avec un résident que le fait, justement, de vivre ici.

« Moi je n'ai pas de voisin de chambre. C'est dommage. »

Dit-elle en haussant les épaules. Avec tous les sans-abris qui vivent dans les rues de San-Fransisco elle se dit que ce n'est qu'une question de temps avant de découvrir une personne dans sa salle de bain, mais en attendant, elle préfère profiter de ce privilège. Elle acquiesce ensuite en entendant parler des autres résidents. Il serait dommage que des tensions existent entre les résidents. Ils sont, comme le dit si bien Micah, dans le même bâteau, alors autant être solidaires plutôt que solitaires.

« Les thérapeutes sont gentils ? Je n'ai pas encore choisi le mien...Un conseil ? »

Thea a besoin d'être rassurée. Tout ça, c'est nouveau pour elle. Elle n'a jamais vécu en communauté de cette manière, elle n'a jamais fait de colonies de vacances ou de classe verte qui pourrait lui donner une certaine 'expérience' dans la vie en communauté, même temporaire. Et puis, elle n'a jamais vu de psy de sa vie non plus, elle n'en avait pas les moyens. Le lycée a souvent conseillé à ses parents de l'envoyer voir un psy ou une assistante sociale, mais si ses parents disaient "oui" en souriant, derrière, ils s'excusaient de ne pas pouvoir le faire. Thea n'était pas malheureuse, mais la vie n'était pas facile pour elle. Ses parents regrettaient vraiment de ne pas pouvoir lui donner tout ce qu'elle voulait ou tout ce dont elle avait besoin. Elle, elle n'en demandait pas plus. Leur amour suffisait, même si sa différence de mode de vie de celui de ses autres camarades lui pesait parfois...

« C’est pas grave, t’inquiètes ! »

Rassure Micah alors que Thea la serine de questions. Le petit sourire de la demoiselle amuse la grande qui se sent tout de suite pousser des ailes. Elle aime apprendre, toujours en savoir plus, mais parfois, Micah est bien consciente d’avoir besoin d’échanger les rôles et de prendre la place du professeur. C’est ce qui est en train de se passer. Micah rassure la demoiselle et lui parle des amis qu’elle s’est déjà fait ici. Pour Thea, ça viendra bien assez vite, et d’ailleurs, ça commence avec Miss tâches de rousseurs ici même. Elle n’a peut être pas encore de voisin de chambre, mais ça ne devrait pas tarder non plus, il y a tant de gens dehors qui rêvent de s’en sortir.

« Je pense que ça ne devrait pas tarder, tu es à quel étage ? » demande Micah innocemment.

« Enfin, en attendant, dis-toi que tu as la salle de bain pour toi toute seule, j’ai beau m’entendre avec Gabriel, c’est un mec, et au début c’était pas facile, j’vais toujours peur d’oublier le verrou. » lance-t-elle pour anecdote.

Elle donne ensuite son avis sur les rapports à entretenir entre résidents, Micah est quelqu’un d’assez positif alors ainsi est son opinion. Thea demande ensuite des informations sur les thérapeutes.

« Je suis avec Katheryn Lewis, elle est pas mal, je connais pas très bien les autres thérapeutes en fait, j’ai choisi au hasard. » avoue-t-elle rougissant.

Mais après tout, elle se dit que tous doivent être très bons à leur manière non ? Le centre à fait ses preuves.

Un peu embêtée à l'idée de la submerger de questions, Thea freine un peu ses ardeurs et offre à la résidente un sourire adorable, mélange d'excuses et de reconnaissance.

« Je suis au premier, au bout du couloir. Et toi ? »

Thea sourit en écoutant sa camarade lui confirmer que pour le moment, elle a une salle de bain pour elle toute seule et qu'elle ferait bien d'en profiter avant de devoir la partager avec quelqu'un. Elle imagine également le malaise que ce doit être de se retrouver face à face avec un autre résident de sexe opposé dans la même salle de bain. Elle serait parfaitement du genre à oublier de fermer le verrou, en plus de ça...Peut-être devrait-elle commencer à le fermer, d'ailleurs, en attendant, pour ne pas avoir de mauvaise surprise le jour où la chambre voisine sera occupée.

Jusqu'à aujourd'hui, elle appréhendait un peu de parler aux autres résidents mais finalement ce n'est pas si terrible. Thea est bien tombée pour une première rencontre. Elle craignait qu'on l'envoi balader ou, qu'au contraire, on cherche à en savoir trop à son sujet. D'où elle vient, pourquoi, comment..Des détails qui ne regardent qu'elle pour le moment et qu'elle ne se sent pas de partager avec d'autres résidents. Déjà qu'elle n'est pas très à l'aise avec cette thérapie obligatoire...A ce sujet, elle demande à en savoir un peu plus et s'interroge au sujet des thérapeutes. Elle n'en a jamais connu donc elle peut difficilement comparer, mais puisque Micah est ici depuis plus longtemps qu'elle, elle sait forcément quelques trucs.

« Je ne sais pas qui choisir. Mais je pense que je vais probablement faire au hasard aussi...»

Explique-t-elle en haussant les épaules. En y réfléchissant bien, il se pourrait même que le hasard choisisse pour elle. Elle a cru comprendre en arrivant au centre que quelques membres du personnels étaient partis les uns après les autres. Si elle se souvient bien, il lui semble avoir compris qu'un thérapeute avait quitté le centre alors, elle suppose que ses patients ont été répartis sur ceux qui restent. Elle sera probablement obligée de choisir celui ou celle qui a le moins de patient ou, si un nouveau thérapeute se pointe, d'aller avec lui - ou elle -.

L’engouement de Thea amuse Micah, elle est heureuse de pouvoir répondre à ses questions bien qu’elle se sente légèrement submergée pour un début. La jeune fille se calme un peu et Micah continue de répondre de son mieux à ses interrogations. Elles font connaissance en un mot.

« Chambre 206. »

Il n’y a pas grand risque à donner son adresse dans un cas comme celui-ci, n’est-ce pas ? Micah a souvent été méfiante mais elle le montre rarement, s’interdisant de se retrouver bloquée, immobile par simple trouille.
Elle sourit doucement. Les rôles ainsi inversés, Micah devient le professeur.

La discussion peut paraître banale, mais elle est sûrement très importante pour Thea, elle l’est pour Micah en tout cas.
Lorsqu’elle en vient à interroger Micah sur sa thérapeute, cette dernière répond honnêtement avoir choisi au hasard. Finalement, elle se trouve plutôt bien tombée avec Katheryn. Micah la conseillerait bien a Thea, mais elle vient à peine de la rencontrer et elle ne sait pas encore si la jeune thérapeute pourrait lui convenir. En tout cas, elle sait d’ors et déjà qu’elle finira par trouver le bon.
Thea avoue qu’elle se voit bien faire appel au hasard elle aussi, ça ne peut pas être si mal.

« Je pense que si tu tombes sur un thérapeute avec qui tu n’arrives à rien, il y aura toujours moyen d’en trouver un autre. »

Du moins c’est ce qu’imagine Micah, après tout, ils sont là pour avancer et pas pour rester sur leur passé comme si c’était la fatalité.

Les deux jeunes femmes ne sont pas au même étage mais l'information peut être très utile. On ne sait jamais si pour une raison ou une autres elles ont besoin de chercher l'autre. Thea se voit mal courir après Micah, mais si jamais elle a une question qu'elle ne peut poser à personne d'autre ou juste besoin de quelqu'un pour qui parler, autre qu'un thérapeute, alors peut-être qu'elle ira frapper à la chambre 206. Elle se voit mal aller pleurnicher sur son épaule alors qu'elles se connaissent à peine, mais sait-on jamais...

« Et moi la 112 ! »

Ajoute-t-elle, au cas où Micah aurait envie de lui rendre visite un jour. Même si elle a déjà précisé résider au fond du couloir du premier étage, il y existe tout de même deux chambre. Alors pour éviter les erreurs, même si pour le moment la chambre voisine est encore inoccupée, elle préfère préciser le numéro de sa chambre.

Thea se sent perdue au milieu de toutes ses questions. Elle se rend compte qu'elle a tant de choses à demander. Il y a beaucoup de choses qu'elle ignore et elle aimerait tout savoir tout de suite. Elle n'a jamais trop aimé les surprises, elle aime anticiper. Donc tout ce qu'elle peut apprendre par Micah est un pas de plus qui l'éloigne de la surprise. Elle aimerait savoir d'avance comment vont se dérouler ses séances avec le ou la thérapeute, et encore tout un tas de choses que Micah ignore probablement autant qu'elle.

« Ah oui, c'est bien ça. Je sais que j'arriverai à rien avec un thérapeute qui me met mal à l'aise ou avec qui je ne m'entend pas...»