— Enfin, faut avouer aussi que le modèle choisi est beau à la base, donc même une caricature de ce modèle sera magnifique, affirma Alexander en prenant un air fier.

Logan ne pût s'empêcher d'éclater de rire. Ce gars-là avait commencé par le rassurer quant à la qualité de ses dessins, et plus particulièrement au sujet de son portrait, pour finir par se lancer des fleurs. Le pire dans tout ça, c'est qu'il avait plus ou moins raison. Mais ça, James n'allait pas le conforter dans son idée. Le kiné avait d'assez grosses chevilles comme ça, pas la peine d'en rajouter.

— Merci quand même.. glissa Logan en souriant à demi avant de passer la porte.

Une fois dehors, ils n'eurent pas à marcher longtemps. En effet, le Starbucks Coffee n'était pas loin. Il se trouvait même directement au rez-de-chaussée du Centre, tout comme le bar, dénommé le Beltown. Était-ce parce que les sans-abris étaient souvent des alcoolos qu'il y avait un bar carrément dans l'immeuble ? Enfin soit. Ça n'était pas important. Ils entrèrent dans le café sans s'attarder dehors ; il faisait bien meilleur à l'intérieur.

Et ils n'étaient apparemment pas les seuls à penser ça, puisqu'il y avait la file. Elle n'était pas encore trop longue, donc ça allait. Logan et Alex durent patienter plusieurs minutes. Le premier eût le temps de soupirer plusieurs fois, n'aimant pas attendre. Cependant, comme il savait qu'au bout se trouvaient café, cookies, et muffin, il prit son mal en patience. Pour passer le temps, il jeta un coup d’œil aux boissons proposés. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait du choix. Haussant un sourcil désabusé sur l'intérêt de tant de cafés différents, il secoua légèrement la tête avant de reporter son attention devant lui. Ils étaient à deux pas de leur but.

Entendre Logan rigoler, faisait quand même chaud au cœur. C’était une sacrée preuve qu’il commençait à s’ouvrir et à se détendre en compagnie de notre homme. Et ça, c’était le but de toute cette histoire. Finalement, en plus d’entretenir une relation ‘professionnelle’ Kiné/patient, leur relation ressemblait fortement à ce que l’on qualifiera d’amicale. Alexander ne pût que sourire, observant du coin de l’œil, cet homme qui calmait peu à peu son rire. Ses cheveux, son visage, ses traits, son regard, son air … tout cela avait changé depuis leur première rencontre. N’était-ce pas là, ce que chaque kinésithérapeute rêvait d’atteindre avec son patient ? Sans doute.

Après l’avoir furtivement remercié, ce à quoi Alexander répondit avec un sourire et un hochement de tête, Logan passa la porte et notre homme le suivi dehors. Bien qu’ayant vécu des hivers bien plus froids qu’ici –faut dire que l’hiver Californien pouvait être comparé à l’été Canadien …- il faisait quand même pas mal frais. Rapidement, ils traversèrent la rue et s’engouffrèrent à l’intérieur du Starbucks qui se trouvait juste en face. Là, ils furent accueillit par une énorme queue et n’eurent pas d’autre choix que d’attendre.

Logan semblait ne pas apprécier cette attente, ce qui était prouvé par ces longs et lourds soupires. Alexander, lui, ça ne le dérangeait pas. Il avait toujours été du genre patient, qui ne se stresse pas lorsque l’attente est trop longue. Au contraire. Il se disait que, quand il faisait la queue, il ne faisait rien d’autre que de rester sur place. Donc, ça ne le dérangeait pas. Et puis, ici, en l’occurrence, il y avait de bonnes choses à la clef.

« Tu sais Logan, moi je te conseil le frappucino caramel, avec un cookie triple chocolate et … un blueberry muffin. » il lorgna vers son interlocuteur « T’auras les calories pour la semaine, mais sérieux, c’est un bonheur »

Le contraire du bonheur était ce qui se déroula dès lors qu’il eu dit ces mots. A première vue, ce n’étaient que deux personnes qui leur passaient devant. Une femme, blonde, forte poitrine, très fortement maquillé et très peu habillé compte tenu de la saison. Son débardeur laissait apparaître, en plus d’une grosse partie de ses seins, un tatouage qui représentait un serpent, s’enroulant autour de son bras et se finissant dans son dos. L’autre, était un mec. Chauve, costaud, couvert de tatouage, l’air mauvais, il avait la tête du taulard type. Tous deux empestaient l’alcool et la cigarette. Et si Alexander avait eu un minimum de bon sens, ils les auraient laissé passer sans rien faire ni rien dire. Mais il n’était pas ceinture noire 4 DAN de karaté et n’avait pas attendu 15 minutes pour se laisser piquer sa place. Alors, toussotant, il posa une main sur l’épaule de l’homme.

« Excusez moi, mais mon ami et moi on était là avant » dit-il calmement en souriant poliment.

Le mec, à part lui enlever violemment la main de l’épaule ne réagit pas. Ce fût la femme – dieu qu’elle était laide avec son piercing au nez, ses lèvres rouge et son chewing-gum qu’elle mâchait comme un hippopotame – qui se retourna. Toisant Alexander de haut en bas avec un putain d’air hautain, elle s’attarda finalement sur Logan. Laissant éclater sa bulle de chewing-gum, elle arqua un sourcil puis tapa l’homme sur l’épaule
.
« Kurt, c’pas ton ami là » demanda-t-elle à l’attention de l’homme « t’sais, l’connard qu’est sorti d’prison bien trop tôt »

Le dénommé Kurt se tourna vers la jeune femme, arqua un sourcil, puis se tourna complètement. Son regard tomba d’abord sur Alex qu’il fusilla du regard - Si bien que notre homme eu un très léger mouvement de recul- avant qu’il n’aperçoive Logan. Alors, son visage s’étira en un rictus qui devait être son sourire.

« Eh mais c’est l’p’tit James. » dit-il sur un ton malsain en s’approchant lentement de Logan « T’as r’prit tes deal, sale merdeux ? »

Ne sachant plus où se mettre, le regard d’Alex passa de Logan à Kurt puis de nouveau à Logan puis à nouveau sur Kurt et enfin il s’attarda sur Logan … juste pour voir que la joie d’avant avait fait place à une rage noire et violente. Si bien que son patient semblait être sur le point d’exploser.

« Logan, calme-toi … » souffla-t-il

Logan haussa légèrement un sourcil quand Alexander lui conseilla quelques délices. Franchement, du moment que c'était bon, il se foutait bien de prendre des calories. Et puis, il mangeait comme quatre, donc c'est pas un cookie et un muffin qui allaient lui faire peur. Alors que, avec un sourire en coin, il s'apprêtait à répondre, deux individus leur passèrent devant. Son air à présent peu avenant — il n'avait pas attendu un quart d'heure pour se faire griller la priorité —, James n'eut même pas à parler, puisque c'est Alex qui se chargea de s'adresser à ceux qui venaient de les doubler.

Le mot "ami" employé par le kiné eût au moins l'effet de dévier un peu l'attention de l'ancien détenu. Ce n'était pas un qualificatif que l'on employait habituellement à son égard. Et puis, Alexander faisait preuve d'une sacrée patience, chose qui manquait totalement à Logan, et son ton était calme et poli. En temps normal, toute personne aurait réagi plus ou moins poliment, ou lui aurait au minimum répondu. Cependant, ce n'était pas des personnes que l'on pourrait qualifier de normales qui leur avaient grillé leur place. L'homme ne fit que retirer sèchement la main d'Alex de son épaule, mais la femme l'accompagnant se retourna.

Les doutes de Logan quant à l'identité du type s'envolèrent dès lors que la blonde à forte poitrine — ainsi que petite tenue, piercing, tatouage et chewing-gum qu'elle mâchait si fort qu'on avait envie de l'étouffer avec — prononça le nom de Kurt. Puis elle qualifia James de "connard qu'est sorti d'prison bien trop tôt". Le visage de celui-ci exprima dans un premier temps de la surprise, il ne pensait pas retomber sur ce gars-là. Dans un second temps, ses traits se crispèrent quelque peu. Le dénommé Kurt vit d'abord le kinésithérapeute, à qui il fit une telle impression que ce dernier eu un mouvement de recul, avant que ses yeux ne tombent sur son ancien camarade de prison. Enfin, camarade, c'est un bien grand mot.

— Eh mais c'est l'p'tit James, s'exclama-t-il sur un ton malsain, avec un affreux rictus, en s'approchant dudit James. T'as r'pris tes deal, sale merdeux ?

Logan ne baissa pas les yeux, devant même lever légèrement la tête à cause de la taille de l'homme, le fixant avec haine. Le déclic, c'est quand ce minable l'avait appelé par son vrai prénom. Kurt était sans doute plus large et un peu plus grand, mais James l'avait déjà rembarré plus d'une fois. Cependant, le chauve n'avait sûrement pas avalé que ce soit Logan qui ait beneficié d'une sortie anticipée, de quelques mois, mais anticipée quand même.

James eût tout juste le temps d'entendre Alexander lui dire de se calmer qu'il allait laisser sa rage éclater. Ce qui n'était absolument pas une bonne idée, déjà car ils étaient dans un lieu public, et ensuite parce qu'il avait une épaule diminuée. L'ancien dealer fonçait habituellement tête baissée, sans se soucier des conséquences, alors heureusement qu'Alexander était là, et heureusement que Logan l'écoutait, sinon la situation aurait été critique. Il se contenta de serrer les dents et insuffla autant de colère qu'il le pouvait dans sa voix.

— M'appelle pas comme ça boule de billard, t'as dû oublié c'qui est arrivé à Smith, grinça-t-il en affichant un sourire en coin de mauvais augure.

Bien qu'il ait les mains dans les poches, il dégageait une aura de violence. La blonde fronça les sourcils en fixant James. Ses machouillements dimunèrent en intensité et devinrent silencieux. Par instinct, elle s'écarta. Quant à son copain, il eût une micro-seconde de faiblesse avant de se mettre à rire. Un rire mauvais à vous glacer le sang, qui ne perturba pas le moins du monde Logan. Son rire s'atténua peu à peu, laissant place à un sourire torve tout aussi peu sympathique.

— Après quatre ans en cage, t'es à la niche, alors c'pas en aboyant qu'tu vas m'faire peur, il ricana en jetant un regard en coin à Alexander, qui avait posé une main sur l'avant-bras droit de Logan pour éviter qu'un coup ne parte. Et tu t'es laissé dressé en plus, brave toutou.

Un rire caverneux le secoua de nouveau, rejoint par celui de vipère de sa blonde. Le regard de Logan s'acéra, comme celui d'un rapace sur sa proie. Touché dans son amour propre, dans sa fierté — c'était dur pour lui de reconnaître que oui, Alex avait chopé le truc pour le canaliser —, il prit une respiration, ne quittant pas des yeux Kurt. Soudain, ce dernier se crispa de douleur, retenant un cri qui se transforma en gémissement étouffé. Logan lui avait écrasé le pied de son talon gauche. Stupéfiant, en effet, mais au moins, c'était plus discret qu'un direct du droit dans la mâchoire. James se rapprocha de l'homme, toujours en lui écrasant allègrement les orteils.

— T'as du bol qu'on soit pas dehors, sinon le toutou aurait sorti les crocs.

Une menace claire, nette, et precise. En fait, le type avait plutôt de la chance qu'Alex soit là, sinon il s'en serait prit une sur le museau qu'il aurait retenu. Le brouhaha régnant dans le café était en fait le bienvenu ; il dissimulait les paroles des deux anciens taulards. Et puis, personne ne remarqua vraiment ce qui se passait entre eux, la blonde elle-même n'osa pas intervenir tout de suite.

Logan était tendu comme un arc. Une aura de rage émanait de lui, telle qu’Alexander n’en avait jamais senti avant. Cette aversion pour l’autre type semblait palpable. Elle était forte et effrayante, d’une telle intensité qu’Alexander eu une très forte envie de se barrer sur le champ. Lui qui aimait se faire remarquer en publique, n’aimait pas cette situation. Elle était à la limite du supportable. Non, autant dire qu’elle était franchement insupportable. Pourtant, notre jeune homme ne pouvait se résoudre d’abandonner Logan, de le laisser à la merci de cet imbécile.

Non. Il devait faire en sorte que son patient se calme. Même s’il savait sans doute se défendre, il n’était pas en état de se battre. Pas avec son épaule qui n’était pas tout en a fait guérie et qui l’handicaperait plus qu’autre chose. Alexander, lui, faisait du karaté depuis presque 30 ans. Si ce type, ce Kurt, venait à commencer une baston avec Logan, alors notre kiné n’hésitera pas à intervenir. Et même si cet homme avait connu la prison, il devait sans doute avoir assez de raison pour ne pas commettre de meurtre en publique. Non ? Ou est-ce que le fait de passer de longs mois, enfermé derrière les barreaux, lui avaient enlevé le peu d’état d’âme qui lui restait ?

Toutes ses questions et ses pensées traversèrent l’esprit de notre homme qui n’écouta pas la conversation entre les deux ‘collègues’ de cellule. Ce ne fût que, lorsque Kurt insinua que Logan s’était fait dressé en le comparant à un toutou, qu’Alexander réagit instinctivement. Fusillant le type du regard, il accentua sa pression sur le bras droit de Logan, espérant ainsi lui indiquer de ne surtout pas faire de geste brusques avec ce bras, au risque de se faire sérieusement. Secrètement, il espéra aussi que Logan se calme. Et ça réussi plutôt bien ! Inspirant profondément, il se détendit

… avant que Kurt ne réprime un hurlement de douleur. Se tournant vivement vers lui, Alexander le fixa, surprit … et dût se faire violence pour ne pas éclater de rire. Logan venait d’écraser le pied de ce Kurt, qui maintenant sautillait sur une jambe, se tenant l’autre pied avec les mains. Notre kiné ne pût s’empêcher de le comparer à un clown grotesque. Mais, avant qu’un sourire de trahisse le fond de sa pensée, il se redressa.

« Vous nous laissez notre place de nouveau ? »

Cette fois-ci, lorsque Kurt se redresse, bien d’aplomb sur ses deux pieds et qu’il fixa Alexander comme s’il espérait le désintégrer sur place, ce dernier resta immobile, soutenant son regard. Ses yeux brun clair s’étaient assombrit. La mâchoire serré, les sourcils froncé, il regarda Kurt avec intensité, jusqu’à ce que ce fût lui qui détourna le regard. Il attrapa sa pute par le bras et l’entraina hors du café. Ce ne fût qu’au moment où Kurt eu franchis le seuil de la salle et qu’il eu disparu au regard d’Alexander et Logan, que notre américain remarqua autre chose qui l’oppressait.

Le silence. Le café, à l’origine bruyant, limite assourdissant, était silencieux. Très silencieux. Trop silencieux. Fermant furtivement les yeux en sentant tous les regards posé sur eux, Alexander prit une profonde inspiration puis afficha un sourire discret, qui se voulait rassurant. Méfiant, les gens reprirent lentement leur conversation puis le brouhaha reprit. Soupirant, Alexander se massa les paupières. Ils avaient échappé belle.

« Je te … vous sert quoi ? »

Ce fût la voix du serveur qui le fît assez violement, revenir à la réalité. Se retournant vivement, il fixa le jeune homme, clignant légèrement des yeux, avant réafficha son sourire. Reprenant son assurance naturelle, il passa sa commande puis se décala. S’accoudant au comptoir, il lança un coup d’œil à Logan. Bien que celui-ci semble encore et toujours tendu, bouillonnant intérieurement et près à pèter la gueule au premier qui le regardait de travers, Alexander s’approcha un peu de lui.

« Ça va aller Logan ? » osa-t-il, se préparant à toutes éventualités –allant du simple regard peu amène, au coup de poing en passant par un plaquage contre le comptoir.

Un mouvement derrière lui, le fît se retourner. Il paya rapidement puis attrapa les cafés et les pâtisseries. Il tendit un gobelet et un sachet à Logan, gratifia rapidement le serveur d’un hochement de tête puis se mit en route.

« Tu préfères rester ici ? Ou retourner … au centre ? »

Il avait parlé bas car, malgré le bruit environnant, il n’était pas dit qu’il y n’y ait pas une personne parmi tous ces gens qui ne l’avaient entendu.

Le silence qui s'abattit dans le café était plus qu'oppressant dès que Kurt et sa nana passèrent le pas de la porte. Petit à petit, les gens reprirent leurs conversations, mais pas très naturellement non plus. Logan essaya de se calmer totalement, mais la rencontre avec ce type lui avait mis les nerfs en pelote. Il se concentrant un instant sur Alexander pour penser à autre chose, puis le serveur intervint. Les deux amis furent tirés de leurs, pensées respectives et le plus âgé passa commande.

Alex reprit bien vite contenance. James avait plus de difficulté à se détendre. Le premier à le regardait de travers se verrait assurément affublé d'un bleu. En conséquence, personne n'osa croiser simplement son regard. Même le kiné eut l'air d'hésiter avant de lui demander si ça allait. Logan le fixa durement sans le vouloir, puis poussa un profonde soupir en se passant une main sur le visage.

Il grommela un "ouais" puis se décala un peu pendant qu'Alex payait leur commande. Attrapant un gobelet et un sachet, son esprit se fixa sur le cookie et le muffin qui l'attendaient. Lorsque Alexander lui demanda s'il préférait rester ici ou retourner au Centre, James se prit un petit temps de réflexion. Il ne vallait sans doute mieux pas qu'ils retournent tout de suite au Centre, car Kurt serait bien capable de les attendre. Ce type n'était pas connu pour se laisser marcher sur les pieds ainsi.

— On a qu'à rester ici , repondit-il en regardant aux alentours. Tiens y'a une table là-bas.

Ce disant, il pointa une table de deux places libre. Elle était contre un mur, pas tout à fait isolée puisque c'était impossible dans un lieu tel que celui-ci mais au moins, elle n'était pas entourée de toutes parts. Logan s'y rendit, suivit d'Alex. Là, le brouahaha ne cassait plus autant les oreilles. James posa son gobelet et son sachet sur la table puis s'installa — ou s'affala, au choix —, sur une des chaises en soupirant.

— Bordel quel con, lâcha-t-il sèchement en s'ébouriffant les cheveux d'une main, il soupira légèrement, avisa le sachet puis se força à passer à autre chose. Bon, le cookie m'appelle.

S'il revoyait Kurt, il serait capable de se battre sans préavis. Et avec son épaule gauche, c'etait une mauvaise idée. Il vallait mieux qu'il pense à autre chose, ne serait-ce que pour se calmer, et le cookie bienfaisant de l'oeil, ainsi que le muffin qui verrait bientôt sa fin arriver.

Finalement, Logan préférait rester sur place et c’était compréhensible. Dans ce café, ils étaient en sécurité : Kurt ne viendrait surement pas foutre la merde en publique. Alors, hochant la tête, Alexander suivi Logan à une table dans un coin. Ne pouvant pas s’isoler complètement dans cette masse humaine, ils purent tout de même s’arranger que le brouhaha environnant se transforme en bruit de fond. Notre homme s’installa donc en face de Logan et entreprit de déballer son cookie, lorsque son ami reprit la parole.

Quel connard. Au premier abord, Alexander crut que son interlocuteur ne s’adresse à lui. Etonné, il releva son regard, et cette pensée disparue bien rapidement. Finalement, le ‘connard’ en question n’était personne d’autre que cet enfoiré de Kurt. Regardant son ami, il ouvrit la bouche pour prendre la parole avant de se raviser. Logan n’aimait pas parler de sa vie, de son passé, et ce Kurt faisait sans doute parti du passé douloureux de son patient. Alexander referma donc la bouche et se concentra sur son blueberry muffin en se disant que, finalement, Logan lui expliquera le pourquoi du comment en temps voulut.

Souriant au « le cookie m’appelle » de son patient, Alexander hocha la tête et mordit dans son muffin. Au moment même où sa langue entra en contact avec la pâtisserie, répandant le sucré de la pâte et le très léger gout amer des myrtilles dans sa bouche, Alexander oublia tout ce qu’il venait de se passer. Il n’y avait plus que lui et son muffin. Tout le reste devint sans importance. C’est ainsi qu’il dévora le petit gâteau avant de prendre une longue gorgé de son café. Rien à dire : il n’y avait qu’au Starbuck qu’ils faisaient de si bon cafés et de si bonnes pâtisseries.

« Un bonheur, pas vrai ? » demanda-t-il à Logan avant de déballer son cookie. Il observa le biscuit avec attention, tandis que son visage se fendit en un sourire doux et heureux « c’est fou comment les bonnes choses font tout oublier »

Pourtant, il se garda le biscuit pour plus tard, préférant tout d’abord boire son café. Se reculant donc sur sa chaise, il attrapa le gobelet en main, prit une gorgé, observa Logan puis sourit et prit la parole. S’en suivit une discussion calme, sympathique et intéressante. Passant de sujets médicaux, aux voitures, puis à l’art, sans oublier le cinéma et les livres, Alexander remarqua bien rapidement que, finalement, son patient et lui avait bien plus de choses en commun qu’il ne le pensait. Et s’était une très bonne chose.

Au moment de mordre où Alexander promettait à James de lui faire découvrir Stephen King en lui rapportant le livre « ça », il prit des pas lourds en comptes. Puis ces pas stoppèrent. Derrière lui.

« v’croyez quand même pas qu’j’allais capituler comme ça … ? »

Ce ton, cette voix, cette ombre, même cette odeur, étaient des plus désagréables. Lorsque Kurt était parti quelques minutes plus tôt, Alexander avait sérieusement qu’ils étaient débarrassé de ce fouteur de merde. Soupirant doucement, notre jeune homme leva le regard vers l’homme à sa gauche. Aussi large que gros, un double menton bien prononcé, de petits yeux et un gros nez plat. Cet homme, semblait être le minable de service et le moins intelligent des trois.

« On espérait au moins pouvoir finir notre pause tranquillement. » répondit notre kinésithérapeute calmement, mais fermement, à l’attention de Kurt –qui se trouvait derrière Logan- tout en attrapant son cookie.

« On t’a pas causé l’minable » grogna le gros à sa gauche.

« C’vrai que toi t’as pas parlé » répondit-il du tac ou tac en haussant les épaules.

Il porta son cookie à la bouche et voulut en manger une partie … lorsque le gros attrapa le pauvre biscuit. D’une main, il l’émietta sans état d’âme, de l’autre main il renversa le café encore chaud sur la table. Fixant le liquide brun, Alexander secoua la tête

« Puéril … » marmonna-t-il

Ce qui se passa ensuite était très … bizarre. L’homme à sa droite –un chinois, petit, menu et très vif- lui mit … une baffe ! La main claqua avec violence et bruit sur sa joue gauche. Tandis que sa tête fît un quart de tour, l’onde de choc se répartie dans sa mâchoire, monta jusque dans sa tempe et descendit jusqu’à ses cervicales. Sa joue, initialement rosée, avait prit, en l’espace de quelques secondes, une teinte rouge. Une douleur aigue au coin de son œil gauche, fît comprendre à Alex que le doigt du chinois avait dérapé dans son globe oculaire. Se massant la paupière gauche et clignant plusieurs fois des yeux, notre américaine reporta lentement son regard vers le chinois, puis sur le gros et enfin sur Kurt qui, a défaut d'avoir bougé, avait afficher un air malsain.

« Tu sais James » dit-il lentement tout en enroulant une mèche de la tignasse noire de Logan autour de son doigt « je n’ai vraiment pas apprécié comment tu m’as traité tout à l’heure … »

Le cookie était juste délicieux. Il ne se vit pas mourir d'ailleurs. Pas plus que le muffin. Entre temps, le café diminua de moitié dans le gobelet. La discussion avait pris un tour, disons, naturel. Les sujets étaient divers et variés et les miens entre eux étaient parfois étranges. Au final, Logan passa un très bon moment comme impossible n'en avait connu depuis longtemps. Et puis, il s'était découvert pas mal de points communs avec Alex. S'ils étaient différents niveau caractère, niveau goûts ils étaient plutôt semblables. Les deux proverbes, "qui se ressemble s'assemble" et "les contraires s'attirent" se justifiaient totalement. Un autre détail fort agréable fut qu'Alex ne pose pas de questions au sujet de cet imbécile de Kurt. Il avait déjà compris qu'interroger James sur son passé et sa vie s'était s'aventurer sur une pente dangereuse. Et puis, s'il voulait en parler, il le ferait lorsqu'il le déciderait.

Mais ces instants étaient comptés, et alors que le kinésithérapeute lui proposa de lui apporter un bouquin de Stephen King, une voix les dérangea. James leva doucement les yeux vers les nouveaux venus et poussa un léger soupir ; ces gars-là voulaient vraiment jouer avec ses nerfs. Il était calme lorsqu'il était entré dans le café, puis Kurt l'avait énervé, ensuite il s'était de nouveau détendu en compagnie d'Alexander, et maintenant ces abrutis revenaient lui chercher des noises. Il y avait un truc qui ne tournait pas rond dans la terre de Kurt, c'était obligé.

La suite fut du genre bizarre. Ils étaient trois ; un gros, un chinois et Kurt. Les deux premiers étaient de chaque côté d'Alex et le dernier se trouvait derrière Logan. Le kiné répondit à Kurt, le gros à sa gauche lui rétorqua qu'on ne lui avait pas causé, et il répondit du tac-o-tac avant de vouloir croquer dans son cookie. Le débile de service (le gros quoi) s'empara du biscuit et le réduisait en miette avant de renverser le gobelet et son contenu sur la table. Logan haussant un sourcil étonné. Puis, comble de l'absurde, le petit chinois colla une sublime baffe à Alexander.

Sa joue avait pris une teinte rouge, indice de la violence de choc. Au même titre que le bruit sec qui avait résonné et le quart de tour effectué par la tête du kiné. James eut un long temps de latence avant d'éclater de rire. Les potes de Kurt étaient à son niveau, aussi puerils. Mais le fait qu'il rit ne voulait pas dire qu'il prenait tout ça à la légère. Au contraire, il commençait même à sérieusement avoir envie de se lever et de mettre une derouillé à Kurt immédiatement. Et cet enfoiré ne fit bien sûr rien pour arranger les choses ; il s'amusa avec une mèche noire de Logan en lui disant qu'il n'avait pas apprécié ce qu'il s'était passé tout à l'heure.

L'ancien détenu s'était remis de son éclat de rire et soupira profondément. Il dégagea la main d'un geste sec avant de s'emparer de son gobelet. Il leva une main pour signifier à Kurt d'attendre tranquillement. Il n'allait pas gâcher le café qui lui restait, ça aurait été un crime.

— Deux secondes, prévint-il avant de finir son café en deux gorgées, il reposant ensuite son gobelet vide sur la table et se tourna en peu pour fixer Kurt. C'est bon. Donc... Il jeta un coup d'oeil aux deux acolytes puis eu un sourire en coin avant de revenir sur le chauve. T'as appelé ces minables pour avoir l'courage d'revenir, alors qu't'es parti la queue entre les jambes ? Tapette.

Il ricana puis Kurt l'attrapa par le col, une lueur mauvaise dans l'oeil. Il ne devait pas apprécier que Logan se foute ouvertement de sa gueule. Mais c'était marrant. James savait qu'il ne devrait pas jouer avec le feu, mais son sourire persista sur ses lèvres. Il se fit légèrement soulever et secouer sans pour autant dévier le regard. Il le garda accroché à celui de Kurt. L'ancien dealer se contenait, il n'allait pas commencer une baston à l'intérieur du Starbucks, cependant sa rage transparaissait à travers ses iris.

— Retire tout d'suite c'que t'as dit bâtard, menaça Kurt avec un air... menaçant.

Logan se leva complètement, pas intimidé le moins du monde. Néanmoins, au lieu de répliquer de suite, il tourna la tête vers le chinois et lui lança deux mots, avant que tout ça ne dégénère et que le dialogue ne soit plus possible. Les gens dans l'entourage proche de la table avaient déjà arrêté de parler de choses idiotes et se concentraient sur la scène. Certains, et certaines, flippaient, d'autres étaient à deux doigts de lancer des paris.

— Belle baffe.

Faut dire c'qui est, elle avait été magistrale. Même si elle avait été destinée à Alex. En fin de compte, le chinois avait eu bon nez de ne pas y aller avec le poing, sinon soit Alexander aurait répliqué, soit Logan n'aurait pas hésité un instant. S'il y a une chose qu'i. Voulait éviter, c'était que son ami soit blessé, alors que cette histoire ne concernait que l'ex-détenu. Bref. Le petit chinois eut un air surpris, tout comme le gros, tandis que le chauve fulminait de se voir ainsi ignoré.

Puis Logan reporta son attention sur Kurt. Ses traits étaient durs et déterminés. D un geste vif, il lui empoigna les poignets et appuya fortement. Les mains lui relâchèrent alors le col et James en profita pour les écarter. Il sentit une faiblesse dans son épaule gauche mais à part une tension dans sa mâchoire, il n'en montra rien. En face de lui, Kurt eu l'air de deviner ce qui se préparait. Mais il n'eut le temps de rien faire. Logan l'attira un peu à lui pour lui asséner un coup de tête bien senti sur la racine du nez. Le chauve poussa un cri en se reculant brusquement, alors que James le relâchait.

Le coup avait été puissant, si bien que se demander comment Logan avait fait pour ne pas avoir mal était légitime. Le fait est qu'il avait la tête dure, au sens propre comme au littéral. Le chauve se tenait à présent le nez. Ce n'était pas la première fois qu'il se prenait un coup pareil, c'était en effet l'un des préférés de James, et pour cause. Lui ne sentait rien, et il savait que l'adversaire souffrait. Un nez, c'est tellement fragile.

— Ça m'rappelle de bons souv'nirs, pas toi ?

Ce n’était pas tant la douleur physique de la baffe qui gênait notre américain, c’était bel et bien la douleur morale de ce geste qui le mettait en rogne. La baffe, c’est et ça restera un truc de nana ou de dernier secours. En tant qu’homme, se prendre une baffe d’un autre homme c’était quelque chose d’horrible. Sa joue le brûlait, mais au fond le lui, cette douleur nourrissait le feu de la rage. Visage ferme et impassible, œil gauche qui pleurait sans qu’Alex ne le veuille, notre kinésithérapeute ne bougeait pas. Pas même lorsque Kurt s’adressait à Logan. Ce ne fût que, lorsque Logan se leva pour faire fasse à ce type, que notre homme se redressa légèrement.

Bandant ses muscles, près à un intervenir si la situation devenait critique, Alexander observa la scène. Lèvres pincées, mâchoire serrée, il ne bougea pas pour autant, laissant Logan se débrouiller. Et il se débrouillait bien ! Après s’être approché de Kurt, l’avoir longuement fixé dans les yeux, il lui avait asséné un violent coup de tête sur le nez. Alexander avait même entendu un craquement dans l’os du nez, tandis que Kurt, en un cri de douleur se plaqua les deux mains sur le visage et se recula de deux pas. Quelques goutes de sang tombèrent sur le carrelage du café et Alex se leva à son tour.

Il amorça un pas vers Logan, mais très vite le chinois fût dans son champ de vision. Le visage tordu par la haine, il le fixait et serra les poings. Soupirant, Alexander le toisa d’en haut –pour une fois qu’un homme était plus petit que lui, autant qu’il en profite, hein- puis, lentement, il étendit la main pour attraper sa veste.

« Ne t’inquiète pas on va … »

Il n’eut pas le loisir de finir sa phrase, car l’asiatique avait envoyé son poing en avant, en direction du visage de notre homme. Ce dernier, pourtant, y était préparer et ce fût, sans difficulté qu’il rattrapa le poing de l’inconnu avant qu’il n’atteigne sa cible. Serrant ses doigts sur la main du chintoque, Alexander lui tordit le poignet vers le haut, le faisant grimacer de douleur.

« On ne va quand même pas se battre dans un lieu publique, non ? » demanda-t-il en souriant, puis releva le regard vers les deux autres. « N’est-ce pas ? On ne va tout de même pas risquer de blesser quelqu’un pour de futiles gamineries ? »

Son ton s’était fait mielleux, regorgeant d’ironie. Il relâcha la main de l’asiatique puis fît un signe à Kurt.

« J’espère au moins que la raison pour laquelle vous vous attaquez à Logan vaille la peine d’avoir gâché un cookie et un café. » reprit-il sur un ton plus dur, avant que son regard ne s’éclaircisse. « Maintenant, si vous voulez bien, mon ami et moi allons repartir nous mettre à l’abris de gros lourd dingue dans votre genre. »

Ce disant, il fît un signe de la tête à Logan. Celui-ci comprit où il voulait en venir et ensemble ils sortirent du café, laissant derrière eux trois enfoirés qui ne savaient plus où se mettre.
Soupirant, Alexander marcha à côté de son ami et lui lança un coup d’œil.

« Je peux avoir des explications ? » demanda-t-il.

Concentré sur son patient, il ne remarqua pas les bruits de course qui s’approchait dangereusement d’eux ….

Le pauvre Kurt avait sûrement le nez cassé, en tout cas quelques gouttes de sang atterrirent sur le sol. Logan se désintéressa un instant de cet abruti car un mouvement du côté d'Alexander avait attiré son regard. Ce dernier avait très mal pris la baffe. En effet, on ne pouvait nier que c'était plutôt quelque chose de féminin, et que s'être pris une claque de la part d'un autre homme avait dû atteindre sa fierté. Mais pour le moment, Alex tenait en respect le petit chinois en lui tordant le poignet.

Puis James se reconcentra sur Kurt, au cas où il aurait idée de répliquer immédiatement. Il entendit Alex parler, mais ne réagit vraiment que lorsque le ton de celui-ci devint dur. Le kiné lui fit ensuite un signe, et Logan comprit, un peu grâce à ses précédentes paroles il est vrai, qu'ils devaient sortir. Sous les regards silencieux des personnes présentes, les deux amis sortirent du café comme si de rien n'était. Quant aux trois loubards du dimanche, ils auraient pu se cacher dans un trou de souris s'ils en avaient trouvé un.

L'ancien dealer espérait du plus profond de son coeur que ces abrutis avaient compris. S'éloignant du Centre, Logan souffla un grand coup. Puis Alexander lui demanda des explications. James lui lança un coup d'oeil en fronçant les sourcils. Il était en droit de demander c'est vrai, mais ça ne changeait pas que Logan n'était pas du genre ouvert. Il cala ses mains dans les poches de son jean et grimaça un peu en sentant une petite douleur dans l'articulation de son épaule.

— S'tu veux tout savoir, j'me souviens plus exactement de comment ça a commencé, soupira-t-il. Y'a quoi, trois ans, mais-

Il fut brusquement coupé par un bruit de course derrière eux. Il eut à peine le temps de se retourner qu'un coup de poing fulgurant l'atteignit en pleine tempe. Portant une main sur le côté de son visage, il ferma les yeux un court instant puis les rouvrit lorsqu'il sentit qu'on l'attrapait par le haut de son vêtement. Il n'eut que le temps de voir la rage pure dans le regard de Kurt avant de recevoir de plein fouet un coup dans l'estomac. Il tomba à genoux en se tenant le ventre et profita de ce moment de calme relatif pour regarder comment se portait Alex. Lui était maintenu immobile, un bras tordu dans le dos.

— Tu fais moins l'fier là hein.

Logan perçut le mouvement de Kurt juste à temps pour se redresser et se reculer et ainsi éviter un coup de genou en pleine pommette. Il se releva ensuite, la haine illuminant ses yeux désormais noirs. Le chauve eut un petit rire supérieur et désigna Alex d'un coup de tête. Le gros, qui lui tenait le bras dans le dos, força un peu plus, et une grimace imprima plus fortement les traits du kiné.

— J'en connais un qui comprend sa douleur.

James bouillonnait intérieurement. Qu'on lui mette sur la gueule, ok, mais Alexander n'avait rien à voir avec tout ça. L'ancien dealer, après avoir fusillé du regard le gros et le chinois — ce dernier eut même un mouvement de recul —, revint poser ses yeux sur Kurt. Il espérait secrètement qu'Alex, avec ses années de karaté, trouverait une faille pour se défaire de l'emprise du gros. Il espérait aussi gagner un peu de temps. C'était risqué de se battre avec son épaule pas encore remise, mais il n'hésiterai pas s'il y était forcé.

— T'attaque par derrière et en plus tu prends un otage, t'es vraiment une lopette.

Il arrêta de justesse le poing destiné à sa mâchoire droite et un gémissement lui parvint d'Alex. Le message était clair, plus Logan se défendrait, plus Alexander aurait mal. D'ailleurs, le chinois colla son poing dans son plexus solaire, et le gros profita de cette faiblesse du kiné pour le lâcher furtivement et lui attraper les deux bras qu'il lui bloqua dans le dos. Ça s'annonçait mal finalement.

Logan, après quelques furtives hésitations, lui répondit. Ou du moins, il amorça une réponse, ne pouvant la continuer jusqu’au bout à cause d’un assez violent coup de poings à la tempe. Fermant les yeux, se tenant le côté du visage, Logan eu besoin de quelques instants pour reprendre ses esprits. Instant que Kurt ne lui donna pas. L’attrapant par le vêtement, il le tira vers lui, ce qui eu pour effet de lui faire rouvrir les yeux … avant qu’un violent coup de poing dans l’estomac ne les referme. A terre, une main sur son ventre, Logan était à la merci de son agresseur. Alexander n’allait pas le laisser dans cette mauvaise posture. Il devait agir, et vite.

Mais il n’aurait pas du sous estimer les capacités de Groslard. Alors que notre jeune homme avait fait un pas vers l’avant en direction de Kurt, le chinois apparu subitement dans son champ de vision. Surpris, Alexander se figea et eu un mouvement de recule. Première faute. Il recula dans les bras de Groslard qui lui attrapa le poignet gauche, le tordant dans son dos. Grognant, trop occupé à s’énervé contre lui, contre ces agresseurs et contre du picotement de douleur dans son épaule, Alexander n’eu pas le reflex nécessaire pour se délivrer. Du moins, il n’y pensa pas.

C’est fout quand même. Il faisait du karaté depuis 29 ans, avait déjà eu affaire à de nombreux adversaire plus costaud que lui desquels il était venu à bout. Il avait apprit de nombreuse techniques pour se délivrer de ce genre d’emprise, il les avait répété plusieurs centaines de fois, pensait les avoir assimilé et pouvoir les retrouver sans problème, sans réfléchir. Mais non. Dans le feu de l’action, l’esprit pensait à tout autre chose. Pourtant, Merde quoi ! C’était sa propre survis qui était en jeu, là ?

Une pression plus forte sur son poignet, un bras qu’on montait d’avantage vers le haut, une douleur accentuée dans son épaule qui se propageait maintenant jusqu’à son coude, le firent revenir à la réalité … tout comme ce magnifique coup de poing dans son plexus solaire. Bouche ouverte, yeux écarquillés, suffoquant, Alexander eu la respiration coupé pendant plusieurs instants. Groslard profita de cette faiblesse pour lui attraper les deux bras, les enserrant avec force. Tandis que son poignet gauche commençait à se plaindre – si cet enfoiré ne le lâchait pas tout de suite, Alexander se récoltera encore une entorse de l’articulation- notre kiné retrouva son souffle. La première chose qu’il dit, fût un gémissement de douleur. La seconde chose qu’il fît, eu pour but sa délivrance.

Profitant que le chinois avait le regard rivé sur Kurt, Alexander fît un rapide pas en avant. Surpris, Groslard dû le suivre s’il ne voulait pas relâcher sa poigne. Profitant de ce déséquilibre vers l’avant, notre jeune homme recula vivement sa tête et projeta, avec une force non contrôlé, l’arrière de son crâne contre le nez de son adversaire. Ce dernier, poussa un cri de surprise, mais surtout de douleur, et lâcha notre kiné. Alexander, pourtant, ne pût rien faire d’autre pendant plusieurs instants. Le coup avait été violent pour les deux hommes. Autant il lui avait brisé le nez, autant il se senti maintenant complètement étourdi. Pris de vertige, lutant contre l’obscurité qui le gagnait, il s’appuya contre le mur.

Et si Logan n’avait pas été là, il aurait eu bien mal. Son patient, alarmé par le cri de Groslard, n’avait pas hésité bien longtemps et, après avoir mit Kurt hors d’état de nuire, il s’était placé devant Alexander pour le protégé d’une éventuelle contre attaque. Gardant les deux autres en échec –un simple regard lui suffisait en fin de compte- notre kiné eu le temps de reprendre complètement ses esprits. Secouant doucement la tête, prenant plusieurs profondes inspirations, il se redressa puis se poussa du mur et vint se placer à côté de Logan.

« Ta technique fonctionne bien mais n’est pas sans douleur. Même pour celui qui la fait » grimaça-t-il en se passant une main sur l’arrière de son crâne.

Le sourire amusé de Logan fût contagieux et, ensemble ils mirent les des autres hors d’état de nuire. Tandis que les trois s’enfuirent aussi vite qu’ils le pouvaient, Alexander s’adossa contre le mur. Soupirant lourdement –soupire que ressemblait plus à un gémissement, finalement- il se laissa glisser sur le sol. Pliant les jambes, il posa sa tête sur ses genoux et se prit la tête entre les mains.

Il avait mal et priait pour que le liquide rouge qui perlait sur ses mains ne soit pas son sang mais celui de Groslard.

Kurt n'était pas du genre à baisser les bras aussi facilement. Il fallait qu'il de fasse méchamment mettre au tapis pour comprendre qu'il n'avait aucune chance. À ce jeu-là, ils se ressemblaient avec Logan. Lui non plus n'abandonnait jamais facilement. Après qu'il eût arrêté son poing droit, James bloqua le bras gauche du chauve. Habilement, il l'attrapa au niveau des poignets, l'attira à lui et lui mit un bon coup de genou dans le menton. Kurt eu quelques pas de recul. À ce moment, le cri de douleur du gros fit immédiatement tourner la tête de l'ancien dealer.

L'état d'Alexander ne lui permettrait pas d'éviter une autre attaque, même si Groslard se tenait pourtant le nez en grimaçant. Logan ne réfléchit pas plus que ça avant de savoir quelle conduite adopter. Se replaçant face à Kurt, il lui asséna un coup de pied à la tempe — une chance que cet imbécile soit un peu baissé. Avec un autre coup dans le plexus solaire et un dernier dans l'abdomen, le chauve fini à terre et Logan vint se placer devant Alex. Le tout en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Le petit chinois resta à distance raisonnable, de même que le gros qui passa vite outre son nez cassé et les gouttes de sang qui s'en échappaient. James jeta un coup d'oeil inquiet à son kiné. Celui-ci était prostré contre le mur, les yeux fermés. Il retrouva ses esprits au bout d'un temps, en effectuant plusieurs profondes inspirations. Se redressant, il vint ensuite se placer aux côtés de Logan. Ce dernier se demandait d'ailleurs si ce n'était pas par un coup de tête qu'il avait réussi à se libérer. En se passant une main sur l'arrière du crâne, Alexander précisa que la technique du coup de boule fonctionnait bien, mais qu'elle faisait mal aux deux personnes. James eut un franc sourire amusé. Non, lui ça ne lui faisait pas plus mal que ça.

La suite fut plutôt rapide. L'asiat' et le gros n'était pas très fort. Ou du moins, ils ne firent pas long feu face à Alexander et Logan. Les trois guignols se cassèrent aussi vite que leurs blessures le leur permirent. Ils auraient sans aucun doute des bleus, peut-être un ou deux truc de foulé, et pour l'un d'entre eux un look de panda garanti. Bref. Après toute cette agitation, Alex eut un gémissement camouflé par un soupir, avant de s'adosser contre le mur et de se laisser tomber sur le sol. Logan, tourna les yeux vers le kinésithérapeute et ne vit donc pas la police coin de la rue. Avec un air inquiet, il s'accroupit vers Alexander, qui avait à présent la tête entre les mains et les jambes repliées contre lui.

— Hé, tu..

Il ne continua pas plus loin et fronça les sourcils en apercevant du sang sur les doigts d'Alex. Il posa une main sur la nuque de celui-ci et se pencha un peu. Dégageant doucement ses mains, il sentit nettement du sang sur la sienne mais aucune blessure. En même temps, avec un simple coup de boule, cela aurait été étonnant qu'Alexander se soit ouvert. Mais on n'est jamais trop prudent. Et puis, tout le monde n'a pas la tête aussi dure que James. De plus, vu la tête d'Alex, il s'inquiétait toute même.

— C'pas ton sang. Mais tu d'vrais quand même aller à l'hosto, t'y es quand pas allé d'main morte. T'aurais pu-

— Messieurs ! C'est vous qui avaient eut une altercation avec trois autres types dans le Starbucks ? Ils ont été appréhendés un peu plus loin avec l'aide de témoins.

Logan leva un regard mauvais sur l'homme qui l'avait coupé, avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'un policier. Qu'avaient les gens aujourd'hui, à lui couper toujours la parole ? Ils s'étaient passé le mot ou quoi ? James ravala sa réflexion, tandis que le flic demandait à Alexander s'il allait bien. Puis, en voyant le sang, l'agent lui dit, ou ordonna plutôt, d'aller aux urgences.

— Tu vois Alex, va à l'hosto, ça vaut mieux, renchérit Logan après que policier ait dit la même chose.

Il se rendit soudain compte qu'il avait laissé sa main sur la nuque d'Alex. Il la retira d'un geste sans doute trop vif pour le contexte, mais tant pis. Puis s'en suivit une pléthore de questions sans grand intérêt au sujet des trois abrutis que Logan n'écouta même pas. Et il laissa à Alex le soin de répondre au policier, car il avait plus de tact et calme en réserve que James dans toute sa vie.

Alexander ne prit rien en comptes, si ce n’était la douleur qui semblait avoir atteint son apogée. Il avait, certes, connu bien pire –lorsqu’une simple fracture de la clavicule engendrait de monstrueux problèmes- mais … putain, ça faisait mal quand même ! Front posé sur les genoux, yeux fermé et visage crispé de douleur, Alexander entendit le léger froissement de vêtement de Logan, lorsque celui-ci s’accroupi à côté de lui. L’instant d’après, il senti la fraicheur des doigts de son patient dans sa nuque. Se raidissant légèrement, il rouvrit les yeux, tandis qu’un long frisson parcouru son échine, lui donnant la chair de poule.

Sa température passa de chaud à froid et sans qu’il ne sache pourquoi, un profond sentiment de bien être naquit au fond de lui. Alors, il se laissa faire. Bien que n’étant pas friand du contact physique avec un autre homme, Il serait bête de repousser Logan. Non ? Lorsque ce dernier lui retira délicatement les mains de son crâne et lui annonça que ce n’était pas, bien heureusement, pas son sang, Alexander soupira doucement, soulagé.

Pourtant, ce soulagement ne fût que de courte durée. Une voix plus grave se fît entendre. Déglutissant légèrement, notre kinésithérapeute releva la tête. Son regard tomba sur un policier, qui, leur demanda de confirmer si c’était bien eux qui avaient eu affaire avec ces trois types.

« Non, je ne suis là par terre, à me tenir la tête que pour le fun, parce que c’est tellement plus marrant que de rester debout. Connard. » Voilà la première pensée de notre américain. Heureusement, il ravala rapidement cette réponse et se contenta d’hocher doucement la tête. Ignorant délibérément l’ordre du policier d’aller aux urgences –ce n’était qu’un simple mal de tête, ça passera bien, qu’il se disait- il se redressa. Tressaillant en prenant appuie sur le sol avec sa main gauche, il grimaça. Une douleur assez fulgurante venait de se répandre dans son bras, partant de son poignet. Enfin. Ignorant la douleur, il ramena ses jambes sous lui et se releva doucement.

Une fois debout, il s’entretint rapidement avec le policier répondant à ses questions avec tact et calme avant que l’homme ne parte après les avoir remercier. Soupirant, Alexander le suivit du regard avant de reporter son attention sur Logan.

« Ça va ? » demanda-t-il sur un ton cassant.

Autant son ton s’était fait plus dur, autant son regard venait de s’assombrir subitement. Oubliant la vague d’allégresse qui était née en lui juste avant, il la repoussant. Si fortement, qu’elle ne se transforma en vague de rage. Sans pouvoir se l’expliquer réellement, il venait de ressentir une aversion pour Logan. Cet homme avait qui il s’entendait tellement bien, mais qui était, maintenant, à l’origine de sa douleur physique et moral. C’était une pensée très égoïste, mais chaque humain est égoïste lorsqu’il s’agissait de sa propre vie, mais surtout de sa survie.

« J’espère au moins que tes … actes passés, ceux pour quoi ce Kurt est venu nous agressé, valaient la peine que je ne m’en prenne plein la figure. »

Il ne criait pas. Et c’était sans doute son calme, mélangé à la dureté de son ton et de ses paroles qui étaient à l’origine de la surprise qui s’affichait peu à peu sur le visage de Logan. Dents serrés, lèvres pincées, mâchoire contracté, Alexander fixait son patient d’un air menaçant. Lorsque celui-ci détourna furtivement le regard, notre américain souffla puis, faisant un pas sur le côté, se mit lentement en route vers son appartement.

Secrètement, il espérait tout de même que Logan insiste et tente de le rattraper …

Après s'être entretenu avec Alex — qui avait au du mal à se remettre debout —, le policier était réparti. Logan crût qu'enfin, tout irait bien. En tout cas mieux. Il n'avait plus qu'à persuader le kiné de quand même faire un tour chez un médecin, ou à l'hôpital. Parce qu'un coup à l'arrière du crâne, qui de plus avait réussi à briser le nez d'un homme, ne pouvait être anodin. Cependant, Alexander utilisa un ton cassant et dur pour s'adresser à James. La question posée, un simple ''ça va ?'', lui donna bizarrement envie de ne pas répondre.

Le regard d'Alex devint brusquement sombre, et n'annonçait rien de bon. Pourtant, l'ancien détenu avait beau chercher, il ne trouvait rien dans les évènements qui pourrait justifier un tel revirement. En effet, l'américain avait eu l'air de se détendre lorsque Logan lui avait touché la nuque. Donc il ne comprenait pas vraiment pourquoi il avait, à présent, l'air de lui en vouloir.

— J’espère au moins que tes... actes passés, ceux pour quoi ce Kurt est venu nous agresser, valaient la peine que je ne m’en prenne plein la figure.

James écarquilla les yeux. Il n'en revenait pas. Le ton dur mais calme avait l'effet d'une douche froide. Si Alex croyait qu'il y était pour quelque chose dans cette histoire, s'il avait voulu qu'il soit blessé, il se mettait le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Néanmoins, pour la première fois depuis longtemps, Logan ne savait pas vraiment quoi répondre. Il ne s'attendait pas du tout à ce que qu'Alexander éprouve de la colère à son égard. Ce dernier avait changé d'état d'esprit aussi rapidement qu'un battement de cil. C'en était déconcertant. Surtout qu'une telle rage n'avait pas de base solide. James n'y pouvait rien si ça avait tourné comme ça.

Avant qu'il n'ait pu former de phrase correcte qui ne comportait aucun insulte et surtout, qui n'envenimerait pas les choses avec le kiné, celui-ci avait tourné les talons. Au début, le regard menaçant qu'il lui avait jeté avait cloué Logan sur place, si bien qu'il n'eut pas tout de suite le réflexe de le suivre et d'insister. Il le regarda s'éloigner un peu puis, alors que lui-même se détournait, il eut un sentiment étrange. Comme celui d'une chose non terminée. Il devait rattraper cet imbécile avec qui il s'entendait si bien.

James regarda dans la direction qu'Alex avait prise, heureusement, il n'était pas si loin. Il agissait sûrement comme un garçon qui courrait après sa petite copine, mais il repoussa rapidement cette idée, en se disant qu'il fallait au moins ça pour ne pas risquer de perdre cette amitié. Il commença par marcher vite, pour finalement, en quelques foulées de course, rattraper Alexander par la manche droite. Il affirma ensuite sa prise sur son poignet, pour ne pas qu'il tente de partir de nouveau. Il y avait quelque chose de vital dans ce geste, qui montrait bien qu'il n'avait aucunement envie d'une engueulade pour un truc aussi débile. Il força Alex à lui faire face et planta ses yeux dans les siens. Il prit ensuite une respiration pour éviter de dire une connerie.

— Je suis désolé, souffla-t-il doucement en baissant les yeux, avant de les relever pour voir la réaction d'Alex. Cette histoire ne concerne que moi, et j'suis vraiment désolé de t'y avoir mêlé, en plus t'es blessé. Il soupira tout en se passant une main dans les cheveux et en rivant ses yeux sur le sol, puis il rajouta après un pause : J'suis pas vraiment doué pour les excuses...

Logan desserra finalement son emprise, puis lâcha complètement le poignet d'Alexander. Il ne savait pas ce que le kiné attendait, si de simples paroles pourraient suffire. Parce qu'au vu de l'emportement d'Alex, ça n'était pas gagné. James n'y était pas vraiment pour quelque chose, donc à part s'excuser pour ne pas envenimer les choses, il ne voyait pas quoi faire.

Sentant la poigne de Logan sur son bras, le cœur d’Alexander fît un bond. Fermant furtivement les yeux, il les rouvrit lorsque son ami le tourna et l’obligea à le regarder. Le fixant, Logan se mit à s’excuser. De plates excuses. En temps normal, Alexander lui aurait rigolé au nez et serait reparti en l’ignorant complètement. Mais peut-être était-ce du au coup qu’il s’était prit sur la tête, peut-être était-ce aussi du au fait qu’il n’avait pas la force d’agir en conséquence de cause. Quoiqu’il en soit, Alexander ne fît, restant immobile, regard rivé sur Logan.

Et c’est à ce moment là qu’il la sentit. Ce sentiment. Cette allégresse. Ce mouvement de joie naissant dans son ventre. Il plongea son regard dans celui de Logan, s’y noya. Ces yeux. Avaient-ils toujours eu cette teinte verte ? Ou était-ce due au temps ? Tout ce qu’il saurait dire c’est que ces iris étaient magnifiques. Elles avaient le charme incongru d’une île sauvage, avant le passage des hommes. Visage impassible, Alexander dévia légèrement son regard sur les lèvres de son patient. Des lèvres roses, fines qui semblaient douces. Si douce.

Et, avant même qu’il ne sache ce qui se passait, avant même qu’il ne se rende compte de ce qu’il faisait, il s’était approché et avait capturé ces lèvres. Les scellant en un doux baiser, il gouta au bonheur. Ce bonheur addictif. Plus. Il en désirait plus. Alors, passant ses mains dans le dos de Logan, lui enserrant la taille, il lui caressa les reins. Rapprochant son bassin de celui de l’homme, il approfondit son baiser, sa langue se frayant lentement un passage entre les lèvres de Logan.

Mais, avant qu’elle n’ait pu commencer une danse avec sa pareille, Alexander se raidit. Comme si une décharge électrique avait, l’espace d’une micro seconde, contracté tous ses muscles, le faisant revenir à la réalité. Ecarquillant légèrement les yeux, il se recula, fixa encore quelques instant ce doux charmeur. Mais, avant de se laisser à nouveau obnubilé par ce regard d’émeraude, Alexander dévia le regard.

« Désolé » murmura-t-il avant de se détourner.

Et il reparti, seul et rapidement, en direction de son appartement. Et cette fois-ci, il pria pour que Logan ne rattrape pas.

Logan sentait l'appréhension monter en lui, face au silence et à l'absence de réaction du kiné. Il avait l'impression d'être pendu à ses lèvres, d'attendre une parole qui aurait le don de le délivrer. C'était étrange, et affreusement désagréable de se rendre compte que tout ne tenait qu'à quelques secondes. Et puis, le temps avait l'air de s'allonger, de se dilater. Se sentant détaillé, James ressentit un malaise poindre dans son abdomen. Son cœur s'était mis à battre plus fort, plus vite. Il s'obligea à garder une respiration calme, supportant le regard d'Alex.

Il le regarda le regarder. Et d'un coup, il perdu le fil. Lorsque les lèvres d'Alexander rencontrèrent les siennes, il ne comprit pas ce qu'il lui arrivait. Il écarquilla légèrement les yeux, avant de les refermer en remarquant une petite démangeaison au creux de son ventre. Jamais l'expression ''avoir des papillons dans l'estomac'' ne lui parût plus justifiée. C'était sucrée, c'était doux, c'était infiniment bon. Il ne pourrait jamais s'en passer. C'était un truc auquel il n'avait jamais vraiment goûté, et il ne pensait pas un jours connaître quelque chose de ce genre avec un homme, mais franchement, il n'en avait présentement rien à foutre.

Les mains d'Alex vinrent se perdre dans son dos, sa taille, puis ses reins. James se sentit faiblir ; il était plutôt sensible à ce niveau-là. Une sueur froide le prit d'assaut, alors même qu'un feu se déclarait en lui. Une de ses mains vint trouver sa place sur la hanche de son vis-à-vis, et l'autre sur son torse, prête à monter sur sa nuque. Leur deux corps se rapprochèrent l'un de l'autre, tandis que le baiser gravit un échelon. Logan entrouvra les lèvres presque timidement, et céda le passage à la langue invitée.

Mais l'instant, qui finalement était passé très vite, se brisa dès lors qu'Alexander se recula. Brusque désillusion. Dure retour à la réalité aussi. Logan fronça les sourcils de frustration, se voyant retirer d'un coup un bonheur qu'il ne voulait plus lâcher. Cependant, Alexander avait l'air surpris, il avait l'air de ne pas savoir où il en était. James était perdu aussi, bien sûr, mais il n'avait pas l'habitude de disséquer ses sentiments, ressentis, ce qu'il devait faire ou pas, les conséquences, tout ça — ça lui filait la migraine. Mais il comprenait la réaction d'Alexander, au moins un peu. Ce dernier avait dû se choper un sacré coup sur la tête finalement.

Son petit ''désolé'' se perdit dans l'air, juste avant qu'il ne se détourne et reprenne rapidement sa marche. Logan faillit le rattraper, mais au dernier moment, il se ravisa. Il referma doucement la bouche qu'il avait ouverte pour parler. Il n'avait pas trouvé la force de protester. Et puis, pour dire quoi ? Il était paumé lui aussi, finalement. Il avait ressenti trop de choses d'un coup pour que ses neurones fonctionnent correctement. Il pensait qu'Alex était un ami, mais c'était peut-être plus que ça.

Observant une dernière fois Alexander qui disparût au bout de la rue, il lâcha une injure sèche avant de se détourner en direction du Centre. Le revoir allait être difficile, pourtant il faudra bien. Il était un peu dans un état second ne réalisant pas tout à fait tout ce que ce baiser avait changé. Par un pur réflexe il s'alluma une clope. Bon sang, quel bordel c'était dans sa tête et son cœur.