Pourquoi les tournesols de Van Gogh sont la première chose qui parvint à la conscience de Samaël lorsqu'il s'est réveillé ce matin ? Enfin réveillé, il n'a pas non plus dormi. C'était quelque chose de léger, un sommeil comme une plume, qui s'envole au moindre souffle. Toujours est-il que les fleurs de soleil l'ont accompagné toute la journée dans ses pensées. Et à présent, la nuit commence à tomber. La plupart des résidents ont rejoint leur chambre, ainsi, l'anglais est seul dans la salle commune du premier étage. C'est là qu'on lui a attribué une chambre, hier.

Il en est sortit il y a peu, sa carrure de brindille anorexique — ou presque — dissimulée sous un sweat, qui cache en bonus les marques sur ses bras. Samaël a vu le médecin hier, en fin d'après-midi, pour un check-up, et il l'a rassuré quant au fait qu'il n'a rien de grave. Juste un poignet foulé. Pour le côté physique cependant, le mental a pris bien plus à cause de l'agression. Le jeune homme farfouille en silence dans la cuisine, et tombe sur de quoi se faire un thé. Pour son plus grand bonheur. Moins de dix minutes plus tard, et il sirote sa boisson tranquillement, regardant par la fenêtre donnant sur la rue. Il observe les gens sans les voir. Il repense à Micah, la jeune femme qui l'a conduit ici.

D'ailleurs, il entend soudain sa voix. En un premier temps, il ne peut s'empêcher de sursauter, un peu surpris, en se tournant vers la jeune femme. Il ne l'a pas entendu arriver. Et heureusement qu'il ne lui reste qu'une ou deux gorgées de thé dans sa tasse, sinon la boisson aurait pris un aller direct vers le sol. Samaël est peut-être au Centre à présent, mais il n'empêche qu'il est toujours plus ou moins sur ses gardes. Mais il se calme en voyant Micah et son sourire. Son ton était doux, du coton en parole, ce qui contribue à la détente du jeune anglais. Un sourire naît doucement sur son visage, un peu timide quand même. Il n'a que très peu sourit depuis trois jours, alors il hésite encore un peu.

— Ouais en effet, c'est mieux, répond-t-il tout de même d'une façon tranquille, en tournant les yeux vers la fenêtre.

Elle ne peut imaginer à quel point c'est vrai, Samaël est tellement mieux à l'intérieur. Loin de la rue, loin du danger, loin de la faim, loin du froid. Même si ce dernier est plus un détail qu'autre chose pour le britannique qu'il est. Tout ça, c'est grâce à Micah. Elle l'a sauvé, vraiment. Il pensait à mourir, il en était arrivé à cette extrémité ! Et elle, elle lui avait simplement tendu la main. C'était rien, mais tellement tout pour lui. Et il a tout de suite eu confiance en elle, c'est ça qui est dingue. Il reporte son attention sur Micah, et l'observe rapidement en prenant une petite gorgée de thé. Elle a le nez et les joues un peu rouges, peut-être à cause de la température extérieure.

— Et toi ça va ? On dirait que tu reviens de l'extérieur. Il fait froid ? demande-t-il doucement.

Micah s'était doucement approchée, le laissant s'habituer à la proximité. Avec n'importe qui d'autre, Samaël aurait reculé de plusieurs pas. Au contraire, avec elle, ça ne le dérangeait pas d'être proche. Même, il se sentait mieux, moins crispé, moins tendu, moins sur les nerfs. Grâce à la compagnie de la jeune femme. Elle a été la première à le voir, et maintenant qu'il sait — soupçonne très fortement — qu'elle a aussi vécu dans la rue, il comprend. Les sans-abris, ils sont invisibles aux yeux des gens. Micah elle, elle n'a pas pu ne pas le voir, car elle a déjà été à sa place. Elle n'a pas pu faire comme s'il n'existait pas et simplement passer à côté. Et puis, il était dans un tel état...

Il l'est toujours d'ailleurs ; ces bleus ne partiront pas de si tôt. Mais la tendresse de la brune le touche, et son sourire est communicatif. Et son sourire s'agrandit lorsqu'elle parle de la librairie et de son possible-future-emploi. Apparemment, l'entretien s'est bien passé. Samaël est heureux pour elle, cependant, le sourire qui a fleuri sur son visage se flétri quelque peu quand Micah lui demande comment va son poignet. L'anglais baisse les yeux sur ledit poignet, l'observe machinalement en le tournant et en le retournant. Il n'a pas trop mal en cet instant, sûrement grâce à l'un des médoc' qu'il doit prendre, mais ça le gène tout de même.

— Ça peut aller, répond-il en relevant les yeux sur Micah et en souriant doucement. Il n'est que foulé, et puis c'est le gauche, alors ça ne me gène pas tant que ça.

Il y a un peu de vrai et un peu de faux dans ses paroles. Disons qu'il n'aime pas que les autres s'inquiètent pour rien à son propos. Là par exemple, elle n'a pas besoin de savoir que s'il fait tel ou tel mouvement, il a mal, ou alors ne peut tout simplement pas les faire. Ça ne changera rien. Samaël prend sa dernière gorgée de thé, puis reporte totalement son attention sur Micah. Ses propos de tout à l'heure l'ont interpellé. Elle a parlé de librairie, d'emploi. Ça, ça doit être la belle vie. En tout cas aux yeux de Samaël. De toute façon, dès lors qu'il est question de livres, le jeune homme est aux anges.

— Un emploi dans une librairie, ça doit être bien, lâche-t-il tranquillement, puis son sourire disparaît lorsqu'il repense à un truc. Dis, on m'a parlé de conseillers d'orientation je crois, mais je ne me souviens pas exactement, on est obligé d'en voir un ? C'est nous qui choisissons non ?

Sa mémoire lui fait défaut pour le coup. Comme souvent d'ailleurs. Il appréhende un peu. Déjà qu'il doit voir un thérapeute. Une thérapeute pour être précis. La seule en fait, mais il ne peut pas voir un homme pour ça. Ce n'est tout simplement pas possible. Mais il n'a même pas achevé son bachelor, pour ça par contre, il faudra bien qu'il y retourne à l'université. Enfin, on verra.