Second jour au centre. La veille, Alys avait rencontré Logan, son sauveur et accessoirement aussi son voisin de chambre. Elle avait passé la soirée avec lui et avait découvert en lui quelqu'un de pessimiste, ennuyé et blasé de la vie, mais aussi sincère, intéressant et ouvert d’esprit. Bref, son séjour ici commençait plutôt bien.

Aujourd’hui, Alys n’avait pas eu envie de quitter son lit. Le matelas moelleux, la couverture chaude, le grand coussin doux, tout ça était un luxe sérieusement inespéré. Ainsi donc, elle était resté allongé encore longtemps après s’être réveillé, profitant simplement de son lit et de la douce chaleur de sa couverture. Les yeux rivés sur le plafond, un très léger sourire avec étiré la commissure de ses lèvres. Mais ce sourire disparu bien rapidement lorsqu’en se levant, son regard était tombé sur son reflet dans le miroir. Encore et toujours, elle y voyait une fille faible. Une adulte dans un corps d’adolescent. Détournant rapidement le regard, Alys se dit qu’elle devrait demander à faire enlever le miroir. Ou à le cacher simplement. Elle ne voulait pas se voir.

Enfin. En vitesse, elle s’habilla puis se dirigea vers la porte de sa chambre. La main sur la clenche, l’adolescente s’immobilisa. Que devait-elle faire maintenant ? Elle lança un coup d’œil au-dessus de son épaule, vers son lit. Elle pourrait très bien se recoucher et rester toute la journée au lit. Logan lui avait dit qu’il ne serait pas le lendemain. Elle devra donc se débrouiller sans lui. Mais elle était perdue sans lui ! Elle …

Non. Pendant 3 mois elle n’avait eu personne. Pendant les 5 dernières années on lui avait fait comprendre qu’elle n’aura jamais personne. Ce ne sera donc pas maintenant qu’elle irait se réfugier chez quelqu’un dès qu’elle ne saura pas quoi faire. Elle se débrouillera.

Alors, refoulant ces pensées, Alys poussa la clenche, tira la porte, sorti et, laissant la porte se refermer derrière elle, se dirigea vers les escaliers. En passant devant la porte voisine, elle s’immobilisa. Cessant de respirer, elle écouta, espérant entendre Logan remuer dans sa chambre. Au moins, elle aurait ainsi une bonne excuse de ne rien entreprendre aujourd’hui. Sauf que ses espérances furent mises à mal : aucun bruit n’était à entendre derrière cette porte close. Ou bien son voisin n’était vraiment pas là, ou alors il était entrain de dormir. Dans tout les cas il ne lui répondra pas.

Alors, soupirant discrètement, Alys se remit en route et commença à descendre les escaliers. Presque arrivé en bas, un bruit à l’étage capta son attention. Sans savoir pourquoi, elle tourna la tête vers le haut … et en rata la marche suivante. Heureusement, ce n’était que l’avant dernière. Mais l’adolescente se senti tout de même tomber vers l’avant ayant, comme tout humain normalement constitué, le reflex de s’accrocher à la première chose qu’elle trouvait.

Et cette chose était un homme. Ou un jeune homme. En tout cas, c’était humain. Et, en s’accrochant à son bras pour assurer son propre équilibre, Alys l’avait obligé à lâcher ce qu’il avait en main. Cœur battant, elle vît du coin de l’œil, comment l’inconnu leva son bras libre. Dans un cri étouffé, Alys le lâcha et se recula. Mais son talon droit buta contre la dernière marche et elle chuta en arrière sur l’escalier. Dans cette position d’infériorité, sa panique s’accentua. Alors, fermant les yeux, elle se recula contre le mur, se recroquevilla sur elle-même et croisa ses bras sur sa tête.

Cet homme pouvait lui frapper le dos et les épaules, elle était résistante à ces endroits à. Mais pas la tête. Non. Les coups étaient bien trop douloureux à cet endroit là.

Les muscles tendus, la tête protégée, Alys était prête –autant physiquement que mentalement- de se faire frapper. Elle était prête à recevoir les coups mérité … mais rien n’arrivait. Cet homme était cruel. Il laissait la panique grimper jusqu’à trouver son apogée. C’était sa propre manière pour torturer la jeune canadienne. Et la torture moral était la pire qui soit. Ne pas savoir quand allait partir le premier coup était pire que de se prendre le premier coup. Alors, lorsqu’elle entendit les pas venir dans sa direction, elle ferma les yeux et se crispa d’avantage, espérant que cet homme en finira rapidement. Et pourtant, ce fût tout le contraire qui se produisit.

Une voix grave. Un timbre doux. Un ton quelque peu inquiet. Voilà ce qu’elle entendit. Rouvrant d’abord les yeux, Alys se figea, sans pour autant enlever ses bras qui protégeaient sa tête. Cet inconnu lui avait-il réellement parlé ? Cette douceur qui émanait de sa voix, était-elle réelle ? Ou n’était-elle que joué ? Pour en avoir le cœur net, la canadienne retira lentement ses bras et releva la tête. Son regard se posa sur le jeune homme qu’elle avait dérangé et elle eu un léger mouvement de recul en le voyant aussi près.

« N … non. C …ça va » bafouilla-t-elle finalement avant de baisser le regard, honteuse.

Sa réaction avait été excessive. Excessive et puérile. Elle venait de montrer sa faiblesse à un homme. Celui-ci avait maintenant une très bonne raison de se foutre de sa gueule. Oui, c’est ça. Il allait rigoler, se moquer d’elle. Il allait surement la ridiculiser en public. Et c’était la dernière chose qu’Alys voulait. Il fallait qu’elle réagisse, maintenant et vite.

Alors, fronçant légèrement les sourcils, elle se releva vivement. Se dressant, elle ignora la différence de taille entre elle et l’inconnu et, se dirigeant vers lui, elle le poussa contre la rambarde. Regard dur, muscles de mâchoire serrés, lèvres pincées, elle le maintint contre la rambarde, s’étonnant elle-même de la force qu’elle avait réussi déployé. Mais cette force disparaitra bien rapidement. Elle devait donc se dépêcher avant qu’elle ne faiblisse.

« Tu racontes ça à personne, comprit ? » grogna-t-elle froidement, fixant durement les pupilles vertes de son interlocuteur.

Elle accentua d’avantage la pression de son avant bras sur le torse de l’inconnu puis le relâcha vivement en expirant l’air emmagasiné dans ses poumons. Sans le quitter des yeux, elle descendit le reste de l’escalier à reculons, observant le jeune homme, se demandant s’il allait réagir ou non.

Lorsque ce jeune commence à répondre sèchement à Alys, celle-ci a du mal à retenir un rire. Est-ce qu´il avait conscience qu´il faisait pitié ce gamin? Sérieux. Ses propos n´étaient aucunement fondé. La canadienne l´avait juste pousser contre la rembarde. Elle avait juste tenté de lui faire comprendre qu´elle ne voulait pas qu´il raconte cette mésaventure à quiconque serait curieux. Elle vait déjà honte de s´être montré aussi faible devant un inconnu que celui-ci n´avait pas besoin d´en rajouter une couche. Sauf que lui ne lé ntendait pas de la même manière.

Après l´avoir poussé - Alys s´était rattraper d´urgence pour ne pas se rétamer une deuxième fois- il commença à lui hurler dessus. Il pensait ainsi se montrer intelligent et grand, fait est qu´il lui faisait tellement plus penser à son frère. Autant physiquement: James était aussi grand, mince et avait, à l´instar de ce jeunot-là, les cheveux bouclés. Ils semblaient aussi avoir le même caractère je m´en foutiste et dur à cuir. La différence résidait surtout dans le regard- tandis que celui de l´inconnu vert, celui de son frère était bleu- et l´âge: celui qu´elle avait poussé semblait avoir le même âge qu´elle. Enfin. Quoiqu´il en soit, Alys savait se défendre face à ce genre de gaillard qui se croient tout permis. Elle s´était laissé battre par son père, mais elle n´avait pas hésiter à utiliser son frère comme punshing ball.

"c´est ça, casse-toi" lança-t-elle en se redressant, poings serré.

Elle grinça les dents lorsque l´inconnu l´ignora. L´injuriant entre ses dents, elle se baissa et enleva ses chaussures. Elle n´allait tout de même pas se laisser ignorer par cet enfoiré. Se redressant, elle balança, en hurlant, sa première chaussure vers le jeune homme. Son lancé n´avait, certes, pas atteint sa cible, mais avait au moin provoquer une réaction chez elle. L´inconnu, après s´être immobilisé, s´était retourné vers Alys. Soutenant son regard, la jeune canadienne fît un pas vers l´avant.

"je t´ai demandé de ne rien dire" reprit-elle sur un ton quelque peu plus doux "ce n´est pas sans raison ..." reprit-elle en soupirant doucement, rabaissant la main qui tenait sa deuxième chaussure "dit-moi juste si oui ou non tu comptes parler de ça à toutes tes connaissances. Histoire que je me prépare un minimum ..."

Son regard dur, contrastait avec l´incertitude dans sa voix. Elle avait tout foiré. De sa manière à se protéger alors qu´elle était aux pieds de l´homme, à son agression contre ce même inconnu, en passant par le fait de lui avoir jeter sa chaussure dessus. La première impression est toujours la bonne dit-on. Yeah.

La journée avait bien commencé. Correctement en tout cas. Logan avait prit un bon petit déj' ce matin, comme d'habitude en fait, puis était monté au quatrième pour parler avec son conseiller d'orientation, Aidan. Il n'avait pas rendez-vous, mais avait voulu lui poser quelques questions qui lui étaient venues hier, au sujet du stage. Mais là n'était pas la question, il devait passer la journée avec Alexander parce que ce pauvre chou, avec un pied dans le plâtre, allait finir timbré de ne rien pouvoir faire. En fin de matinée, il sortit du Centre dans l'intention de rejoindre son amant chez lui. Mais à peine avait-il marché une petite centaine de mètres qu'il se rendit compte d'un détail qui allait changer sa vie. Ou pas. En fait, il avait oublié son paquet de clope. Sur sa table de chevet. Dans sa chambre. Au troisième étage du centre. Après un profond soupir et quelques injures qui firent se retourner deux passants, il fit demi tour sans attendre.

Il avait déjà assez perdu de temps, et s'il traînait trop, le kiné allait encore trouver cette excuse parfaite pour gueuler un coup. Et Logan devra donc prendre sur lui pour pas répliquer. C'était la première semaine avec le plâtre, et Alex était insupportable. Un miracle que James, justement, arrive à le supporter, même un peu. Ce fût sur ces pensées qui l'échauffaient déjà que l'ancien taulard entendit plus haut dans l'escalier des paroles. Pas tendres. Une voix d'homme, visiblement en colère, qui s'adressait à une femme, une "nana" en tout les cas. Il perçu aussi la fin de la tirade et fronça les sourcils. Ça ne rimait à rien tout ça. Mais alors qu'il avait d'ors et déjà décidé de ne pas s'en mêler, il perçu une voix bien connue, au moment d'ailleurs où il pût enfin voir la scène.

Alys aux prises avec un homme, jeune homme, garçon. Un gamin quoi. Il devait même avoir le même âge que la jeune fille. De plus, celui-ci avait l'avantage car il la maintenait contre le mur, par le col. Sans plus réfléchir, Logan grimpa les dernières marches d'escalier pour attraper le gars par l'épaule et le faire lâcher Alys. Il recula de plusieurs pas, l'ancien taulard n'ayant pas tout à fait maîtrisé sa force — comme s'il en avait eu envie après tout. Il resta entre les deux jeunes, de profil, de manière à pouvoir les observer tous les deux rien qu'en bougeant la tête. Pour le moment, il avait un bras devant la jeune canadienne pour lui signifier à la fois de ne pas essayer de répliquer mais aussi pour la protéger, son regard dur fixé cependant sur le jeune homme

— Non mais ça va bien oui ! Vous êtes complèt'ment barges ou quoi ? s'exclama-t-il, un tant soit peu sur les nerfs, avant de tourner les yeux sur Alys puis de revenir sur l'autre jeune. On s'calme illico les mioches. Si vous voulez vous friter c'est dehors pigé ?

Il était interdit d'agresser verbalement ou physiquement quelqu'un au Centre. Si on vous prenait la main dans le sac, c'était un avertissement, au mieux, au pire, un renvoi. Logan n'allait pas les laisser se battre comme des chiffonniers, surtout parce qu'Alys était impliquée. Elle disait vouloir devenir plus forte et indépendante, mais pour le coup, il semblait à James qu'elle avait un peu cherché. Peut-être pas dans ce but-là, mais elle n'était pas innocente. Cependant, l'autre aurait pu ne pas répondre. C'était pas le boulot de l'ex-taulard de jouer au baby-sitter, ils devaient savoir se tenir ces gamins. La rue peut être éprouvante, mais y'a des règles au Centre, alors on y est, on les respecte.

Alys s´était attendut à n´importe quelle réaction de la part de cet inconnu. Allant de la simple bousculade, à l´engueulade, en passant par le plaquage contre le mur. Mais elle avait tellement espéré que le jeune homme ne choisisse pas cette dernière option, qu´elle fût prise de court lorsqu´elle se retrouva plaqué contre le mur.L´inconnu était d´ailleurs bien trop près d´elle, à son goût. Mais elle ne se laissa rien paraitre et supporta même les injures du plus grand.

Il se donnait de sairs de dur à cuir, mais ce n´état qu´un minable. Son acte était minable. Ses paroles étaient minable. Sa coiffure était minable. Toute sa personne était minable. De la tête aux pieds. D´ailleurs, même son haleine était minable: elle avait l´odeur des lendemain de soirées bien trop arosées, que même 36 000 tonnes de dentifrices à la menthe ne pouvait cacher. Une odeur capiteuse et tellement désagréable.

"C´est ça p´tit con. grogna-t-elle "Attaque-toi à moi. C´est tellement plus viril de mesurer sa force sur quelqu´un de ..."

Elle se tu brusquement. Cet inconnu venait de resserer son emprise sur son col, lui coupant à moitié la respiration. Grimaçant, elle ferma les yeux, prit plusieurs grandes inspirations, puis les rouvrit.

"T´es qu´un enfoiré" dit-elle en lui agripant les poignets "Lâche- moi putain !!" cria-t-elle tandis qu´elle enfonçait ses ongles dans la chaire de l´avant bras qui l´agripait toujours.

Et finalement, il la lâcha. Soulagée et fière de son coup, Alys s´apprêtait à lui rendre la monnaie de sa pièce, mais une autre main la retenait. Puis une voix retenti. Grave et forte, Alys n´eut aucun mal à reconnaitre Logan. Tout d´abord étonné, puis soulagé, elle senti toutefois rapidement, une vague de rage monter en elle.

"Putain ! mais qu´est-ce vous avez tous à m´r´tenir !" aboya-t-elle, ne contenant aucunement sa rage "Lâche-moi Logan. Tout d´suite !"

Elle tenta de repousser son bras, mais le canadien était plus fort qu´elle. Donc, elle n´avait pas d´autre solution. Dans un cris de rage, elle envoya son pied droit avec une violence non contenue contre le genou de son sauveur. Effet de suprise ou de douleur, peu importe: Logan eu un moment de latence. Alys en profita donc pour lui filer entre les doigts.

Après avoir descendut les escaliers en trombe, elle s´immobilisa et lança un coup d´oeil vers l´arrière. Elle détailla, pendant quelques instant les deux hommes, puis se détourna et, pieds nus, sorti du hall dans la rue.