Même si Aidan aime son boulot, il aime aussi se changer les idées et penser complètement à autre chose quand il n'est pas au foyer. C'est pour cette raison qu'hier soir, comme il le fait régulièrement, il a retrouvé quelques potes pour aller boire un verre. Après cela, ils étaient motivés à aller en boite, et faire la fête jusqu'au bout de la nuit. Aidan est souvent motivé pour ce genre de chose il faut dire x). Après avoir passé quelques heures au Relapse, la discothèque du coin, c'est finalement en charmante compagnie que le jeune homme termine la soirée. Enfin lui ne s'en rappelle plus très bien, mais d'un point de vue objectif c'est bel et bien ce qu'il s'est passé et cette fille, il l'a d'ailleurs ramené chez lui.

10h, le lendemain matin. Aidan dort encore paisiblement malgré le jour qui passe à travers les rideaux de la fenêtre de sa chambre. Il faut dire qu'il n'a pas eu une nuit de tout repos... C'est donc l'inconnue couchée à coté de lui qui se réveille la première, ayant elle aussi un souvenir plutôt flou de sa soirée... Ne ressentant aucune gêne pour autant, elle se lève discrètement pour laisser son amant dormir et trouve rapidement la salle de bain, ses vêtements dans les bras. Elle se permet de prendre une douche avant de se rhabiller et se diriger vers la cuisine américaine de l'appartement. Ne voulant pas réveiller Aidan pour si peu, et pensant qu'il vivait seul ici, la jolie brune fouille elle même dans les placards pour se dégoter quelque chose à grignoter avant de quitter les lieux.

Toujours dans son lit, le conseiller d'orientation ne peut évidemment pas calculer quoi que ce soit ni prévenir la demoiselle que sa petite soeur vit aussi ici, détail qu'il aurait sans doute dû lui préciser hier soir. Mais il avait autre chose en tête à ce moment là faut dire... (a)

La veille, Judith était rentrée particulièrement tard du centre Adam Hawkes, et elle n’avait pu se coucher qu’aux alentours de minuit. De ce fait, elle avait décidé de profiter un peu d’une grasse matinée ce jour où elle devait aller travailler un peu plus tard. Aux alentours de dix heures, elle émergea enfin avec difficulté et se glissa hors de ses couvertures, enfila un vieux pull en laine par-dessus sa chemise de nuit et enfonça ses pieds dans ses pantoufles à tête de lapin. Décidément, rien de mieux que d’être seul chez soi, habillé de n’importe quelle façon. La jeune femme adorait ce genre de matinées. Elle délaissa sa petite chambre aux couleurs claires pour rejoindre la cuisine, décidée à prendre sa tasse quotidienne de café pour se réveiller.

Soudain, elle poussa une exclamation de stupeur et esquissa un bond en arrière. Là, confortablement installée derrière la table de la cuisine, une jeune femme déjeunait tranquillement avec ce qu’elle avait probablement trouvé dans les placards. Elle sortait de la douche, à en croire sa chevelure mouillée. Evidemment, c’était encore un coup d’Aidan, comme toujours. A moins que son grand frère ait changé de sexe au cours de la nuit et mis une perruque, ce n’était certainement pas lui qui se tenait en face d’elle ! D'abord surprise et abasourdie l’inconnue reprit finalement ses esprits pour lui lancer un joyeux « bonjour ! » légèrement embarrassé. Judith leva les yeux au ciel pour marquer son exaspération et, sans prendre le temps de répondre, tourna les talons, traversa le couloir jusqu’à parvenir à la chambre de son frère. Sans se gêner, elle s’engouffra dans la pièce, enjamba une pile de vêtements sales et avisa la silhouette du jeune homme encore endormi, emmitouflé dans sa couette.

« Bordel Aidan ! » fulmina-t-elle. « Réveille-toi ! »

Comme il ne bougeait toujours pas, elle poussa un nouveau juron et rejoignit la fenêtre en quelques mouvements. Là, elle ouvrit vivement le store, laissant les rayons du soleil s’infiltrer à travers le carreau, pour inonder la chambre de lumière. Elle n’était pas contre l’idée que son frère s’amuse, qu’il sorte et ce qu’il faisait avec les filles qu’il ramenait ne la regardait absolument pas. Toutefois, elle préférait qu’il le fasse en son absence ! Ce n’était pas trop demandé. Elle n’était pas trop stricte à ce sujet, et comme Aidan avait sept ans de plus qu’elle, elle n’avait pas franchement son mot à dire. Mais songer qu’il était en train de coucher avec une quasi-inconnue tandis qu’elle dormait elle-même dans la chambre à côté la répugnait légèrement.

Elle se planta devant le lit et, alors que son frère n’était peut-être même pas en état de l’écouter, demanda d’une voix forte :

« Est-ce que tu peux me dire pourquoi une fille est en train de manger mes corn-flakes dans notre cuisine ? »

A la limite, si la fille en question s’évaporait à l’aube avant que Judith ne s’en aperçoive… Dans le cas présent, non seulement l’inconnue avait dormi sous son toit sans son autorisation, mais en plus, elle utilisait sa douche, son frigo et ses céréales. Certes, la logique voulait que tout cela appartienne également à Aidan. Mais Judith n’était certainement pas en état de se faire ce genre de réflexions.

Aidan a toujours été un bon dormeur. S’il a l’occasion de faire la grasse matinée, il ne se gêne pas pour se lever en début d’après-midi d’ailleurs. Aujourd’hui son premier rendez vous est à 14h, alors il s’est permis de sortir la vieille au soir et de faire la fête jusqu’au petit matin. Autant profiter à fond de son temps libre après tout ! Il a sans doute encore plus profité de cette soirée qu’il ne l’imaginait à la base puisqu’il a ramené une fille chez lui, et autant dire qu’elle n’a pas dormi dans la baignoire..!

Par contre, s’il y a bien une chose à laquelle il n’a pas songé, c’est comment se passerait le lendemain matin. Il aurait pu se douter que sa sœur serait à l’appart… Mais il n’était pas trop en état de réfléchir à ce genre de détail au moment où il est rentré avec cette fille, très tôt ce matin. Et puis en fait, même s’il y avait songé, il se serait surement dit qu’elle est en train de dormir, et qu’elle commence le boulot tôt le lendemain donc pas de risque de la déranger ni même de la croiser…

Cette douce voix appelant son prénom en guise de réveil peut lui prouver qu’il avait tort. Il émerge à peine de son doux sommeil quand Judith lui ordonne de se réveiller. Mais suite à cela, c’est le jour qui s’y met puisqu’il inonde la chambre lorsque Jude ouvre les stores.

Putain !

Grogne-t-il, ouvrant difficilement les yeux suite à cette agression matinale. Ce n’est pas le genre de réveil qui met particulièrement de bonne humeur il faut dire… Cela dit, c’est sans doute mérité, mais ça Aidan ne s’en rend absolument pas compte sur le moment. Quand sa sœur reprend la parole et le questionne, le jeune homme la regarde tant bien que mal, avec ses petits yeux encore endormis. Après un petit temps de réflexion, le temps que la question monte au cerveau et qu’il se rappelle un minimum de sa soirée de la veille, il jette un œil à coté de lui, et constate en effet que la nana avec qui il a couché n’est plus là. C’est sans doute d’elle que sa cadette parle ? Ou alors tout autre chose, il ne sait pas trop en fait…

Arrête de gueuler comme ça..

Souffle Aidan en guise de réponse, fronçant légèrement les sourcils. Il a un sacré mal de crâne, et en plus l’autre l’agresse dès le matin, c’est plutôt rude… Il se redresse finalement, pour se retrouver assis sur le bord de son lit, sa couette recouvrant encore ses jambes nues. D’ailleurs, plutôt que de se concentrer sur l’histoire de sa sœur, il cherche du regard ne serait-ce qu’un boxer qu’il pourrait enfiler pour éviter de se trimbaler à poil devant Judith. Ils se connaissent bien, mais quand même..

Enfin, le grand frère de Judith se réveilla. Ou, tout du moins, il émergea difficilement d’une nuit qui fut probablement très courte. La jeune femme ne compatissait pas du tout, au contraire. Il avait tout de même osé inviter une parfaite inconnue sans lui en parler auparavant. Il grommela un juron d’une voix encore pâteuse, et sa sœur esquissa un léger sourire. Les lendemains de soirée sont toujours difficiles, en particulier ceux de son frère. Et dans un sens, c’était un régal de le voir batailler ainsi pour retrouver les idées claires. Aidan avait vraiment piètre allure, avec ses cheveux ébouriffés au sommet de son crâne, son air de cadavre récemment sorti de terre et ses yeux endormis.

« Bon retour parmi les vivants » ironisa Jude en affichant une moue sarcastique. « Besoin d’un coup de main pour te réveiller ? »

Evidemment, les méthodes expéditives et plutôt barbares de la jeune femme consistaient à aller chercher une bassine remplie d’eau et la déverser sur la silhouette encore allongée dans le lit. De toute façon, c’était la chambre de son frère, pas la sienne ! Après réflexion, elle en conclut qu’elle avait passé l’âge de ce genre de gamineries. Il y avait trop longtemps qu’elle avait quitté le monde de l’adolescence.

Un ange passa. Judith l’observa un instant, un sourire triomphant suspendu sur son visage angélique, tout en songeant à quel point il pouvait la faire rire. Son comportement avait au moins le mérite de mettre un peu de piquant dans sa vie, de la dérider de temps à autre. Certes, Aidan dépassait régulièrement les bornes. Mais sa petite sœur ne lui en voulait jamais très longtemps. Un peu au début, pour la forme, mais dès qu’il lui lançait son regard de chien battu, elle craquait. Il était très fort à ce jeu-là, de toute façon !

Aidan se redressa finalement, avec une maladresse presque attendrissante. Il parut chercher du regard quelque chose sur le sol de sa chambre – Judith finit par comprendre. Elle leva les yeux au ciel avant de se baisser pour saisir un boxer qui traînait, sans se soucier de savoir s’il était propre ou sale.

« Tiens, enfile-ça. J’ai pas tellement envie que tu te promènes devant moi complètement nu. »

Elle le lui lança sans ménagement, avant de poser ses mains sur ses hanches.

« Alors, c’est qui la fille dans la cuisine ? Une nouvelle dégénérée du bulbe que tu as déniché en boîte ? »

Judith n’était jamais tendre avec les nombreuses conquêtes de son grand frère, car elle savait que de toute façon, elles passaient généralement une nuit avec lui avant de se carapater une fois le matin arrivé. Aidan n’était pas pour les relations stables, et la jeune femme ne pouvait que le comprendre. Elle partageait son avis sur le sujet, et l’engagement la terrifiait ; pour cette raison, ses relations n’aboutissaient jamais. Mais elle, elle ne ramenait jamais aucun homme dans leur appartement. Surtout pas en présence d’Aidan…

Avec le genre de soirées bien arrosées qu'à l'habitude de faire Aidan, il connait bien les réveils difficiles du lendemain. Mais cela ne l'empêche pas de continuer, de recommencer. A ses yeux, tant qu'il passe du bon temps le soir et qu'il s’éclate bien, cela vaut le "sacrifice" de la gueule de bois du lendemain. Mais aujourd'hui, c'est particulièrement difficile pour lui puisque sa sœur s'y met aussi pour lui rendre la vie dure... Il ne relève même pas sa remarque, il est pas en état de l'envoyer balader.

Non ça ira...

Grommelle le jeune homme, pas franchement de très bonne humeur. En même temps si ça sœur ose l'embêter davantage en le "réveillant" plus que ça, il risque de vraiment s'énerver cette fois. Et quand il s'énerve, c'est pas bon du tout ! Enfin, une chance pour Jude sans doute, il est trop dans le pâté ce matin alors elle ne risque pas grand chose. Aidan se redresse alors, passent ses mains sur son visage, comme si ça pouvait l’aider à se réveiller davantage, puis cherche du regard son boxer le plus proche, qui lui permettrait de ne pas se balader à poil. C'est finalement Judith, plus efficace que lui visiblement, qui lui en passe un. Il l'attrape et l'enfile sans commentaire, encore un peu ailleurs.

Il se lève ensuite, un mouvement accompagné d'un coup de marteau à l'intérieur de sa tête. Il lui faut de l'aspirine ou un truc là c'est pas possible sinon. Il passe à coté de sa sœur toujours plantée là, et s'arrête à son niveau. Il la regarde, confiant, la main posée sur son épaule.

T'inquiète, je gère.

Lui fait-il savoir avant de sortir de la pièce. Il se dirige vers la cuisine, et redécouvre la fille avec qui il a visiblement passé la nuit. ça va, même sobre, il la trouve plutôt bonne finalement x). Quand elle le voit, la fille se lève et s'approche de lui, venant poser une main sur son torse nu. Avant qu'elle fasse quoi que ce soit de plus, Aidan décide d'agir.

Je crois que tu ferais mieux d'y aller...

Lui fait-il savoir, puisque visiblement ce n'est pas une évidence pour elle. L'inconnue le fusille du regard et lui lance un "tu vaux vraiment pas mieux que les autres !" avant de prendre ce qu'il lui restait d'affaires dans la chambre puis se diriger vers la sortie.

Salut..!

Lance Aidan pour être un minimum poli, alors que la porte d'entrée claque. ça, c'est fait. Il soupire, puis se dirige à son tour vers le coin cuisine pour se servir un verre d'eau.

Judith, même par fierté elle préférait ne pas le montrer, savourait la scène présente. Décidément, Aidan, un cas franchement à part ! Il émergea finalement, allant même jusqu’à lui assurer que tout irait bien, avant de quitter la chambre pour rejoindre la cuisine, où la jolie inconnue patientait encore. Curieuse de savoir comment il « gérerait la situation », selon ses propres mots, elle le suivit d’un pas sautillant, un sourire mutin aux lèvres.

Au final, il ne s’en sortit pas si mal que ça, le bougre ! Alors que son « coup d’un soir » se dirigeait vers lui pour, probablement, continuer les réjouissances, il la rembarra gentiment – sans doute encore trop dans le potage pour se rendre compte pleinement de ce qu’il était en train de faire ! – entraînant la colère de la fille en question. La porte d’entrée claqua violemment, signe que l’inconnue n’appréciait pas les manières d’Aidan, mais celui-ci ne paraissait pas s’en préoccuper. A l’écart, pour ne pas subir le courroux dévastateur de son frère qui, une fois complètement réveillé, s’emporterait peut-être, Judith le dévisageait d’un air approbateur.

« Félicitations », railla-t-elle. « Aucun pleur, aucun cri, aucun coup. Tu t’améliores, c’est clair ! »

Elle l’observa se servir un grand verre d’eau, l’œil moqueur avant de demander :

« Tu veux de l’aspirine ? Je suppose que tu sais où ça se trouve, avec l’habitude… »

Ah ! La jeune femme profitait vraiment de la situation. Fêtarde et aimant boire elle aussi, Judith connaissait les méfaits – et les bienfaits ! x) – de l’alcool sur un cerveau déjà dérangé. Et le lendemain matin en général, c’était rarement une partie de plaisir. Elle le savait, et c’était totalement jouissif de savoir que, pour une fois, ce n’était pas elle qui avait la gueule de bois, mais, surtout, son grand frère.

Une fois la délectation passée, Jude décida de passer aux choses sérieuses. Elle abordait régulièrement le sujet mais, visiblement, elle s’exprimait en chinois. Abandonnant sa place dans l’encadrement de la porte, elle se dirigea vers le plan de travail à quelques mètres de son frère et sauta lestement dessus, pour s’assoir tout à son aise.

« Et sinon, tu comptes en ramener encore combien sous notre toit ? Enfin, ta vie sexuelle très active ne me regarde absolument pas, mais j’aurais préféré que tu évites de le faire quand je suis là… »

Elle ponctua son ultime tirade d’un sourire carnassier, pour bien enfoncer le clou.

Aidan a connu de meilleurs réveils que celui ci, clairement. Là à peine réveillé il se voit obligé de régler une situation plus ou moins délicate afin d'éviter que sa soeur le saoule encore cent sept ans pour des conneries... C'est ainsi qu'il tente au mieux d'émerger de son doux sommeil pour aller retrouver sa conquête d'un soir dans la cuisine et lui faire savoir qu'elle doit quitter les lieux. Lui n'y voyait pas spécialement d'urgence, mais si elle veut finir entière, elle a plutôt intérêt à ne pas trop s'attarder a priori..

Forcément, la charmante demoiselle ne prend pas très bien les adieux d'Aidan, mais elle s'en va finalement sans faire d'histoires. Pas étonnant en même temps, c'était prévisible que ça se termine de la sorte, leur histoire était faite pour ne durer qu'un soir et elle le savait sans doute aussi bien qu'Aidan. Une fois la demoiselle partie, Jude reprend la parole, et semble toujours aussi désagréable à l’ainé.

J’ai toujours été bon dans le domaine...

Souffle-t-il simplement dans un haussement d’épaules et esquissant un sourire à peine visible. Il tente de prendre sa remarque avec légèreté, ça sert à rien de s’énerver. Et puis il n’est toujours pas très bien réveillé de toute façon... Il se sort un verre et le rempli d’eau, avant de chercher un Dolipran. Cela dit, la remarque de sa soeur l’agace encore une fois. Il fronce légèrement les sourcils.

Me cherche pas trop Jude...

La met-il en garde. Avec elle, Aidan a toujours été plus patient qu’il ne l’est autrement, et plus sympa, mais si elle continue à lui balancer des remarques désagréables, elle va finir par le trouver et l’ambiance deviendra certainement bien plus tendue... Assis sur un tabouret de la cuisine, il avale le comprimé avec quelques bonnes gorgées d’eau fraiche alors que sa cadette finit par reprendre la parole, Malheureusement... Sur le moment, il a juste envie qu’elle lui fiche la paix à vrai dire, mais elle semble en avoir décidé autrement..

ça va.... Si tu l’avais pas croisé ce matin, je suis sûr que t’aurais même pas capté que quelqu’un avait passé la nuit là, c’est pas un drame...

Fait-il remarquer, ne se sentant absolument pas coupable à cause de ce qu’il a fait. A vrai dire, il était bien trop ailleurs en rentrant hier pour savoir s’ils ont réveillé sa soeur ou non, mais puisqu’elle semblait surprise ce matin de trouver quelqu’un dans la cuisine, c’est sans doute qu’elle avait dormi à poing fermé toute la nuit...

Judith était loin d’être stupide, au contraire, et connaissait plus ou moins les limites de son frère. Elle avait déjà eu affaire à la colère d’Aidan et en gardait de très mauvais souvenirs. Toutefois, elle ne comptait pas s’aplatir devant lui, et désirait mettre les choses au point une bonne fois pour toutes. Quitte à l’énerver davantage – elle, elle l’était déjà, au moins ils seraient deux ! – et à ce qu’il lui fasse la tête durant une journée. Ce n’était pas grand-chose et Jude savait pertinemment que leurs disputes fraternelles ne duraient jamais bien longtemps.

Le chercher ? Probablement. Néanmoins Jude se garda bien de toute remarque désobligeante à ce sujet. Elle était exténuée par des horaires impossibles, peinait à trouver même quelques minutes de libre pour se reposer et ressentait le cruel besoin de décharger ce trop plein de fatigue mêlée à de la colère sur quelqu’un. Hélas, c’était tombé sur son grand frère, et elle n’avait sans doute pas choisi la meilleure personne. Qu’importe. Elle fronça les sourcils en entendant résonner dans ses oreilles sa dernière tirade, et rétorqua d’un ton sec :

« Peut-être ! Mais c’est une question de principes. Ce que, visiblement, tu ne comprends pas. Je ne ramène jamais mes conquêtes dans l’appart’, moi… »

Elle se figea, réfléchissant à ce qu’elle venait de dire. En même temps, sa vie sentimentale ces derniers temps ressemblait à s’y méprendre au vide du désert du Sahara. En fait, Jude et Aidan se ressemblaient beaucoup, même s’ils refusaient de l’admettre. Judith détestait l’idée de se caser quelque part et, parfois, imitait son frère et couchait le temps d’une nuit avec quelqu’un. Cela restait relativement rare, néanmoins. S’engager dans une relation stable était synonyme de soucis à volonté, et elle préférait éviter cette contrainte supplémentaire dans sa vie déjà tourmentée. Mais en règle générale, elle évitait de ramener les types qu’elle fréquentait chez elle !

« Enfin, ce n’est pas le propos » se reprit-elle, légèrement gênée. « Il faudrait vraiment qu’on ai une petite discussion sur les règles de la vie en communauté ! Tu fais ce que tu veux de ta vie, si tu veux te taper toutes les filles croisées en boîte à des kilomètres à la ronde, c’est ton problème, mais ça s’arrête là. Je n’ai pas envie de connaître tous les détails, hein ».

Et encore, cette fois-ci, elle avait relativement bien dormi et ne les avait même pas entendus rentrer. Ce n’était pas comme la fois précédente, ou Jude n’avait rien raté des festivités ! Elle poussa un long soupir en sachant que, de toute manière, ni l’un ni l’autre n’abdiquerait. La famille Callaghan était bien trop bornée pour cela.

D’un autre côté, elle ne pouvait que l’envier ; lui au moins avait une vie sociale ou, tout du moins, ce qui s’en rapprochait le plus. Ce qui n’était pas son cas à elle, puisque sa vie se résumait à ses études, son travail en tant que stagiaire au Centre Adam Hawkes, et à un enchaînement incroyable de petits boulots. Le reste n’était pas important à ses yeux !

« Quelque chose à ajouter pour ta défense ? » continua-t-elle sur un ton radouci, mais débordant de sarcasme.

[Désolée pour l'attente, ça devrait être mieux maintenant..!]

Aidan n'est pas vraiment du genre cordial, à faire des efforts pour être aimable avec quelqu'un qui l'agace. Quand il y a un problème, autant être franc et mettre les choses à plat, quitte à ce que ça parte en vrille. ça lui arrive assez souvent d'ailleurs que les choses dégénèrent lorsqu'il met les choses au clair avec une personne. Mais avec sa sœur c'est différent. Ils sont liés à vie, et Aidan tient vraiment à elle malgré les disputes qu'ils peuvent avoir, alors même si parfois elle l'agace vraiment, au final la situation s'arrange toujours entre eux.

ça c'est ton problème, je t'ai jamais rien dit à ce sujet.

Fait remarquer Aidan, plein de mauvaise foi. Jude a sans doute raison, il abuse à ramener ses "copines" ici sans même lui en parler avant, mais il n'est pas prêt de l'admettre. Il faut dire qu'il est plutôt borné le garçon, et pas du genre à céder et s'excuser pour "rien". En plus, il râlerait peut être en réalité si sa sœur ramenait des mecs à l'appart... Mais ce n'est pas le cas à ce qu'il sache et il ne va pas s'en plaindre du coup x).

T'exagères... Je me doute que t'aies pas envie de connaitre tous les détails de ma vie, mais ça m'étonnerait que ce soit le cas de toute façon.

Fait remarquer le conseiller en entendant le discours de sa cadette. Peut être qu'il n'est pas un coloc' parfait, mais il faut pas abuser nous plus..! Elle ne l'a jamais surpris en train se taper une nana dans le canapé du salon ou sur le plan de travail de la cuisine non plus quoi ... (a) Ils n'ont sans doute pas le même degré d'exigence en ce qui concerne le respect de l'autre en fait, et c'est sans doute un problème qui restera sans solution puisqu'Aidan n'est pas vraiment prêt à faire davantage d'efforts à ce sujet... Le jeune homme vide son verre d'eau avant de répondre à la dernière question de Jude.

Nan, je pense que ça suffira pour ce matin si tu veux bien.

Répond-il puisqu'il n'a pas franchement envie de chercher davantage le conflit avec sa cadette dans un état comme le sien... A quoi bon se prendre la tête de si bon matin franchement ? Surtout pour des broutilles...

A la plus grande surprise de Judith, et peut-être aussi à son plus grand soulagement, Aidan ne s’énerva pas, du moins pas excessivement. Elle n’affronterait donc pas sa colère ce matin-là, et ce n’était pas pour lui déplaire. Peut-être passerait-elle malgré tout une bonne journée, qui sait ? Mais elle ne voulait pas lâcher l’affaire et, même si son frère paraissait vouloir se dérober, elle croisa les bras, désireuse de continuer cette conversation. S’ils ne mettaient pas les choses clairement à plat, ils passeraient leur temps à se prendre la tête pour des choses bien plus futiles que cela ! Mais elle comprit très vite que la conversation en question tournerait rapidement en rond. Quoi qu’elle dise et quoi qu’elle fasse, rien ne changerait. Décidément, la colocation était une affaire bien plus compliquée que ce à quoi elle s’attendait !

« Encore heureux que je ne connaisse pas tous les détails », rétorqua-t-elle en levant les yeux au ciel. « Mais quand même, tu devrais franchement réfréner tes ardeurs. Surtout que tu changes de copine comme de chemise ».

Enfin, elle n’était pas là pour lui faire une quelconque leçon de morale, ce n’était pas son rôle. Et puis sept ans tout de même les séparaient, donc la jeune femme n’avait pas toujours son mot à dire ! Même si, en raison de son caractère impétueux, elle aimait mettre son grain de sel dès que possible. Elle fronça les sourcils et demanda :

« Tu devrais pas être au boulot, d’ailleurs ? »

Elle ne connaissait pas spécialement l’emploi du temps de son frère, et lui faisait relativement confiance, mais tout de même. Elle ne voulait pas qu’il reste flemmarder dans l’appartement un lendemain de soirée trop arrosée. Elle-même devrait se dépêcher si elle voulait arriver à l’heure au centre, mais c’était bien le cadet de ses soucis à cet instant précis.

Aidan n’a jamais été très patient, mais il y a des jours où il l’est tout de même un peu plus que d’autres. Jude a de la chance ce matin, son état a sans doute suffisamment affaibli son cerveau pour qu’il ne parte pas à s’énerver au quart de tour. Et même s’il n’a qu’une envie sur le moment c’est qu’on lui foute la paix, il s’efforce d’écouter distraitement le discours de sa cadette. Ils ont toujours eu l’habitude de mettre les choses au clair sans trainer quand il y a un problème, donc rien d’étonnant à ce qu’elle lui “fasse la morale” malheureusement. Sauf qu’Aidan est du genre borné, et ce n’est pas les dires de sa soeur qui vont le faire changer son comportement...

D’où tu me dictes ma conduite maintenant ? Je suis en âge de faire ce que je veux de ma vie je crois.

Lance-t-il sèchement quand la blondinette lui conseille de “réfréner ses ardeurs” et se permet un commentaire sur son nombre de conquêtes. Et puis quoi encore ?! Il estime n’avoir de conseils à recevoir de personne à ce sujet, et encore moins de sa cadette. C’est sans doute parce qu’elle n’est pas fichue de trouver un mec qui veut bien d’elle qu’elle reporte cette frustration sur lui... C’est ce que pense Aidan dans l’énervement du moment, sans éprouver le besoin de le dire à haute voix. Ils ne sont pas là pour comparer leurs vies sexuelles, ce serait aussi inutile que malsain.

Il arque un sourcil à la dernière question de Judith. C’est la meilleure celle là ! Elle se prend pour sa mère ou quoi ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est que son comportement agace de plus en plus l’ainé, ce qui finit par réellement se ressentir.

Mais lâche l’affaire putain, je sais ce que j’ai à faire !!! Occupe toi de ta vie et laisse moi gérer la mienne ok ?!

Lâche le jeune homme en haussant le ton cette fois. Il se lève finalement pour se diriger vers sa chambre afin d’attraper ses affaires pour se préparer. Parce que contrairement à ce que semble penser sa soeur, il n’est pas immature et du genre à louper le taf parce qu’il a trop abusé des bonnes choses. Il s’est permis d’agir ainsi la vieille parce qu’il n’avait pas de rendez vous le matin et qu’il savait qu’il pourrait se reposer du coup. Enfin, c’était sans compter sur Judith le réveil ambulant...