Gabriel avait décidé aujourd'hui, de descendre au Starbucks. Cela faisait deux semaines qu'il était au centre et cela faisait deux semaines qu'il n'avait pas revu le visage de celle qu'il pensait croiser tout les jours une fois dans ce foyer pour sans abris...
Le musicien était tombé amoureux de cette grande ville de San Francisco, et il faut avouer que le visage lumineux et le regard profond de cette demoiselle lui avait donné envie de se faire une place dans cet endroit... Mais elle n'avait pas réapparu. Il commence à se demander si elle n'est pas entré ici par hasard !... Mais quand il a découvert qu'il existait quelques « commerces » au rez de chaussée du centre, il s'était dit que peut être elle travaillait quelque part par là ?

Se contentant de se mettre à une table qui n'avait pas encore été débarassé, pas spécialement désireux de consommer, Gabriel prend donc le gobelet qui se trouvait sur cette table et commence à jouer avec, et à réfléchir un moment. Ne serait il pas en train de faire quelque chose de stupide en décidant de se réhabiliter dans le seul but de revoir cette femme ?... Si ça se trouve, celle ci n'a aucune idée de qui il est, c'est même sur et certain. Laissant son regard se balader dans la pièce, il observe, essaye de raccrocher ce regard... Relevant le col de son manteau il pousse un léger soupir.

C'est à ce moment là qu'il croise le regard d'une très jolie blonde aux yeux bleus. Ça n'est pas celle qu'il attend, mais il sait qu'il la déjà vu quelque part ; sans doute au centre. Lui offrant un sourire, il hésite. Est ce qu'il doit se lever pour aller vers elle et lui dire bonjour ? Ou est ce qu'il doit attendre qu'elle vienne à sa table ? Après tout, il n'a pas envie de déranger et sans doute n'est elle pas venue ici pour le voir lui, c'est même sur.

Judith adorait littéralement le Starbucks Coffee, qu’elle considérait comme sa seconde maison après son appartement. Situé non loin du désormais célèbre Foyer dans lequel elle travaillait en parallèle avec ses études de psychologie, elle s’y rendait tous les matins avant de commencer à travailler, et en journée également quand elle disposait d’un peu de temps. Elle aimait ses petites habitudes. Elle s’engouffra donc à l’intérieur du café, apprécia la chaleur qui se dégageait du lieu – créant un étonnant contraste avec le froid de ce mois de décembre – et resta quelques minutes plantée sur le seuil de la porte, indécise.

Après un instant d’hésitation, elle s’avança vers le comptoir pour commander un chocolat viennois « avec beaucoup de crème s’il vous plaît ». Ensuite, Jude se tourna vers la salle pour observer les personnes présentes. Aucun visage connu… En même temps, elle fréquentait le quartier depuis peu. Ses yeux se posèrent soudain sur une silhouette masculine qui lui disait quelque chose. L’homme, assis seul à une table, tourna à son tour la tête en sa direction et leurs regards se croisèrent. Oui, elle l’avait déjà vu quelque part. Aussitôt, elle se plongea dans ses réflexions. Un résident du Foyer, probablement. Il n’y avait que là qu’elle aurait pu le croiser.

L’esquisse d’un sourire éclaira le visage de la jolie blonde. Il était vraiment séduisant. Elle se souvint tout à coup qu’en effet, elle l’avait déjà vu au centre, dans les couloirs. Mais il était nouveau, son arrivée était encore plus récente que la sienne. Elle se retourna vers le comptoir, paya rapidement sa boisson avant de la saisir, et hésita de nouveau. Il la regardait toujours, et lui sourit à son tour. Alors elle se dirigea vers lui, décidée à entamer la conversation. De son habituel ton joyeux, et sans pincettes, elle lança :

« Bonjour ! Votre tête me dit quelque chose. Hum… Vous êtes un résident du centre Adam Hawkes, c’est ça ? »

Par-contre, impossible de mettre un nom sur son visage. De toute façon, Judith n’avait jamais été très physionomiste. Comme sa tasse menaçait de déborder et d’asperger le sol, elle s’empressa de la poser sur la table derrière laquelle se tenait l’homme, toujours assis. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, se demandant s’il attendait la venue de quelqu’un, puisqu’il était tout seul, mais elle osa malgré tout poser une seconde question en désignant du menton la chaise vide.

« La place est libre ? »

En venant ici, Gabriel pensait réellement qu'il allait tomber sur la jeune femme qui avait fait qu'il avait envie de s'intégrer dans la ville de San Francisco. Mais, c'est avec déception qu'il se rend compte qu'elle ne travaille pas ici. Ou qu'en tout cas, ça n'est pas aujourd'hui qu'elle y travaille, si serveuse au Starbucks est bien son métier. Et finalement, le voilà donc qu'il se retrouve au Starbucks, la gorge sèche et sans compagnie... Jusqu'à ce qu'une jolie blonde n'entre dans le café. I lui semble l'avoir déjà vu et il sait même que c'est au centre Adam Hawkes qu'il a croisé son regard. Déjà à cet instant, il lui avait lâché un sourire des plus charmeurs, sans vraiment s'en rendre compte, juste parce qu'elle, elle lui avait sourit et cela lui avait donné envie de faire de même. Sans doute devait elle être un petit rayon de soleil à elle toute seule !

A la voir hésiter, commander dans un premier temps sa boisson chaude pour finalement se détourner de lui, Gabriel ne s'attend pas à ce qu'elle vienne vers lui et pourtant, c'est ce qu'elle fait!La jolie blonde se dirige donc vers lui et lui adresse même la parole, le salut et lui explique que sa tête lui dit quelque chose avant de finalement en déduire d'elle même qu'il est un résident d'Adam Hawkes. Un sourire aux lèvres lui aussi, il affirme d'un signe de tête avant de répondre à son interlocutrice.

Bonjour... C'est exactement ça.

Avoue t il. Puis, quand il la voit s'installer à la table qu'il y a derrière lui, il se retrouve une nouvelle fois déçu. Déçu qu'elle ne vienne pas à sa table, et déçu de ne pas avoir eu le cran de le lui demander, mais cela ne dure pas longtemps puisqu'elle finit par reporter son attention sur lui et lui demander si la place est prise.

Bien sur !... Gabriel

Se présente t il alors en lui tendant la main, un sourire timide aux lèvres.

Judith avait vu juste, le jeune homme vivait bien au centre. Dans le doute, et par pure politesse, elle n’avait pas voulu se montrer encore plus entreprenante et s’était gentiment installée derrière lui. Mais, une fois rassurée sur son identité – le comble aurait été qu’elle s’asseye en face d’un parfait inconnu pour lui parler de la pluie et du beau temps. Elle reprit sa tasse, se releva quelques secondes plus tard avant de se reposer devant le dénommé Gabriel, puisqu’il se présenta en lui tendant solennellement la main. Elle se mordilla la lèvre, agréablement surprise par cette entrée en matière, avant de tendre à son tour la sienne.

« Enchantée de vous rencontrer. Je m’appelle Judith. »

Elle poussa du revers de la main les anciennes tasses qui trônaient sur la table, et qu’une serveuse se hâta de venir déblayer quelques minutes plus tard, avant de repartir tout aussi vite. Un silence s’installa entre eux, durant lequel chacun parut dévisager l’autre. Ou, tout du moins, Judith dévisageait Gabriel. Elle le trouvait indéniablement beau, d’une certaine façon, et il l’intriguait. Tous les individus qu’elle croisait l’intriguaient, elle adorait les écouter parler, faire leur connaissance. Son interlocuteur n’échappait pas à la règle. Elle faillit lui demander ce qu’il faisait dans la vie, question banale et ordinaire d’un début de conversation, avant de s’injurier mentalement en se souvenant qu’il vivait au Foyer ; et que, par-conséquent, sa question aurait été particulièrement déplacée.

« Vous… Vous êtes nouveau au centre, non ? Je ne vous y ai pas vu souvent … Enfin, j’y travaille. En tant que stagiaire ».

Il n’y avait pas trente-six mille postes différents au sein du centre Adam Hawkes, si bien qu’il ne tarderait pas à découvrir qu’elle était psychothérapeute, du moins, stagiaire. Ce n’était pas tellement une fierté à ses yeux, elle ne s’étalait jamais sur le sujet. En général, il y avait deux sortes de comportement quand on annonçait son métier ou qu’on suivait des études de psychologie. Certains fuyaient en courant en lui disant qu’elle lisait dans les esprits, d’autres se montraient très intéressés, presque trop. Dans tous les cas, Judith n’était pas très à l’aise.

La jeune femme, pour se donner de la contenance, but une gorgée de son chocolat viennois, tout en s’étalant bien évidemment de la crème un peu partout autour de la bouche. Toujours ridicule, quoi qu’il advienne. Toutefois, de bonne humeur, elle ne s’en formalisa pas, au contraire.

« Vous habitez à San Francisco depuis longtemps ? »

Rare étaient les fois où Gabriel se faisait aborder de cette manière par une inconnue. Pour cause ! Elle n'en était pas vraiment une, puisqu'ils s'étaient déjà rencontrés, mais sans doute jamais parlé. Après qu'elle lui ait demandé si elle pouvait s'asseoir à sa table, le musicien ne peut pas lui dire non : elle est vraiment jolie, avec sa chevelure blonde de princesse, ses lèvres pulpeuses et son petit sourire timide. Quand elle se mordille la lèvre, c'est le pompon ! Il la trouve vraiment mignonne et ne peut s'empêcher de se sentir intimidé. Parler de lui n'est peut être pas dans ses cordes, mais discuter avec une fille est peut être encore plus difficile pour le presque trentenaire.

Judith... Enchanté.

Répète t il à son tour, dans un souffle. Il était vraiment plus qu'enchanté d'avoir la chance de discuter avec une demoiselle aussi jolie. Ça n'était pas tout les jours ! Il faut aussi dire que ça n'est pas tout les jours qu'il peut prendre une douche, se montrer – peut être pas beau – présentable. Posant son regard sur la jeune femme, il la dévisage aussi de son côté. Ses beaux yeux bleus, sa peau très pâle, on la croirait tout droit sortie d'un conte de fées, tant elle a l'air d'une princesse ! Une serveuse vient les déranger l'espace de quelques secondes, pour les débarrasser du gobelet qui servait de « couverture » au jeune homme, et Judith reprend la parole.

En effet, j'y suis depuis à peine quelques semaines.

Confirme t il alors en passant sa main sur son écharpe qu'il se plaît à triturer, un peu comme un tic de nervosité. Non pas parce qu'il connaissait son métier, mais parce qu'il se comporte toujours aussi timidement en présence d'une jolie fille. Il la scrutait avec plaisir, et sentait ses joues devenir un peu chaudes... A force de la regarder comme ça, sans doute allait elle se poser des questions. Peut être qu'il devait s'arrêter, mais d'un autre côté, il n'en a pas envie. Il la trouve ravissante ! Et a défaut de réussir à le lui dire, il le lui « montre ».

Heu... Je suis en ville depuis une petite année... Et vous ?

Il ne pouvait pas dire qu'il vivait ici puisqu'il n'avait pas vraiment de logement... Du moins, jusqu'à ce qu'il rejoigne le centre ! Maintenant,il peut dire qu'il y vit. Ou presque.

Judith, comme à son habitude, écouta avec une sincérité non feinte son bel interlocuteur lui répondre brièvement. Pas très loquace, de toute évidence, mais elle n’allait tout de même pas le lui reprocher, dans la mesure où ils ne se connaissaient que depuis à peine quelques minutes ! Elle esquissa un sourire, touchée par le comportement de l’homme. Qu’elle trouvait de plus irrésistiblement craquant, certes, mais elle se garda bien d’émettre le moindre jugement à ce sujet. Trop bien élevée pour cela.

Ainsi, Gabriel ne vivait à San Francisco que depuis à peine un an. Peut-être était-il venu en ville dans l’espoir d’obtenir une vie meilleure, un travail stable, un logement décent qui sait ? Judith n’était pas en position pour formuler la moindre hypothèse, mais son imagination sans faille tournait à toute allure. Cruelle désillusion que celle de se retrouver à la rue, à devoir vivre dans un foyer en compagnie de parfaits inconnus qui partageaient le même sort. Judith se sentait toujours peinée quand elle avait affaire à un résident du centre, quel qu’il soit. Sa bonté naturelle la poussait à vouloir aider quiconque réclamait – ou même pas ! – son aide.

« Oh, moi… ça fait une dizaine d’années, environ. On va dire que San Francisco n’a plus aucun secret pour moi ».

A son plus grand désespoir d’ailleurs. Non pas qu’elle aurait aimé déménager, vivre ailleurs, mais… Cette ville, aussi vaste et majestueuse que possible, était emplie de tant de souvenirs, parfois douloureux. Souvenirs qu’elle aurait préféré oublié depuis longtemps. Fort heureusement, Jude n’était pas femme à se plaindre et l’heure n’était certainement pas aux lamentations. Elle adorait discuter, découvrir la vie des autres… et Gabriel l’attirait, inexorablement. Rien de très particulier cependant. Mais la singulière aura qu’il dégageait lui donnait envie de rester en face de lui malgré le travail qui l’attendait, de comprendre qui il était. Et pourquoi un homme tel que lui en était venu à vivre au Foyer.

« Mais ma vie est loin d’être très intéressante ! » se défendit-elle. « Que comptez-vous faire une fois sorti du centre ? Avez-vous une idée d’un potentiel travail ? »

Elle réfléchit l’espace de quelques secondes.

« Bon, ce n’est pas grand-chose, mais si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit… J’ai pas mal de contacts ici, à San Francisco. Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas. Je serais ravie de jouer le rôle du chevalier sauveur. Enfin, je dis ça, mais vous vous en sortirez probablement très bien », ajouta-t-elle.

Un sourire mutin étira ses lèvres tandis que ses prunelles claires se plongeaient dans celles de son interlocuteur. Pourquoi une telle volonté d’aider un parfait inconnu ? Pour de nombreuses raisons. Mais sans doute, son amour pour l’autre lui ferait un jour défaut. Son cœur d’or la perdra…

Discuter avec une si jolie jeune femme n'est pas donné à tout le monde, et Gabriel en a conscience. Il se dit que c'est une sorte de chance qu'il n'aura peut être pas deux fois et, bien qu'il soit du genre timide, à ne pas dire ce qu'il pense, il ne peut s'empêcher de garder son regard sur la jeune femme. Cela pourrait probablement être prit pour de l'impolitesse de la part de la jolie blonde, mais il espère que ça ne sera pas le cas. Il l'admire juste, se délecte de sa beauté et essaye de rester le plus naturel possible pour lui répondre, tout en cachant sa timidité comme il le peut. Histoire qu'elle ne le prenne pas pour un idiot.

Répondant à sa question, il lui apprend donc qu'il n'est pas à San Francisco depuis longtemps. Et quand elle lui annonce que, de son côté, cela fait une dizaine d'années qu'elle est en ville, Gabriel se dit qu'il ne doit pas manquer cette occasion. Prenant son courage à deux mains, il se mordille d'abord la lèvre avant de lui faire sa proposition.

Peut être... Que vous pourriez me faire visiter ?

Demande t il alors avec un sourire. Après tout, ça n'est pas en restant un an dans une ville que l'on peut avouer la connaître. C'est même certain. Il espère ne pas se faire remballer et quand la demoiselle lui demande ce qu'il compte faire une fois sortie du centre, et que si il a besoin, elle peut l'aider à trouver du travail, il se dit que non, il n'a pas de soucis à se faire. Judith ne risque pas de lui refuser un tour de la ville.

Oh... Je ne pense pas encore à ma sortie du centre, je viens d'y entrer... Et je ne crois pas avoir de talent particulier...

Explique t il, l'air gêné. Il ne sait pas bien dans quelle branche il peut se diriger mais pense qu'après quelques séances avec sa psychologue, puis avec le conseiller d'orientation, cela sera possible ?... Pourquoi pas. Après tout, si ces personnes le suivent, c'est pour atteindre ce but là.

Vous êtes très gentille.

Confirme t il avec un beau sourire.

Un léger silence s’installa entre les deux jeunes gens tandis que Gabriel dévisageait attentivement Judith. Celle-ci rougit légèrement, sensible à ce regard, alors qu’elle écoutait la voix de son interlocuteur résonner dans ses oreilles. Elle se sentit légèrement stupide, à discuter là, avec un parfait inconnu et l’espace d’un instant, elle se demanda où tout cela allait les mener. Peut-être qu’en sortant de ce café, chacun partirait de son côté sans se retourner, pour reprendre sa petite vie tranquille et désuète. Cela allait probablement être le cas. Après tout, ils échangeaient seulement des banalités autour d’un café.

Alors, quand Gabriel lui demanda d’une voix d’une voix faible, hésitante, si elle pourrait lui faire visiter la ville, ses dernières défenses craquèrent et elle sentit son corps fondre lamentablement. Si elle avait été dans un dessin animé, nul doute qu’elle se serait transformée en une petite flaque sur le sol ! Comment pourrait-elle résister ? Ressaisis-toi nom de Dieu, tu seras bientôt une professionnelle. Comporte-toi comme tel ! Elle inspira profondément, tenta d’apaiser les battements de son cœur menaçant de jaillir hors de sa poitrine.

« Pas de problème » réussit-elle à articuler dans un souffle. « Je connais quelques endroits sympas. Enfin, tout dépend de ce que vous voulez voir…»

Elle ne savait pas trop ce qu’il voulait visiter, ce qui lui plaisait ou non, et préféra rester dans le vague. Judith était une habituée de San Francisco. Elle connaissait les bars branchés, les bâtiments valant le détour, les parcs magnifiques pour passer des après-midi entières. Oui, elle pourrait lui montrer tout cela. Cette idée la rendait folle de joie. Elle plongea ses mains sous la table pour ne pas dévoiler ses légers tremblements, et retrouva quelques instants plus tard son air assuré et s’exclama avec fougue :

« Oh ! Tout le monde possède un talent particulier. Même vous, j’en suis sûre ! Vous ne devriez pas vous sous-estimer ainsi. Le Centre croit en vous, vous êtes là pour une bonne raison. Alors vous vous en sortirez, évidemment ».

Son optimisme inébranlable surprenait parfois, mais Jude ne se laissait jamais démonter. Parfois, ses propos pouvaient faire sourire. Mais elle aimait énoncer des discours encourageants, et c’était bien ce qui la caractérisait. Un léger rire lui échappa tandis que le compliment de Gabriel lui allait droit au cœur. Gentille ? Elle s’y efforçait, en tout cas ! Légèrement gênée, elle répondit, un sourire charmeur aux lèvres :

« Je vous remercie. Mais… C’est seulement dans un cadre professionnel, bien sûr. Je suis une future psychologue, alors en parallèle de mes études, je… J’aide les autres. C’est tout ».

Etait-ce vraiment tout ? Si elle avait croisé n’importe qui dans la rue, ou même dans le Centre, lui aurait-elle proposé spontanément une aide quelconque ? Aurait-elle acceptée de faire visiter la ville à un quasi-parfait inconnu ? La réponse lui échappait encore.

Voyant les joues de la demoiselle prendre une autre couleur, Gabriel détourna quelques secondes les yeux mais il ne put s'empêcher de la regarder bien longtemps. Le silence qui s'était imposé de lui même entre eux n'avait rien d'un silence gênant alors, il se contenta de lui sourire une nouvelle fois et reprit sa contemplation... Il faut dire que la blonde est vraiment jolie... Et qu'il est très difficile pour Gabi de résister aux jolies femmes, même si il est quelqu'un de très timide.
Il ne la connaissait pas et pourtant, le courant passé vraiment bien entre eux. C'est avec encore le sourire qu'il lui demanda de lui faire visiter la ville un de ces jours, bien sur si elle avait le temps.

Quand elle accepta son offre, il ne put s'empêcher de sourire encore une fois et se sentit un peu idiot. Mais il se devait de répondre à sa « question » : cela dépendait de ce qu'il voulait voir en ville... Il faut avouer que cette demande n'était qu'un prétexte pour passer du temps avec elle alors, il ne savait pas trop... mais la réponse vint d'elle même.

Il paraît que vous avez de très beaux parcs...

Lui dit il alors en passant sa main sur sa nuque, l'air un peu gêné de lui faire prendre sur son temps pour lui faire visiter des parcs... Peut être avait elle de meilleures choses à faire que de montrer à un hobo les parcs de San Francisco ! C'était même sur ! Mais elle semblait trop gentille pour lui dire non et, après s'être senti idiot, voilà qu'il avait l'impression de passer pour un profiteur.

Je rêve d'avoir votre enthousiasme en tout cas !

S'exclame t il en riant. Pour lui, il n'y avait pas moyen que le centre lui trouve un job... Mais elle n'avait pas complètement tort : si il était là, c'est parce qu'on croyait en lui alors, sans doute avait il des talents qu'il ne soupçonne peut être pas.

C'est tout ?... Vous ne savez pas le bien que vous faîtes à ces personnes en les « aidant et c'est tout »... Je suis sur que pour eux, c'est justement beaucoup.

Lui explique t il avec un sourire qui se veut rassurant.

Décidément, Gabriel était loin de ressembler aux hommes que Judith avait déjà rencontrés au cours de sa vie. Elle s’en rendit compte quand il afficha un sourire gêné ; il faisait preuve d’une timidité rare mais se comportait d’une façon très simple. Il l’étonnait de minute en minute ! A quel manège jouaient-ils ? On aurait dit deux gosses découvrant leur premier flirt avec une maladresse mélangée à une once de tendresse, même si ce n’en était pas un – seulement une banale conversation, du moins en apparence. Avec un peu de recul, Judith aurait probablement ri de son comportement, des sourires embarrassés qu’ils échangeaient, des silences qui planaient au-dessus d’eux. Pourtant, cela ne ressemblait pas du tout à Jude. Pourquoi donc la jeune femme, d’habitude si assurée, si enthousiaste, gardait cette attitude, d’autant avec un homme qu’elle ne connaissait que depuis une bonne quinzaine de minutes ?

Elle réfléchit à son emploi du temps, qui ne lui accordait que peu de libertés, mais pour Gabriel, elle trouverait bien un moment de libre.

« Parfait pour le parc ! J’ai une semaine plutôt chargée, mais… Samedi prochain, ça vous tente ? Mon après-midi sera libre, alors je pourrais vous en faire découvrir quelques uns ! »

Autant proposer directement une date concrète, plutôt que de tergiverser. Elle se figea un instant, surprise. Sa proposition s’apparentait-elle à un rendez-vous ? Venait-elle réellement de lui proposer de passer une après-midi complète à ses côtés ? Elle frissonna. Non, pas un rendez-vous. Seulement quelques heures à visiter et discuter de sujets divers et variés. Rien d’autre. Après tout, cela ne pouvait pas lui faire de mal. Elle aussi avait besoin de sortir, de voir le monde, plutôt que de rester cloîtrée dans son appartement. Mais tout de même. Elle regretta légèrement de s’être montrée aussi entreprenante, et se demanda comment Gabriel allait pouvoir interpréter ceci.

Elle l’écouta ensuite attentivement, et un nouveau sourire éclaira son visage, touchée par les propos du jeune homme. Même inconsciemment, elle avait besoin de l’entendre. D’entendre que son combat était loin d’être vain, que même cela prenait du temps, des mois, des années, elle arrivait à redonner quelques couleurs à la vie des plus démunis. Cette idée la faisait avancer, lui permettait de se raccrocher à quelque chose pour ne pas sombrer face à une vie parfois trop difficile.

« Hum… Je crois que c’est à moi maintenant de dire que vous êtes gentil ! » répondit-elle avec malice. « Mais cela fait du bien de l’entendre ».

Gabriel ne pense pas être un homme louable, à qui l'on doit accorder sa confiance et qui peut être considéré comme « pas comme les autres ». Mais en compagnie de Judith, il se sent spécial et il a envie de lui montrer qui il est vraiment. Il n'est pas fier de ce qu'il a fait par le passé, mais d'un autre côté il sait qu'il doit aller de l'avant, ne pas s'arrêter à ça.
En discutant ainsi avec cette jolie blonde, il a l'impression d'être au primaire, lorsque deux enfants s'échangent leur goûters, et qu'après, les parents leurs demandent si ils ont une amoureuse... C'est un instant remplit d'innocence, tout en étant un peu coupable, parce qu'il ne savait pas jusqu'où il pouvait aller avec elle et si ce qu'ils faisaient était bien ou non. Tant qu'ils sont tout deux célibataires, il n'y a pas de soucis à se faire, n'est ce pas ?

En tout cas, bien ou pas, cela ne l'empêche pas de s'organiser un rendez vous avec elle. Il a envie de la revoir et, même si cela ne fait pas longtemps qu'ils discutent tout les deux, il est bien content d'apprendre que ça va se faire, qu'ils pourront se voir une fois qu'ils auront prit chacun une route différente.

J'ai tout mes après midi de libres donc... ça me convient parfaitement.

Lui répond il avec un sourire, histoire de lui montrer qu'il fait de l'humour, qu'elle n'a pas à s'excuser de lui avoir posé la question comme pour savoir si il était libre. Gabriel est pour le moment toujours libre. Il n'a pas de job, et n'est pas passé par la case « conseiller d'orientation » pour le moment.
Le jeune homme ne se posait même pas la question : c'était un rendez vous. Il ne pouvait dire si il s'agissait d'un rendez vous amoureux ou non, mais en tout cas, ils seraient que tout les deux.

En entendant les propos qu'elle tenait sur sa propre personne, Gabriel ne pouvait la laisser dire. Elle était importante ! Peut être ne le savait elle pas, mais son métier aide un maximum de personnes, contrairement à lui. Le brun ne pense pas avoir autant de talent qu'elle et donner autant de bien aux gens. Il se qualifie d'égoïste, donc...

Sans oublier que vous êtes... Très jolie.

Judith fut profondément soulagée de voir que Gabriel ne refusait pas son rendez-vous, au contraire. Malgré son enthousiasme communicatif et son inébranlable détermination, la jeune femme n’était pas toujours très à l’aise quand il s’agissait de la gente masculine. Enfin, détail non négligeable, de la magnifique gente masculine. Toutefois, à cet instant précis, elle se sentait plus assurée, en confiance. Peut-être parce qu’il n’y avait aucun engagement derrière. Que ce n’était qu’un léger flirt, à peine perceptible, qui ne déboucherait sur rien. Enfin, ça, Judith l’ignorait encore… Mais pour l’heure, ce rendez-vous restait un banal rendez-vous. Ce n’était ni un cinéma, ni un restaurant, ni quoi que ce soit d’autre. Seulement une promenade dans les rues de la ville.

Elle hocha la tête suite à la réponse de Gabriel et répondit avec bonne humeur :

« Super ! J’ai déjà hâte d’y être. Quatorze heures, ça vous va ? Ici-même, devant le Starbucks ? »

Elle pourrait de cette façon boucler tout son travail le matin, déjeuner tranquillement – et surtout, se préparer durant trois heures ! – avant de se rendre au point de rencontre. Et, évidemment, il faudrait qu’elle trouve la tenue absolument parfaite pour ce rendez-vous. Rendez-vous qui n’en était pas vrai un ! Elle s’efforça de réfréner mentalement ses ardeurs pour ne pas avoir l’air trop empressé, et était en train de se demander si mettre son adorable bonnet à pompon la mettrait en valeur quand Gabriel prit de nouveau la parole, pour la complimenter sur son physique.

Judith, perdue dans ses pensées, percuta seulement quelques instants plus tard et tressaillit de manière visible. Elle ne s’attendait certainement pas à une entrée en matière aussi brutale. L’information parvint jusqu’à son cerveau, ses joues s’empourprèrent, mais elle se comporta de sa façon habituelle ; avec désinvolture et un certain détachement. Se relevant légèrement, elle plongea son regard bleuté dans celui de son interlocuteur, et son ton malicieux brisa le silence.

« Vous n’essaieriez pas de me draguer ? Méfiez-vous… Tous ceux qui s’y sont risqués avant vous ont dû faire face à ma manie cruelle d’affubler la gente masculine de surnoms souvent stupides… »

Un sourire mutin fendit son visage pâle tandis qu’elle s’installait de nouveau correctement.

« Alors, vous préférez lequel ? Mon Pinson des îles ou bien mon petit Sucre d’orge ? » conclut-elle avec espièglerie, se délectant visiblement de la situation.

C'est un sourire aux lèvres que Gabriel poursuit sa discussion avec Judith. Lui qui était venu au centre pour une femme, le voilà en train de discuter, sous le charme d'une autre. Il ne peut le nier, cette petite blonde est vraiment jolie et gentille. Et il se trouve qu'elle semble ravie de lui donner rendez vous pour qu'ils fassent ensemble le tour des parcs. Gabriel n'a pas encore eu l'occasion d'apprécier cette belle ville, bien qu'il ait eu un coup de cœur pour cette dernière... Il se trouve d'ailleurs qu'il semble aussi avoir un coup de cœur pour la jeune femme~ Et celle ci le lui rend bien, tout comme elle lui rend ses sourires et ses bonnes manières. Mais Gabriel se fait de plus en plus timide, mais aussi un peu plus honnête. Il n'hésite pas à lui faire des compliments, même si il les lui offre timidement.

Très bien. C'est parfait...

Il aurait voulu ajouter « pas autant que vous », mais n'est pas assez entreprenant pour ça. Il est ravi de pouvoir discuter avec une aussi jolie jeune femme, ainsi que d'avoir rendez vous avec elle. C'est un plaisir pour lui, le hobbo, le sans abris, de pouvoir côtoyer une fille aussi jolie que Judith ! Ça n'est pas donné à tout le monde, encore moins à des personnes comme lui.
Ne pouvant se taire plus longtemps, il lui affirma donc qu'elle était vraiment jolie. Et le compliment semble la toucher « en plein coeur », puisqu'elle se met à rougir et lui sourit encore une fois. Un silence très agréable se posa entre eux jusqu'à ce qu'elle prenne la parole pour lui révéler que si il la draguait, il fallait qu'il fasse gaffe parce qu'elle avait tendance à donner des surnoms idiots. Gabriel se mit alors à rire avec elle.

Pourquoi pas « mon petit sucre d'orge des îles » ?

Proposa t il en riant timidement. Il n'avait pas spécialement l'habitude de faire de l'humour comme ça, mais cela semblait être la manière de cette jeune femme ne pas montrer qu'elle était gênée. Il ne pouvait s'empêcher de bloquer sur son beau visage et se dire qu'il avait un rendez vous avec elle, c'était juste... Génial~