La première chose qu´Alys avait faite en venant au centre était prendre une douche. Durant les 3 mois qu´elle avait passé dans la rue, elle n´avait eu que deux occasions de se laver convenablement ... et s´était lors du premier mois de Novembre. Ça faisait donc une peu plus d´un mois 1/2 qu´elle n´avait pas put se laver. Donc avoir une douche, avec du gel douche et du shampoing était un luxe réellement inespéré. Et en avait profité. A fond.

Restant sous l´eau chaude jusqu´à ce que sa peau soit rougit et qu´elle commence à friper, elle avait put observer son corps et fût quelque peu choqué par ce qu´elle voyait. Elle n´avait jamais été bien grosse, mais là, il lui semblait que les os de son bassin et ses côtés étaient extrêmement saillant. Elle n´était pas mince, elle était maigre. C´était sans aucun doute explicable par le fait d´avoir passer les derniers mois dans la rue, à crever de faim et de froid et à ne jamais être rassasier. Enfin. Fermant les yeux, elle laissa l´eau chaude couler sur son visage et soupira d´aise. Un léger sourire était apparu sur ses lèvres.

Mais ce sourire avait très vite disparu quand, en sortant de la douche, elle aperçu son reflet dans le miroir. Là, elle vit son corps nu en entier. Ses joues n´étaient plus rondes, mais creuses. Sa peau était aussi blanchâtre qu´un mort vivant. Ses jambes et ses bras étaient squelettiques. Ses épaules et ses clavicules était tout aussi saillantes que ses côtes. De gros cernes se dessinaient sous ses yeux. Eux aussi semblait avoir terni. Ses cheveux étaient tellement emmêlés qu´elle avait du mal à les brosser. Son ventre était trop plat. Rapidement, elle dévia le regard et se détourna de son reflet. Elle était moche, c´était une évidence qu´on ne lui avait que trop souvent répété. Soit.

Alys alla s´habillé -on lui avait donné des habits du centre- et était retourné dans sa chambre. Vêtu d´un t-shirt AC/DC bien trop grand pour elle ainsi qu´un jeans qui semblait être à sa taille, elle était assise sur le lit. SON lit. Composé d´un matelas, d´une couverture et d´un oreiller. Son regard était fixé sur la porte. Finalement, elle se leva et sorti dans le couloir. Se dirigeant vers la porte voisine, elle s´immobilisa devant puis toqua. Lorsque la porte s´ouvrit, elle prit la parole, sans faire attention à son interlocuteur.

"Salut. Tu m´expliques le fonct ..."

Elle se tût subitement. Ayant fait un pas en arrière, levant la tête, son regard était tombé sur la grande silhouette de ... son sauveur ?! C´était lui? Son sauveur était donc son voisin ?! Yeux légèrement écarquillés, bouche légèrement entre ouverte, elle le fixait, ahuris. Alys savait que cet homme était au centre. Mais qu´il était en plus son voisin? Ça la dépassait.

"Qu´est-ce tu fous là ?" demanda-t-il lorsqu´elle eu reprit ses esprits.

Allez savoir pourquoi elle lui avait demandé ça et pas autre chose. Son ton avait limite été agressif. C´était tout de même pas la faute de ce pauvre Logan si elle s´était vu attribuer la chambre voisine. Et puis, d´ailleurs, ça ne la dérangeait vraiment pas. Bien au contraire ! Cet homme était le seul qu´elle "connaisse"

Logan avait entendu l'eau couler lorsqu'il était revenu de la cuisine, une pomme à la main. Il avait tourné les yeux vers la porte de sa salle de bain. Ou du moins, celle qu'il était censé partager avec le locataire d'à côté. Mais comme il n'y avait jamais eu personne depuis que lui-même était arrivé, c'avait toujours été sa salle de bain. Et le fait que quelqu'un autre que lui était en train d'y prendre une douche lui signifiait que ce quelqu'un avait emménagé dans la chambre voisine. L'eau coulait toujours lorsque James finit sa pomme. Il se demandait si c'était un gars ou une fille. Et surtout s'il supporterait ce nouvel arrivant. Disons que s'ils avaient à partager une salle de bain, c'était toujours mieux de s'entendre, ce qui n'était pas gagné d'avance avec l'ancien détenu. Soit.

L'eau s'arrêta finalement. Ce fut une longue douche en tout cas. Réflexe que Logan avait déjà pu remarquer. Quand on vit à la rue, dès qu'on a le loisir de prendre une vraie douche, on ne se le fait pas dire de fois. L'ancien dealer était allongé sur son lit, de façon à pouvoir regarder le ciel par sa fenêtre ouverte. Il n'avait pas dormi des masses cette nuit. Son rythme de sommeil était on ne peut plus aléatoire, mais il s'y était quelque part fait. Le seul soucis avec ça, c'est que lorsque le manque de sommeil se faisait sentir, il ne faisait pas bon être dans les parages. Pour l'instant, ça allait. Et avec la clope qui était en train de se consumer au coin de ses lèvres, il était tranquille.

Au moment où il écrasa son mégot dans son cendrier, on toqua à sa porte. Relevant la tête, Logan écarta de suite l'idée d'une visite de son amant ; celui-ci ne toquait jamais, et s'il le faisait, il entrait de toute façon sans attendre. Le canadien se leva, soupirant, et alla ouvrir la porte, prêt à renvoyer n'importe qui se trouvait derrière. N'importe qui, sauf le petit bout de femme qui fut aussi surpris que lui, sinon plus. Elle avait commencé une phrase, mais s'était brusquement tut. James avait eu le temps de reconnaître sa voix, sans compter son visage. C'était Alys, la gami- jeune fille qu'il avait sauvé il y a peu. Il lui avait parlé du Centre, estimant qu'elle y serait toujours mieux que dans la rue, et à présent elle était là. Et elle lui demanda presque agressivement ce qu'il foutait là. Logan haussa un sourcil, interdit. Elle manquait pas de cran, ça se confirmait. Déjà que le dernier coup elle lui avait dit qu'elle aurait pu se débrouiller seule face à ces deux types... Bref.

— J'habite ici j'te signale gamine, rétorqua-t-il sans se démonter, avant de faire un lien. M'dis pas qu't'es dans la chambre d'à côté.. ? Demanda-t-il en indiquant ladite chambre.

Celle avec laquelle il avait une salle de bain en commun bien sûr, pas l'autre. La canadienne acquiesça alors, et Logan ne sut s'il devait en être soulagé ou non. D'un côté, il la connaissait, plus ou moins. De l'autre, elle n'avait pas l'air d'avoir un caractère facile. Il aurait sûrement quelques belles étincelles, à n'en pas douter. Bon, c'était un fille aussi, il y aurait donc peut-être quelques soucis d'ordre technique, du genre : j'occupe la salle de bain pendant deux heures. Quoique avec ce t-shirt AC/DC trop grand et ce jean, elle tendait plus vers le garçon manqué. Après l'avoir observé un court instant, James reprit la parole.

— Bon, t'es pas v'nue pour taper la causette avec tes nouveaux voisins j'suppose, t'voulais quoi ?

Il peut paraître froid et distant dans ses paroles, un peu sec aussi. Mais il n'est pas franchement mecontant que ce soit Alys qui soit là. Quelqu'un d'autre se serait sans doute prit un vent d'anthologie. Pour la petite histoire, si l'ancien détenu sait qu'il a en face de lui une compatriote, c'est grace à l'accent. Elle est jeune, et il est perceptible pour qui y prête attention, donc elle n'est pas partie du Canada il y a trop longtemps. Conclusion, Logan n'avait pas aucun mal à remarquer l'accent.

Passé l’étonnement et l’agressivité, ce fût une joie hors norme qui prit possession de notre jeune fille. Une réelle joie d’avoir cet homme comme voisin. Cet homme qui, plus est, était aussi un compatriote. Une joie que, pourtant, Alys se garda bien de montrer. Lorsqu’il l’avait sauvé de ses agresseurs, elle avait joué la fille forte qui aurait put se débrouiller sans son aide pour s’en sortir. Ce n’était donc pas maintenant qu’elle flancherait et qu’elle casserait la barrière pour montrer sa faiblesse. Non. Elle se devait de rester forte. Alors, se redressant, réaffichant sa mine neutre, elle se contenta d’hocher la tête, lèvres pincés, lorsque Logan lui demanda si elle habitait effectivement dans la chambre d’à côté. Alys profita du temps de silence qui séparait la première prise de parole, de son interlocuteur, de sa seconde, pour observer Logan de plus près.

La première chose qu’elle remarquait était sa taille. Il y a deux jours, lors de leur première rencontre, cet homme lui avait semblé grand. Maintenant, il lui semblait presque immense. Il devait faire dans les deux mètres, peut-être un petit peu moins. Et puis, proportionnellement à sa taille, ses mains étaient, elles aussi, très grandes. Bien que caché par un pull, ses bras étaient musclés. Additionnant donc les grandes mains avec les muscles de ses bras, Alys se dit qu’elle avait de la chance que cet homme soit de son coté. Rien qu’avec une main, il pourrait lui arracher la tête. Ou au moins lui briser la nuque. Enfin. Relevant lentement le regard, le regard d’Alys tomba enfin sur les yeux de son interlocuteur. Ceux-ci lui semblaient assez petits, par rapport à sa taille générale. Petits, mais jolis. Vert avec un reflet brun ? Ou brun avec un reflet vert ? La canadienne ne saurait le dire. Quoiqu’il en soit, avec sa barbe de 3 jours –ou plus …- et ses cheveux brun et ébouriffé, cet homme avait un certain charme … s’il ne dégageait pas cette aura froideur. Soit.

Elle fût sortie de ses pensées par la seconde prise de parole de son compatriote. D’une manière détournée, il voulait savoir ce qu’elle foutait là. S’il lui avait demandé pourquoi elle l’avait déranger, ça n’aurait même pas étonné notre jeune fille. Bref. Celle-ci se redressa encore d’avantage –sans doute était-ce pour ne pas faire trop chétive face à ce grand gaillard- et le fixa. Longuement elle soutint son regard, le scrutant comme si elle voulait le scanner ou lire ses pensées, avant de s’adoucir légèrement.

« Ça t’aurais dérangé si j’venais pour taper la discussion avec toi ? » demanda-t-elle finalement sur le même ton utilisé par Logan, avant de soupirer doucement « M’enfin. J’sais que t’es ici depuis longtemps … du moins, assez longtemps pour m’expliquer comme se déroulent les journées » Elle croisa ses bras devant elle « Et m’dit pas le contraire, je me rappelle très bien de tes paroles il y a deux jours »

Alys qui, généralement, était plutôt du genre renfermé, se retenant de dire les choses comme elles étaient, était très étonné de son ton et du fait que ses paroles soient tellement directes. Elle qui généralement était presque pire que timide, ne saurait vous expliquer pourquoi elle parlait ainsi à cet homme. Pourtant, tout en Logan lui ordonnait de se retenir. Et pourtant …

Cette petite jouait les fortes têtes. En tout cas face à Logan. Mais il voyait bien dans ses yeux que ce n'était pas forcément dans ses habitudes. Un peu comme lui avec Alex, il n'agissait pas selon ses propres standards en sa compagnie. Soit. Alys le fixa longuement, mais il ne détourna pas les yeux, attendant une reponse. Il remarqua aussi qu'elle s'était redressée, comme pour paraître plus grande. James réprima un sourire en coin, cette gamine l'amusait. Comme une certaine jeune femme qu'il n'avait pas revu depuis très, très, très longtemps. La jeune canadienne ne perdit pas le nord, et n'eut pas peur de répliquer sur le même ton employé par l'ancien taulard, avant de s'adoucir en lui demandant de lui expliquer comment se déroulait les journées et tout le bazar. Elle prévu même le coup en ajoutant qu'il n'avait pas à faire semblant de ne rien savoir, puisqu'elle se souvenait de ses paroles lors de leur rencontre.

Logan haussa un sourcil devant le franc parler de la jeune fille. Elle directe, c'est le moins que l'on puisse dire. Comme si elle connaissait James depuis une éternité. Parce qu'il n'y a bien que les gens qui le connaissent très bien qui peuvent lui parler comme ça sans risque, et encore. Ou alors elle était folle. Mais comme cette deuxième option n'était pas valable, l'ancien dealer se dit qu'elle était du même genre qu'Alex. Mais il les attirait les personnes avec un tel caractère ou quoi ? Il ne s'ennuierait plus au Centre en tout cas. Il soupira alors fortement un fermant un instant les yeux. Il les rouvrit sur la brune et lui sourit en coin.

— J'parie qu't'es une tête de mule toi... lança-t-il en s'appuyant contre la chambranle de la porte.

Puis il parti en explications sur le fonctionnement du Centre. La bouffe que tu dois gérer, les fringues, le ménage de la chambre, le portable qu'ils te fournissent, l'ordinateur dans la salle commune, le fait que tu puisse dormir jusqu'à l'heure que tu veux, du moment que tu gère tes journées correctement avec les rendez-vous chez les conseillers et les thérapeutes. D'ailleurs, dans le cas d'Alys, elle sera sûrement dirigée vers des études en premier lieu. Cela aussi il le mentionna rapidement. La jeune fille posa quelques questions auquelles il répondit, mais elle écouta tout, sans broncher.

— Faudra aussi qu'tu t'trouves un thérapeute et un conseiller d'orientation, t'as l'droit d'choisir et de changer si ça va pas, alors t'inquiète pas trop. Ok ? finit-il par ajouter.

Et après un silence, il lui envoya un petit sourire rassurant. Il savait ce que ça de se retrouver du jour au lendemain dans un environnement inconnu. Lui avait déjà vécu ça pas mal de fois, mais après quelques expériences, c'était presque devenu une habitude. C'était pourquoi il n'était pas resté bien sage à Washington ou Seattle ; il voulait de l'aventure. Et il en avait eu pour son compte, jusqu'à Oakland et la drogue. Bref, c'est une longue histoire.

Après l’avoir traité de tête de mule –ce qui offusqua quelque peu la jeune canadienne- Logan se lança dans des explications diverses et variées. Assaillit de tant de nouveauté, Alys eu du mal à tout retenir. Néanmoins, elle se rappelait des grandes lignes : il y avait de la bouffe à volonté –tant que tu sache la gérer-, elle aura droit à un portable –cette machine inconnue-, elle avait un accès internet. Mais surtout, SURTOUT, elle pouvait dormir jusqu’à pas d’heure. Et cette nouvelle là, l’enchantait réellement. Enfin. D’ailleurs, après lui avoir posé quelques questions par pure curiosité, auxquelles il répondit sans broncher, elle finit par l’écouter parler de thérapeute et conseillers d’orientation.

Alys grimaça légèrement. Ça, par contre, ça ne l’enchantait guère. Car qui dit thérapeute dit parler. Et qui dit parler dit se remémorer. Et qui dit se remémorer dit faire face à son passé. Passé qu’Alys avait tout simplement envie d’oublier. Ce n’était donc pas dans ses intentions d’aller parler d’elle à un ou une inconnue. Soit.

« Mouais, ok … » grommela-t-elle avant de porter son attention derrière son interlocuteur.

D’un regard circulaire et pas très discret, elle scruta la chambre de Logan. Cette chambre avait beau avoir les mêmes dimensions et les mêmes meubles que la sienne, l’agencement était tout de même différent. Le lit n’était pas à la même place, la salle de bain était à sa droite, alors que dans sa chambre à elle, la salle de bain se trouvait à sa gauche. Mais ce qui attira son attention était tout de même ce qui ornait le mur. Des dessins. De là où elle se trouvait, ces dessins lui semblaient jolis. Mais elle était trop loin pour en juger réellement.

Alors, relevant le regard vers Logan, elle le fixa quelques instants puis … passa à côté de lui et entra dans sa chambre. Finalement, elle se risquait en terre inconnue et entrait dans l’espace privé de cet homme. Mais sur le coup, elle n’avait pas vraiment réfléchit. Elle avait surtout été attirée par ces dessins desquels elle s’approchait maintenant. Mains croisées dans son dos, elle s’immobilisa devants ces œuvres et les contemplait tranquillement.

« C’est joli » dit-elle finalement. Décroisant les mains, elle se redressa « C’toi qui les a fait ? » demanda-t-elle en se tournant vers le propriétaire des lieux, après avoir vu une signature qui pourrait correspondre au nom de son interlocuteur. Elle lui lança un coup d’œil vers ce dernier et sourit légèrement en le voyant acquiescer. « Ils sont cool … »

Mettant les mains dans ses poches, Alys observa les deux dessins de paysages avant que son regard ne soit attiré par un portrait. Fronçant légèrement les sourcils, elle s’approcha de ce papier sur lequel était représenté un homme d’un certain âge. Son regard passant de ce portrait à Logan puis de nouveau au portrait puis à nouveau à Logan, Alys tenta de savoir s’il y avait un air de famille entre eux. Mais finalement, à part les cheveux qui étaient mal coiffé chez les deux, rien ne laissait penser qu’ils étaient de la même famille. Enfin. Celui qui était présenté pouvait très bien être sorti de l’imagination de Logan. Bref.

« Il est bien celui-là. » reprit-elle en désignant ledit portrait du doigt, avant de se retourner vers Logan « Dois-je donc comprendre qu’t’es pas seulement doué pour frapper mais aussi pour dessiner ? »

C’était, en observant la réaction de Logan, qu’elle avait affiché un sourire en coin, un brin amusé.

Alys n'eut pas l'air très convaincue par les thérapeutes, mais c'était tout à fait normal. Directement après, son attention se porta sur la chambre de Logan. Celui-ci la regarda tranquillement observer à l'intérieur, mais il ne l'invita pas à rentrer. Ça ne lui était même pas venu à l'esprit d'ailleurs. Ici c'était chez lui, sa chambre. Et il n'appréciait pas les intrusions. Cependant, la jeune canadienne, suite à un regard de quelques secondes échangé avec James, entra simplement. L'ancien dealer en fut limite ahuri. Elle se croyait où celle-là ? Elle aurait au pu moins demander, le minimum quoi. La canadienne se dirigea directement vers les dessins accrochés au mur, et les contempla.

Logan en avait accroché quelques-un, un jour où il se faisait plus ou moins chier. Et il se rememorait à chaque qu'il les voyaient l'histoire de chacun. Parce qu'il y a toujours une anecdote derrière un dessin, une pensée. Un "truc en plus". Alys dit finalement, qu'ils étaient beaux. Et James répondit par l'affirmative lorsqu'elle lui demanda si c'est lui qui les avait fait. A croire que c'était si bizarre. Ce qui, après réflexion, était le cas, malgré la petite signature sur chaque dessin. Pas de tracé d'un "James" ou d'un simple "J' dans celle-ci, un "Logan West" écrit à l'arrache comme toute signature suffisait. Puis Alys s'attarda sur le portrait d'Alex, et essaya de chercher un quelconque lien physique avec l'ancien dealer avant de déclarer qu'il était bien celui-là aussi. Elle se retourna ensuite vers Logan, avec un petit sourire en coin, demandant s'il était donc aussi doué pour dessiner, en plus de l'être pour frapper.

James la regarda un instant, avant de doucement secouer la tête, un sourire désabusé sur les lèvres. Cette petite n'avait pas froid aux yeux face à lui, c'était quelque part rafraîchissant mais aussi casse-pied. Logan avait fait preuve de sang-froid en ne la jetant pas dehors tout simplement. A vrai dire, il n'en avait pas tout à fait envie. Dans sa tête, elle n'était pas une ennemie, une personne à éviter. Nul doute qu'elle allait parfois se montrer chiante, comme toutes les filles de son âge, mais avec elle, il n'avait pas envie de s'enfermer totalement dans sa carapace comme avec n'importe qui d'autre. Peut-être est-ce parce que, mine de rien, il lui avait sauvé la mise.

— Voilà t'as pigé l'truc, lâcha-t-il en haussant les épaules.

Il s'approcha ensuite à son tour, les bras croisés. Son regard se perdit sur le portrait d'Alex, tout en s'adoucissant étonnement. Puis il se reprit en portant son attention sur les autres dessins. Repensant au Canada, il tourna la tête vers la jeune fille.

— J'ai dessiner les Rocheuses Canadiennes aussi, là où j'suis né en fait, dit-il naturellement, avant de continuer sans vraiment réfléchir à ses paroles. Pourquoi t'es parti du Canada toi ?

Dans le genre je-prends-pas-de-gants, Logan est presque imbattable. Il dit ce qu'il pense le plus souvent. Et pour le coup, ça lui paraissait vraiment étrange qu'une gamine soit déjà seule et sans personne. Même si lui avait du se demmerder seul depuis l'âge de 15 ans, il était resté au Canada. Se rendant compte de sa question sans doute trop brusque, il précisa sa pensée, sans pour autant faire preuve d'une douceur incomparable.

— 'Fin t'as quoi, même pas 20 ans j'suis sûr, alors comment t'es arrivée à San Francisco.. ?

La curiosité faisait parfois partie de ses défauts, en effet.

Logan lui confirma, non sans un lourd soupire, qu’elle avait pigé le truc. Alys, se rendant compte qu’elle avait sourit, réafficha une mine neutre et se retourna vers les dessins, tandis que Logan vint se placer à ses côtés. Du quoi de l’œil, elle vît comment il observait le portrait de l’homme et comment ses traits s’adoucirent rapidement. Mais il se reprit tout aussi rapidement, de telle manière que la jeune canadienne se demandait presque si elle n’avait pas rêvé. Enfin. Tête légèrement incliné sur le côté elle écouta son interlocuteur avec attention, souriant quand il lui annonça avoir dessiné les rocheuses canadiennes où il était né. Ce sourire, pourtant, disparu bien rapidement lorsqu’il lui demanda pourquoi elle avait quitté son pays natal.

Déviant brusquement le regard, elle baissa la tête, fixant le sol. Dans ses poches, ses poings se serrèrent, tandis qu’elle dégluti et que son regard s’assombrit. Putain. C’est que cet homme savait gâcher tout un moment de bien être et de détente. Enfin. Elle aurait put s’y attendre. Et puis, elle aussi voulait plus en connaitre sur son voisin. Autant donc ne pas faire la tête de mule (pour une fois …) et lui répondre.

« Mon père. » cracha-elle froidement et sèchement, gardant tout de même le regard baissé « Il m'a frapper un peu trop fort et j’ai pas eu d’autre choix que de me venger en lui éclatant un vase sur sa putain tronche de merde. »

En parler, ravivait la douleur. Presque machinalement, se passa la main droite sur son épaule puis son coude puis son poignet gauche. Ces trois endroits avaient été le plus touché lors de la dernière rencontre avec son père et étaient resté douloureux encore plusieurs semaines après. Enfin. Secouant légèrement la tête, elle prit une profonde inspiration, tentant de refouler ses images. Se passant une main sur le visage, elle se frotta le front et soupira, avant de se tourner vers Logan.

« Depuis plus d’nouvelles d’la famille. Et c’est pas pour m’déplaire … »

Bon, elle aurait bien aimé avoir des nouvelles d’Anna. Mais ça, c’était la chose la plus impossible qui existe. Et puis son frère, sa mère et son père, eux, pouvaient aller crever. Tout comme Marya, qui n’avait pas juger bon de chercher à joindre Alys.

L'effet ne se fit pas attendre. Alys baissa brusquement la tête, fixant le sol. Logan sut qu'il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas, mais comme de coutume, il n'avait aucun regret. Il aurait bien fallut que tôt ou tard ils en viennent à parler de ça. Et puis, si la jeune fille, ne voulait pas lui répondre, il n'insisterait pas. Il était peut-être buté, mais pour le coup, il n'insisterait pas sachant qu'il detesterait que l'on fasse ça avec lui. La petite canadienne choisit néanmoins de lui répondre. D'un ton froid et sec qui contrastait vivement avec son sourire de tout à l'heure, elle expliqua que son père l'avait frappée, et qu'en retour elle lui avait éclaté un vase sur le visage.

Logan ne sut pas quoi en penser sur le moment. D'un côté, il était un peu surpris qu'une gamine comme elle ai réagi ainsi. Mais d'un autre, il l'a comprennait totalement. Il avait vécu la même chose. Sauf que la fin était quelque peu différente et un tantinet plus "radicale". James remarqua que sa voisine de chambre se passait machinalement la main droite sur son bras gauche. Il supposa, à juste titre, que le père n'avait pas du être tendre. Lui par contre, il ne le comprenait pas. On ne frappait pas ses enfants, premier point. Second point, c'était une fille. Rien que pour ça, Logan lui aurait fait regretter ses gestes. Bref. Alys ajouta pour finir qu'elle n'avait plus eu de nouvelles de sa famille depuis, mais qu'elle s'en fichait en fin de compte.

Logan fronça les sourcils, fixant la jeune fille. Ça par contre, il ne pouvait pas comprendre. Pourquoi les gens qui avaient encore une famille, dès lors qu'ils s'engueulaient pour une raison X ou Y, coupaient les ponts sans plus de cérémonie ? Pour Alex, la raison était même stupide. Pour Alys, il ne connaissait pas toute l'histoire, mais il était persuadé que tout n'était pas perdu avec toute sa famille. A moins qu'elle n'ai que son père, mais vu qu'elle avait précisé "famille", ça ne collait pas. James soupira ensuite, et posa sa main sur la tête d'Alys. Il lui ébouriffa ensuite les cheveux, doucement, puis se pencha un peu pour être à sa hauteur et la fixer dans les yeux.

— J'sais pas tout d'ton histoire, mais crois-moi, j'te comprends que trop bien, dit-il doucement avant de se redresser, de lui tapoter un peu le sommet du crâne, puis de caler les mains dans ses poches, détournant un peu le regard. Mon père aussi me battait, ça a duré des années. Un jour j'en ai eu marre, j'l'ui ai rendu la monnaie d'sa pièce, et j'me suis retrouvé totalement seul, j'étais plus jeune que toi.

Il ne sut pas pourquoi il avait dit ça. C'était sorti tellement facilement. Comme avec Alex en fin de compte. Bon, il avait encore fait la version édulcorée, mais c'était déjà étonnant qu'il ai parlé de ça. Mais comme Alys avait déjà évoqué son passé, il avait estimé que c'était à son tour, comme une sorte de deal — et il s'y connaissait en deal. Et puis, il fallait qu'elle sache qu'elle n'était pas seule. Ces deux-là avaient tout de même pas mal de points communs. Puis Logan reposa son regard sur la jeune fille, sérieux.

— Par contre, tire pas un trait sur ta famille aussi vite. Ton père est p't'être un enfoiré, mais ta mère doit être gentille non ? Et puis, ils sont encore vivants. Tu verras l'jour où tu s'ras orpheline, tu trouv'ras plein d'choses que t'aurais voulu leur dire, mais ça s'ra trop tard.

Ce fut en effet son cas. Comme c'est le cas de tout le monde. Sauf que la plupart des gens ont des dizaines d'années pour faire comprendre à leurs parents à quel point ils sont importants. Logan lui, eu tout juste 15 ans, et encore moins pour son père. D'autant qu'il avait ni frères ni soeurs. Il savait donc ce qu'est la vraie solitude. Et c'était tout ce qu'il ne souhaitait pas Alys. Quelque part, il avait envie de la protéger, parce que la vie avait été injuste avec elle.

Alys avait à nouveau le regard baisser lorsqu’elle senti la main de Logan sur sa tête. Instantanément, elle se figea. Par pur reflex, ses muscles se tendirent brusquement, mettant son corps en alerte. Certes, elle n’avait aucune chance contre Logan et se survivrait pas à un combat avec lui, mais elle avait l’avantage de la taille. Elle pourrait lui filer entre les doigts. Machinalement, son regard se porta sur la porte, évaluant rapidement la distance qui la séparait de la sortie … lorsque Logan reprit la parole. Et ce qu’il dit coupa le souffle de notre canadienne.

Il lui dit tout d’abord que, bien qu’il ne connaisse pas son histoire entière, il pouvait, rien qu’avec ces quelques informations, la comprendre très bien. Alys l’interrogea du regard, se demandant comment ce pouvait être possible, mais elle n’eut pas à lui poser de question, car il lui répondit de lui-même. Lui-même s’était fait battre par son père et s’était retrouvé totalement seul, alors qu’il était plus jeune qu’elle. Alys dégluti. D’un côté, elle était horrifié : il y a finalement plus d’enfants battu sur cette terre, qu’elle ne l’imaginait. Et ça, c’était tout bonnement insupportable. Mais d’un autre côté elle ressenti un certain soulagement : l’idée de ne pas être la seule à avoir vécu ça, la rassurait quelque peu, dans le sens où son voisin pouvait la comprendre. Et, c’est cruel à dire, mais pour ça, elle lui serait reconnaissante.

Par contre, ce qu’il dit ensuite, rejeta un froid sur la situation. Elle ne devait pas couper les ponts avec sa famille sous prétextes qu’ils sont encore vivants et que, dès qu’ils ne le sauront plus, elle sera orpheline et trouvera bien des choses à leur dire.

« Effectivement, tu connais pas toute l’histoire. » dit-elle entre ses dents. Serrant à nouveau les poings elle releva un regard dur sur Logan « Je n’ai pas de père et pas de mère à proprement parlé. Ce n’était que mes parents adoptifs. L’homme me battait, la femme restait passive. Elle n’intervenait jamais. » Elle se recula d’un pas « Jamais, tu m’entends ? » Elle avait haussé la voix, déglutissant pour ravaler ses larmes « Jamais. Elle observait le tout, sans jamais retenir cet enfoiré. »

Elle sentait comment elle se mettait à trembler. La vague rage, qu’elle avait mit plusieurs semaines à ravaler, contre sa mère adoptive revenait violement, tel un tsunami qui détruit tout sur son passage. Son rythme cardiaque, son pouls et sa respiration s’accéléraient. Alys avait l’impression de suffoquer. Les tremblements dans ses bras se firent plus visibles.

« Mon frère et ma sœur m’ont tourné le dos. Et … »

Elle n’en dit pas plus. Elle en avait déjà trop dit. Parler de sa mort d’Anna était au-dessus de ses forces. Sentant ses yeux se remplirent de larme, elle se détourna de Logan et se dirigea vers la fenêtre. Fermant les yeux, elle s’obligea à les refouler. Elle n’avait plus craqué depuis 3 mois. Ce n’était pas maintenant, pas devant cet homme, qu’elle allait le faire. Elle n’allait pas se montrer faible.

Cette petite était paumée, c'était le cas de le dire. Elle ne savait plus à qui faire confiance, sur qui se poser. Logan avait bien senti comment elle s'était tendue lorsqu'il avait posé une main sur sa tête, mais il avait fait comme si de rien n'était. Par la suite, la jeune fille fit la sourde oreille à ses conseils. Sous prétexte qu'elle avait été adoptée, elle estimait que ce n'était pas ses parents. Mais ils l'ont élevée non ? Donc ce sont tout de même ses parents. Cependant, Alys était sans doute trop jeune pour comprendre. Elle avait les yeux fermés et refusait de voir plus loin que le bout de son nez. Logan retint un soupir, mais supporta la colère de la jeune canadienne qui pointait dans sa voix.

Sa mère n'avait sans doute rien fait pour retenir son mari, mais qui ne dit qu'elle n'avait pas voulu ? La mère de Logan l'avait bien défendu une ou deux fois, mais face à ce père alcoolique, elle aussi finissait par se faire frapper. Donc bien qu'elle ne soit plus intervenue par la suite, son fils ne lui en voulu pas. Peut-être qu'effectivement, il ne connaissait pas toute l'histoire d'Alys, mais pour le coup, elle non plus ne devait pas vraiment savoir ce que ses parents avaient dans le crâne. La jeune fille tremblait de plus en plus ostensiblement, ayant de la difficulté à retenir ses larmes. Son frère et sa soeur lui avaient aussi tourné le dos, mais James n'en su pas plus car elle se coupa net. Refoulant des larmes qui menaçaient d'innonder son visage, la jeune brune se détourna en direction de la fenêtre.

Logan se maudit, il n'aimait pas voir les femmes pleurer, ça lui rappelait inconsciemment sa propre mère. Alors, sans même réfléchir au pourquoi du comment, il rattrapa Alys par le bras. Un peu brusque au début, comme dans ses habitudes, il fit néanmoins tout pour maîtriser ses gestes et se montrer doux. Alex l'avait comparé à un ourson, il n'était peut-être pas si loin que ça de la vérité. La tournant face à lui, il la prit dans ses bras. Il ne comprit même pas ce qu'il fit au moment où il le fit. Lui qui avait d'ordinaire horreur des câlins, il ne pouvait quand même pas la laisser dans cet état-là. Et bien qu'il n'aime pas non plus les pleurs, il fallait que la canadienne se lâche un peu. Qu'elle exteriorise tout ça, sinon ça la tuerait de l'intérieur.

— Pleur, te pose pas d'questions et pleur, dit-il doucement en la tenant contre lui. Ça va t'faire du bien.

C'était peut-être on peut plus bateau comme phrase, mais c'était la pure vérité. Sinon, pourquoi tout le monde le répeterait ? Il la maintint contre lui, en douceur mais avec fermeté. Il se rendit compte qu'il faisait une chose plus qu'inhabituelle chez lui mais il s'en fichait. La compagnie d'Alexander, et le Centre en général, avait fini par l'adoucir quelque peu, et à redonner un souffle à son coeur qui était resté longtemps. Ça n'était peut-être pas si mal que ça, finalement. Et là, dans ses bras, Alys paraissait encore plus chétive. Cela le fit sourire doucement, alors que sa main venait se poser sur les cheveux de la brune.

— En plus, j'parie qu'tu t'es pas laissée aller d'puis qu'tu t'es barrée hein ? chuchota-t-il, amusé, avant de redevenir un peu sérieux, comprenant quelque peu les pensées de la canadienne. C'pas d'la faiblesse ça, t'en as besoin c'est tout. Pis ça prouve au moins qu't'as un coeur.

Une forte poigne sur son bras. Des bras fort qui se referment sur ses épaules. Une chaleur incomparable et douce. Un corps ferme, mais moelleux et des plus agréables. Voilà ce que ressenti Alys. Alors qu’elle avait encore le dos tourné à Logan, celui-ci l’obligea à se tourner vers lui avant qu’il ne la prenne dans ses bras. Alors, et contre toute, elle se laissa faire. Sans doute trop faible pour se détacher de cette emprise, elle n’en avait, finalement, aucune envie. Se sentir soutenu et non pas haï par un homme, était quelque chose d’extrêmement agréable. Fermant les yeux, elle se blotti contre Logan, posant sa joue gauche contre son torse et l’écouta.

Il lui dit de pleurer, car elle en avait surement besoin et que ça lui ferait du bien. Mais elle ne pleurerait pas. Non. Elle savait que ce n’était pas bien. Elle s’était interdit de pleurer. Elle ne voulait pas montrer ses larmes à un homme, aussi adorable soit-il. Ensuite, il lui dit qu’elle ne s’était surement pas laissée allée depuis longtemps. C’était le cas. Depuis qu’elle s’était sauvée de la maison, elle n’avait plus versé une larme. Par contre, ce qu’elle ne comprenait pas, c’était que Logan lui dise que pleurer n’était pas une marque de faiblesse mais la preuve qu’elle avait un cœur. Pendant tant d’années on lui avait dit et répéter qu’elle n’avait pas le droit de pleurer, que ce n’était qu’un acte pour les faibles, pour les victimes qui essaient d’amadouer ses agresseurs.

Alors, elle refoula à nouveau ses larmes. Jamais plus elle ne se laissera aller. Logan avait beau l’encourager à le faire, elle ne l’écoutera pas. Et pourtant elle restait là, dans ses bras. Sans pleurer, certes, mais elle restait debout, blottie contre le torse de son sauveur.

« Merci » souffla-t-elle simplement en passant ses mains autour de la taille de l’homme.

Se serrant d’avantage contre lui, elle se laissa submerger par la vague de bien être. Plus forte, celle-ci repoussa la rage que la jeune fille avait en elle, la mettant dans un état second. Presque comme en transe, Alys resta debout, profitant de ce calme et du silence. Reconnaissante envers Logan ne rester lui-même immobile, elle se repoussa finalement après plusieurs minutes et se recula de deux pas. Le regard baissé, Alys se frotta le bras droit, quelque peu mal à l’aise, avant de dévier le regard vers la gauche, observant, silencieuse, la chambre.

« Je serais pour parler d’autre chose, hm ? » elle releva un regard interrogateur vers le canadien, tentant de sourire un peu. Puis son regard tomba sur les mains de son sauveur. « J’ai bien vu que tu t’y connaissais en combat … Tu me montre quelques technique d’auto défense ? Histoire que je ne sois pas dépendante de toi la prochaine fois. »

Alys observait Logan d’un regard empli d’espoir. Elle passait du coq à l’âne, mais elle n’en avait rien à faire.

Malgré tout, Alys ne pleura pas. Idiotie ou non, en tout cas elle faisait preuve d'une belle force de caractère pour son âge. Était-ce une marque de fabrique des canadiens d'être têtus comme pas deux ? Logan n'aurait su le dire. Mais au moins, la jeune fille resta contre lui et se calma peu à peu, ne le repoussant pas. Elle se blottit même un peu plus contre lui en le remerciant doucement, et James resta là, sans bouger, simplement, en silence. Plusieurs minutes plus tard, elle se recula de deux pas, totalement calmée, bien qu'un peu mal à l'aise.

Elle décida alors de changer de sujet. James sourit un peu, amusé. Mais son sourire s'éteignit pour laisser place à une mine étonnée. Alys lui demandait de lui montrer quelques techniques d'auto-défense, pour qu'elle ne soit plus dépendante. James haussa un sourcil, ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais la referma finalement. Il ne pensait pas que c'était une bonne idée, lui était plus dans l'attaque que dans la défense. Et puis, Alys était en sécurité au Centre, elle n'avait pas besoin de ça. Réfléchissant, il se passa une main sur la joue, puis dans les cheveux.

— J'pense pas j'sois l'plus qualifié pour faire ça t'sais, la défense c'pas trop mon truc.

Mais devant le regard plein d'espoir de la gamine, il sentit sa détermination vaciller. Il savait pertinemment qu'elle allait insister, encore, et encore, et encore. Et c'était légitime, de vouloir savoir se défendre. Sauf que James, bien qu'il ai fait des années d'arts martieux étant jeune, ne saurait pas expliquer ses techniques. C'était instinctif chez lui. Alexander serait plus qualifié déjà. Ou prendre des cours de self-défense, tout simplement. Le soucis avec ça malgré tout, c'était le coût. Le Centre n'accepterait peut-être pas de payer des cours de ce genre.

— Tu d'vrais d'mander, pour des cours, p't'être que l'Centre voudra bien t'en payer, avec c'que t'as vécu, proposa-t-il sans grande conviction cependant. Puis, après quelques instants à fixer Alys, il soupira fortement. Mais si t'peux pas, j'te donnerais deux trois conseils...

Malgré la mine étonné de son interlocuteur, Alys ne flanchai pas pour autant. Elle le fixait avec conviction. Bien qu’ayant vécu beaucoup trop de choses dans sa courte vie, elle n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et possédait une force de caractère qui s’était forgé avec tous les coups de la part de son père. Finalement, Logan se passa une main dans les cheveux avant de lui avoué qu’il n’était pas qualifié pour ce qu’elle lui demandait.

Le regard d’Alys se durcit. Lui, pas qualifier ? Mais à qui voulait-il le faire croise, franchement ? Pas à elle, en tout cas. Qu’il soit plus dans l’attaque n’avait aucune importance, car elle partait du principe que quiconque sait attaquer sait aussi se défendre, vu que l’attaque et la défense n’était aucunement indissociable. Ainsi, elle n’écouta que d’une oreille le reste de paroles de son sauveur. Il dit un truc par rapport à prendre des cours de défenses qui seraient éventuellement payé par le centre. Et si le centre n’acceptait pas une telle chose, alors seulement Logan accepterait de lui donner quelques conseils.

« Donc si maintenant tu attaques, mais qu’on t’attaque en retour, tu serais incapable de parer le coup ? » demanda-t-elle avant de secouer la tête « sérieux Logan, me prend pas pour une conne. T’as beau faire plus dans l’attaque mais pour moi on ne peut pas apprendre l’attaque sans connaitre la défense et vise versa. » Elle soupira doucement « Je ne te demande pas non plus de faire de moi une karatéka de 9ème Dan ou je ne sais quel niveau. J’ai juste envie de savoir comment me protéger dans le cas d’une attaque. » Elle dévia le regard « J’ai beau être en sécurité ici et maintenant mais … » elle releva son regard vers Logan « mais je ne vais pas non plus passer le reste de ma vie dans ce centre» Elle fît un pas vers son compatriote « Et si c’est toi qui m’explique quelques techniques ça évitera au centre de payer encore plus pour moi. Tu vois ? Si on allie l’utile au pratique c’est bénef pour tout le monde » elle haussa les épaules puis soupira en désignant les dessins « A moins qu’tu préfère dessiner plutôt que d’m’aider. Ce pour quoi je ne pourrais te blâmer. »

Elle n’avait plus autant parlé depuis longtemps. Mais bon. Tête de mule un jour, tête de mule toujours …

Alys ne flancha pas. Elle exposa d'ailleurs plusieurs arguments, déterminée au possible. Ce n'est pas que Logan ne savait pas se défendre, c'est surtout que chez lui, lorsqu'on l'attaquer, il ne faisait pas qu'immobiliser la personne, il répliquait instantanément. Et il ne voulait pas apprendre à se battre à cette gamine. Se défendre, okay, se battre non. D'autant que ses techniques à lui reposaient en très grande partie sur ses propres capacités, et on ne pouvait nier la différence de gabarit entre les deux canadiens. Bref, c'était pas gagné pour faire le tri entre ce qui marcherait avec Alys ou non. L'aîné resta silencieux un moment après la tirade de la petite, puis soupira fortement.

— Ok, t'as gagné, j't'apprendrais deux trois trucs, céda-t-il, avant de relever les yeux vers elle et de hausser les épaules. Par contre, j'peux rien garantir, et j'rejette toutes responsabilités s'tu fais mal, deal ?

Il tendit une main en face de lui pour sceller l'accord. Qu'elle vienne pas se plaindre si elle venait à se retrouver à terre, la respiration coupée, sans comprendre ce qui lui est arrivé. L'ancien dealer essayera bien de contrôler sa force et d'expliquer au mieux, mais ça non plus, il ne pouvait pas le garantir. Ils se serrèrent donc la main pour conclure le deal, sous le sourire d'Alys.

James n'avait pas tenu face à elle, c'était plus qu'étonnant. Ça faisait un peu la même chose avec Alex, et encore avant, avec Marya, mais ça, c'était encore une autre histoire. Finalement, cette petite lui faisait penser à cette dernière ; canadiennes, elles se ressemblaient tout de même, et savaient toutes deux lui tenir tête. Il se demandait ce qu'elle était devenue et si... Non. Se rendant compte de son petit sourire et de son air dans le vide, il se reprit totalement. S'il y pensait maintenant, il allait déraper, encore être déprimé, devenir de mauvais poil, envoyer chier n'importe qui, et ensuite se faire remonter les bretelles par son abruti de copain. Bref, ça n'était ni le moment ni l'endroit.

— Bon, d'autres questions ? Ah et pour la salle de bain, t'oublieras pas d'vérouiller la porte s'tu prends une douche hein, ou alors viens pas d'plaindre si j'déboule sans faire exprès, lâcha-t-il en mettant ses mains dans ses poches.

La joie du partage de salle de bain. Et là, c'était une fille. Une jeune fille. Faudrait pas qu'on le prenne pour un pédophile, d'autant qu'il sort déjà avec un homme, et plus âgé de surcroit. En fait, mais si ça aurait été un autre gars à côté, en apprenant que James n'était pas que hétéro, ça aurait sûrement jeté un froid. Soit, même si ses paroles pouvaient laisser penser qu'il la mettait dehors, ça n'était pas vraiment dans les intentions de Logan.

Et finalement, sa force de conviction faisait son effet : Logan fût le premier à flancher et accepta de lui donner quelques conseils. Tout en précisant qu’il rejette toute responsabilité de blessure ou truc dans ce genre, il lui tendit la main. Affichant un air entendu, Alys hocha la tête, souriant en coin. Intérieurement, pourtant, sa joie était grande. Bien qu’était bien plus grand, plus fort et tellement plus imposant –au niveau du poids- que notre jeune canadienne, celle-ci était persuadé que son sauveur était le plus apte à lui apprendre quelques techniques de défense et éventuellement aussi d’attaque. Enfin.

Après un temps de latence, pendant lequel Alys avait bien remarqué que le regard de son interlocuteur s’était perdu dans le vide, il lui signifia qu’elle ne devrait pas oublier de fermer la salle de bain à clef. Sourcils froncés, Alys l’interrogea du regard puis regarda vers la porte de la salle de bain. Alors comme ça la seconde porte qu’elle avait vu donnait sur cette chambre ? Putain. Fallait vraiment qu’elle fasse gaffe alors. Non pas que ça la dérangerais de voir Logan nu –il devait être plutôt bien foutu- mais que lui la voit sans habit était bien plus dérangeant. Enfin.

« J’y penserais ...» dit-elle simplement en haussant les épaules.

En remit ses mains dans ses poches et observa encore distraitement la chambre avant de reporter son Logan. Celui-ci la fixait encore et toujours. Alys soupira doucement et hocha la tête.

« Ça va ça va, je m’en vais déjà. » dit-elle en s’avançant vers la porte. L’ouvrant, elle s’immobilisa puis regarda au-dessus de son épaule et envoya un sourire à Logan « C’cool qu’tu sois mon voisin. »

Sur ce, elle sorti dans le couloir et referma la porte derrière elle. Entrant dans sa chambre, elle s’installa sur son lit et fixa le mur qui la séparait de son voisin. Savoir Logan tout près d’elle avait quelque chose d’extrêmement rassurant quand même …

[fin de la scène]