Samaël se réveille en sursaut, humide de sueur. Des larmes ont séchées sur ses joues, il le sait. Il a surement crié aussi, grogné, ça ne l'étonnerait même pas. Machinalement, il passe une main à son cou. Cette fois-ci, il a rêvé — ou plutôt cauchemardé — qu'on l'étranglait. Deux fois qu'il fait ce rêve-ci, qui est le prolongement d'un des actes de ses agresseurs. D'ailleurs, la marque rouge en dit assez long. Le jeune homme essaie de calmer sa respiration trop saccadée, comme s'il venait de courir le marathon de New-York sans échauffement. Durant plusieurs minutes, il reprend pied avec la réalité, chassant les images qui s'imposent tout de même à son esprit.

Une fois un peu plus calme, lorsqu'il a assimilé qu'il est au Centre, dans un lit, dans SA chambre, il se décide à se lever. Depuis quatre jours qu'il est ici, il ne prend toujours pas l'entière mesure de ce que ces mots veulent dire. Il n'a certes pas eu de chez lui depuis plus d'un an et demi, mais on ne peut imaginer à quel point il est facile de s'habituer à quelque chose d'autre. D'autant que lui est rodé ; passer de Northampton à Londres, puis dans un orphelinat californien, ensuite se trouver un petit logement, pour finalement finir à la rue, ah ça oui, c'était toujours radical à chaque fois. Sans passer par la case "miroir", Samaël file sous la douche, comme il en a l'habitude au moins une fois par jour depuis qu'il est au Centre.

Il y oublie un instant ses soucis et lorsqu'il ressort de la salle de bain, vingt bonnes minutes plus tard, il est frappé d'une illumination. Enfilant un sweat bleu marine par dessus son t-shirt pour finir de s'habiller, il jette un oeil à l'heure. Encore un peu et il oubliait le rendez-vous avec la thérapeute. Le premier. Il essaye de se souvenir du prénom, ou au moins du nom, de cette femme, mais impossible. D'un geste rageur, il se frictionne les cheveux pour les sécher. Il le sait en plus, il l'a sût ce foutu nom. Il déteste ça, quand sa mémoire lui fait faux-bond. Heureusement encore qu'il s'est rappelé de l'entrevue, sinon il allait être vraiment en retard. Là, c'est tout juste.

Samaël se passe une main dans les cheveux pour les remettre en ordre, puis prend une grande inspiration. Il sait parfaitement ce qu'implique cette thérapie. Il en a besoin en plus, vraiment. Ça aussi il en a conscience, il n'est pas bête. Mais son passé est bien tassé, son père et sa mère totalement enterrés pour lui. Alors sans doute que faire resurgir de vieux fantômes pourrait faire voler en éclat son état mental. Bon, peut-être pas non plus. Ses parents sont morts, ça n'était pas de sa faute, il a fait son deuil, point. Cependant, son passé récent va être infiniment plus délicat. Donc, parce qu'il fallait obligatoirement suivre une thérapie, le britannique a choisi la seule femme thérapeute, pour arrondir les angles et tenter de faire au mieux. Il aurait vraiment eu trop de mal avec un homme.

Tandis qu'il monte les escaliers, Samaël réajuste nerveusement le bas de son sweat. Le vêtement paraît grand sur lui, alors qu'il lui manque juste quelques kilos. Le jeune homme ne veut même pas savoir son poids. Bref, il arrive dans le couloir. Heureusement qu'il n'y a qu'une femme thérapeute, comme ça il peut sans aucun doute se diriger vers la porte dont l'écriteau indique "Katheryn L. Lewis". Il le détaille un instant. D'un coup, il se sent faiblir, il angoisse. Il réfugie ses mains tremblantes dans la poche ventrale de son sweat et ferme les yeux. Rassemblant le peu de courage qu'il lui reste, et malgré son coeur qui augmente en cadence, il expire très fort, pose ses yeux sur la porte, et toque. Elle ne doit pas être si terrible que ça, cette femme. Une fois le "entrez" parvenu à ses oreilles, Samaël fait comme demandé.

— Euh, bonjour, mademoiselle, glisse-t-il en refermant la porte, non sans un petit accent anglais plus marqué que d'ordinaire qui vient lui aussi dire bonjour.

Décidément, le jeune homme appréhende plus qu'il n'y paraît. Mais il est pile à l'heure ; 11h.