Aujourd'hui, Katheryn n'est pas en grande forme. Elle n'est pas malade, elle n'a pas de virus de saison ou quoi. A qui veut l'entendre, elle dit qu'elle est fatiguée, qu'elle a été prise d'insomnie ou qu'elle a une migraine, mais la vérité, c'est qu'elle a un peu abusé des mojitos la nuit dernière. Ce matin, elle a mal aux cheveux. Il est rare qu'elle fasse la fête comme ça en plein milieu de semaine mais parfois, une chose en entraînant une autre, elle se retrouve à passer la porte de son appartement à trois heures du matin sans même se souvenir de comment elle a fait pour rentrer. Après avoir dormi quelques courtes heures, elle se lève non sans difficultés pour prendre une douche glaciale dans l'espoir de se donner un coup de fouet. La journée s'annonce difficile mais elle va tenir le coup, parce qu'on a besoin d'elle et qu'elle n'a pas envie de laisser tomber ses collègues ou ses patients. Ils ont besoin d'elle, et elle aussi elle a besoin d'eux. C'est sa principale motivation, même un jour de gueule de bois.

Se faxant dans un jean elle enfile une tunique à manches longues sous un gilet avant d'enrouler une écharpe autour de son cou et de s'enfermer dans un manteau noir. La luminosité est forte dehors. Tellement qu'elle fixe ses lunettes de soleil sur son nez pour agresser au minimum ses yeux. Elle choppe le tram et s'assoit sur un siège libre, même si elle descend trois arrêts plus tard. Elle traîne des pieds, mais pas par manque de motivation, elle a juste l'air d'un pneu crevé. Un zombie. Plus jamais elle ne boira d'alcool. Jusqu'à la prochaine soirée, en tout cas.

Arrivée au bureau, elle regarde son agenda. Son premier rendez-vous n'aura pas lieu avant une heure, avec Ash, le petit rigolo. Depuis qu'il est là, elle n'a pas réussi à lui tirer les vers du nez, mais elle ne désespère pas. Elle est persuadée que son attitude est liée à un malaise. Il ne se sent peut-être pas assez en confiance avec elle, ou alors peut-être que c'est sa méthode qui bug quelque part. Depuis septembre, elle en a essayé plusieurs, mais à chaque fois, Ash préfère faire l'idiot que se confier. Au moins Katheryn rigole, c'est déjà ça. Ce n'est pas comme s'il restait complètement silencieux. Mais l'objectif des séances, c'est qu'il parle de lui, pas qu'il joue au clown.

Les coudes posés sur son bureau et la tête entre les mains, elle attend que son doliprane atténue son mal de crâne. Mais pas de chance, on ne se sépare pas d'une gueule de bois comme ça. Elle geint quand elle entend frapper à sa porte. Ne pouvant pas crier pour l'inviter à entrer, elle se lève pour ouvrir elle-même la porte, dans un sourire qui n'arrive pas à camoufler sa sale tête. Et puis, connaissant Ash, il est évident qu'elle va avoir droit à quelques vannes de sa part.

« Bonjour Ash, quelle ponctualité ! »

Ash se fait royalement chier. Comme tous les matins, il tourne en rond. Là, il a rendez vous avec la thérapeute qu’il a choisi de suivre. C’est stratégique. L’un ressemble à monsieur Parfait tandis que l’autre lui donne des frissons, une sorte du remake du père Noël, alors que la dernière, est une jeune femme très charmante. Forcément, ça lui donne d’avantage envie ! Il sait qu’il ne devrait pas choisir de cette manière mais Ash s’en moque royalement, de toute manière. Depuis qu’il a un toit où dormir, avouons-le, il a repris le poil de la bête ! Il n’en oublie rien, c’est certain mais se sent plus « lui-même » et moins un sauvage qui trime pour se nourrir. Il a repris du poids, ressemble à nouveau à une personne normale disons. Mise à part son manque évident de fringues. Par moment, il lui arrive encore d’en voler, car l’idée de porter ceux mis à disposition ne lui fait franchement pas envie. Il a une certaine fierté malgré tout et Ash préfère voler des sous-vêtements dans des supermarchés que porter ceux des autres… !

Pour l’instant, il a eu l’occasion de rencontrer des conseillers d’orientation. Il n’a toujours pas d’idées de ce qu’il pourrait faire. Il ne sait pas s’il veut se lancer dans une formation. Faut dire qu’il n’a pas énormément de diplômes, à part le strict minimum. C’est probablement pour ça mais également à cause de son manque de logement à l’époque qu’il n’a pas vraiment réussi à s’en sortir. C’est quelque chose à envisager. Il n’en est pas là pour le moment et Ash se prépare pour aller déjeuné avant de rejoindre le bureau de Mrs Lewis. Il n’a aucune idée de ce qu’il pourra bien lui dire, une séance de plus pour rien. Ash ne se sent pas de se confier, pour tout dire, il ne sait pas si ça sert à grand-chose de se plaindre à quelqu’un de son passé. C’est ridicule. Il n’a jamais été quelqu’un comme ça, et c’est probablement ce qui coince.

Le jeune homme toque plusieurs fois, l’air enjoué avant d’entrer, son regard se pose sur la jeune femme, qui, n’a certainement pas l’air de péter la forme pour tout dire. En fait, elle a la tronche de quelqu’un qui vit mal un lendemain de soirée. Cette image lui arrache un sourire taquin, qui ne vaut rien de bon. Il parle d’ailleurs plus fort pour lui répondre :

Bonjour !

Lance-t-il avant d’ajouter, en venant s’installer sur une chaise.

Je sais pas comment ils ont pu vous laisser entrer dans cet établissement franchement XD C’est quoi cette tronche ?

Il se marre, dindon.

Alors on a dansé la rabiata toute la nuit ou quoi (aa) ?

Katheryn regrette franchement le - ou plutôt les - verre de trop de la veille. Le problème, c'est que quand elle s'amuse, elle ne sait pas s'arrêter. Même en s'imposant en début de soirée de rester raisonnable et de rentrer à minuit pour dormir tranquillement, elle est incapable de quitter une fête qui bat son plein, même si elle sait que le lendemain sera difficile. Mais voilà, elle est jeune, elle profite de la vie...Elle ne fait rien de mal ! Et puis, même si elle est fatiguée le lendemain, au moins, elle a passé une bonne soirée et elle assume son boulot. Avec quelques difficultés, certes, mais il n'empêche qu'elle ne le néglige pas. Elle est à un âge où elle peut toujours se le permettre. D'ici quelques années, ce sera déjà plus difficile, alors elle en profite tant qu'elle le peut encore.

Certes, elle n'est pas au top de sa forme, mais elle se sent capable d'assurer ses rendez-vous. Il faut juste qu'elle se réveille bien comme il faut. Malgré la douche froide, elle reste un peu endormie, mais ça devrait passer rapidement. Surtout en sachant que c'est Ash son premier rendez-vous de la journée. Elle sait d'avance qu'il ne loupera pas le détail et qu'il ne manquera pas de lui faire remarquer. Heureusement, elle sait faire preuve d'auto-dérision. Elle vient ouvrir la porte elle-même, pour ne pas avoir à crier, mais Ash semble remarquer d'emblée sa tête de lendemain de soirée. Elle le soupçonne de faire exprès de parler plus fort, d'ailleurs. Elle grimace, mais garde le sourire, même si là, la seule envie qu'elle a c'est de le bâillonner. Elle décroche quand même un rire en l'entendant. Il faut avouer qu'il est marrant, quand même.

« Je ne répondrais qu'en présence de mon avocat (a) »

Répond-t-elle simplement en refermant la porte, une fois que son patient est entré. Il connait le chemin maintenant, il est déjà assit sur une chaise.

« Et si on parlait de vous plutôt ? Comment ça va aujourd'hui ? »

Il est difficile de devenir matinal dans de pareilles conditions… Depuis peu, le jeune homme dort beaucoup mieux, n’est plus réveillé par les bruits de la vie dans la rue. Il a rattrapé énormément de sommeil, est tout à fait tranquille dans sa chambre pour tout dire. Seulement, il sait qu’il n’est pas là pour faire des grasses matinées. De toute manière, il a rendez vous bien rapidement avec sa thérapeute. Il sait qu’il ne se confiera pas, que c’est probablement quelque chose d’inutile mais il faut bien qu’il y aille. C’est un passage obligé. Pour le moment, il ne le sent pas tout simplement. Balancer ce qu’il a au fond de lui, Ash n’en est pas encore capable. De toute manière, en voyant la tronche de sa thérapeute, Ash ne peut que se marrer. Il ne dit rien, tout de suite, il se contente de parler fort. Il sait que ça la rendra dingue à l’intérieur. Lui-même ne supporte pas le bruit lorsqu’il boit un peu trop la veille. Ensuite, il se permet quelques remarques. C’est une perche qu’elle lui tend et à en voir sa grimace, Ash arbore un sourire.

De toute façon votre tête vous trahi (a)

Rajoute Ash dans un rire, il se pose sur la chaise, toujours la même d’ailleurs. Ses mains se posent sur ses cuisses, en relevant les yeux vers la thérapeute. Elle cherche à relancer la conversation autour de son patient, ce qui est normal ! Il arbore un sourire amusé, en hochant la tête.

Ben ouais ça roule. C’est bientôt la fin du monde, ça vous inspire ? Vous n’avez pas envie de faire des folies genre puisque tout va s’écrouler ? Genre, j’sais pas, rouler une pelle au big boss, se promener à poil dans la rue, invoquer les morts, faire un feu de camp dans votre bureau, danser la valse ? XD

Demande le jeune homme l’air sérieux avant d’arborer finalement un sourire. Tout ça pour éviter de parler.

Avoir rendez-vous avec Ash de bon matin n'est pas un exercice des plus faciles, en général, mais encore moins après une soirée comme celle de la veille. Il lui donne du fil à retordre et saute sur n'importe quel prétexte pour éviter de parler de lui. Depuis qu'il est au centre, elle n'a pas réussi à lui tirer grand chose comme informations. Elle n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi il a choisi de faire sa thérapie avec elle s'il ne se prête pas sérieusement à l'exercice. Il faudra bien qu'un jour il se confie, elle ne peut pas s'amuser à perdre son temps de cette manière, il lui faut des résultats, ça fait partie du programme du centre. Mais qu'importe la méthode qu'elle utilise, il a l'air bien plus malin qu'elle. Il contourne sans arrêt. Mais d'un côté, elle le trouve attachant. Il la fait rire en faisant le clown. Elle sait que c'est une diversion, mais elle ne perd pas espoir. Croisant les bras, elle pose une question simple à son patient. Elle lui demande simplement comment il va mais celui-ci se met à parler de la fin du monde à lui proposer tout un tas de choses un peu folles à faire avant la fin de la semaine. Elle se met à rire, se demandant bien jusqu'où il va pour trouver tout ça.

« J'y crois pas vraiment, et vous ? »

Elle lui retourne la question. Puisqu'il n'a pas envie de parler, autant le suivre. Elle sait que le forcer ne mènera à rien, alors autant avoir une conversation, un débat sur la fin du monde, pourquoi pas ! Au moins, pendant ce temps là, il parle, même si ce n'est pas de lui.

« Et vous, vous comptez mettre quoi sur votre "to do list" avant la fin du monde ? Vous pensez qu'on réussira à mener une séance de thérapie sérieusement avant ce jour fatidique ? »

Lui demande-t-elle d'un air taquin. Certes, elle rigole bien quand il lui sort tout plein de conneries, mais d'un côté, son travail sur lui n'avance pas du tout. Elle est là pour l'aider à aller mieux et lui, il ne fait pas d'effort. C'est frustrant.

Ash a beau être quelqu’un de très sociable, ouvert, il a toujours eu du mal à se confier plus intimement. Probablement parce qu’il n’a jamais été habitué à le faire, qu’on ne cherchait jamais à savoir ce qui se tramait dans sa tête depuis sa tendre enfance. C’est une attitude qu’il adopte sans vraiment la contrôler, c’est ainsi qu’il est. Ash ne voit pas l’intérêt de se complaire dans son malheur, de le crier sous les toits. Lorsque quelque chose ne va pas, en général, il le garde pour lui, et finit par l’enfoncer en lui, pour ne pas que ça ressurgisse un jour. Et puis, il n’a jamais été aussi proche de quelqu’un pour pouvoir se confier. Il a toujours été très entouré, c’est sûr, mais il s’agissait de potes, personnes avec qui il s’amusait uniquement, dans les bons moments. Alors depuis son entrée au Centre, Ash n’est pas franchement coopératif aux séances avec sa thérapeute. Dans le bureau, il fait une fois de plus preuve d’humour, et lorsqu’elle en vient à tourner la conversation autour de lui, Ash plaisante quant au fait d’une éventuelle fin du monde.

Nan, c’est des conneries je pense. Enfin si c’est pas le cas, on aura l’air cons.

Commente Ash dans un sourire amusé. Oui, il est bien lancé dans sa connerie de fin du monde, il lui propose quelques trucs à faire, des petites folies puisque le monde semble être bien parti pour s’écrouler. La thérapeute lui demande à son tour ce qu’il souhaiterait mettre dans sa « to do list » avant de mourir.

Il reste plus beaucoup de jours, je sais pas… !

Souffle le jeune homme en ajoutant pour répondre enfin :

J’ai déjà fais plein de trucs chouettes sans avoir de thune mais si j’étais riche avant la fin du monde j’en ferais d’avantage XD

Katheryn n'arrive plus à être surprise des feintes du jeune homme. En fait, c'est même devenu une habitude, elle sait d'avance que chaque question qu'elle va lui poser sera prétexte à dévier la conversation sur autre chose. Elle peut difficilement le forcer à parler. Alors elle tente d'obtenir quand même des informations, espérant parfois qu'il se confie un peu même sans le vouloir, mais jusqu'ici, ce n'est pas vraiment arrivé. Elle pèche quelques informations, par ci, par là, mais ce n'est pas suffisant. Il faudra bien qu'un jour il se mette au travail. Qu'il y voit une utilité et surtout qu'il y voit le bien que ça pourrait lui faire. C'est ainsi qu'elle se retrouve à parler de la fin du monde. Grosse blague ou vérité, ils verront bien, c'est dans quelques jours. Elle, elle n'y croit pas vraiment. Ce n'est pas la première fois qu'on annonce la fin du monde et ils sont toujours là.

« Si ça arrive vraiment, je pense qu'on aura pas vraiment le temps de s'en rendre compte ! »

Suppose-t-elle. Même si elle n'y croit pas vraiment, elle imagine que si ça devait arriver, ce serait du genre brutal. La panique ou l'instinct de survie prenant le dessus, peut-être bien qu'ils n'auront pas le temps de se rendre vraiment compte d'à quel point ils peuvent bien avoir l'air con de n'avoir pas cru à l'annonce.

« Pleins de trucs chouettes ? Comme quoi ? »

Demande-t-elle plus par curiosité personnelle que thérapeutique. En même temps, même si elle sort quelques minutes de son rôle de thérapeute, elle imagine que ça ne changera pas grand chose. Elle l'imagine mal lui parler plus.

« Sinon, plus sérieusement. J'aimerait bien savoir un truc : pourquoi avoir décidé de suivre la thérapie avec moi si c'est pour esquiver mes questions ? »

Lâche-t-elle, intriguée. Elle aimerait juste comprendre pourquoi il reste si fermé alors qu'il l'a choisie pour être sa thérapeute. Peut-être que s'il lui répond elle y verra plus clair et pourra enfin adapter sa méthode...

Ash n’a pas été élevé ainsi. On ne lui demandait pas comment il allait, ne lui conseillait pas de parler tout simplement. Une vingtaine d’années après sa naissance, alors qu’il a toujours fonctionné d’une certaine manière, Ash n’a pas le réflexe de se faire docile et de balancer tout ce qui lui vient en tête, tout simplement. Il ne fait pas ça pour être un petit emmerdeur, en premier lieu. C’est surtout parce qu’il n’a jamais été habitué à parler, à raconter ce qui lui passe en tête. Lorsqu’il va mal, ce qui est arrivé comme tout le monde dans une vie, Ash a encaissé le coup et s’est relevé en essayant d’oublier la source de son mal être tout simplement. Du coup, il n’a pas envie de s’ennuyer avec une thérapeute et préfère raconter des conneries. Au moins, la séance passe beaucoup plus vite de cette façon la.

C’est pas faux. Enfin si c’est comme dans le film, si quand même hein !

Explique le jeune homme à sa thérapeute en se remémorant le film tout simplement en tête. Il ne sait plus comment il a fait pour voir une connerie pareille mais en tout cas espère que la fin du monde ne sera pas similaire à celle dans le film, ça avait l’air d’être le gros bordel tout simplement.

Comme heu… faire du saut à l’élastique, le tour du monde, acheter un avion ou voyager en première classe tiens ! Des trucs du genre.

Pense Ash en haussant les épaules. Il sait qu’il n’aura jamais l’occasion de faire de pareilles choses. Ash ne sera jamais riche. Finalement, la thérapeute reprend la parole pour lui demander pourquoi il avait choisit une thérapie avec elle, si ce n’est pour pas parler tout simplement.

Faire cette connerie de thérapie c’est obligatoire, et moi j’ai pas pour habitude de raconter mes deux trois frustrations quotidiennes à quelqu’un, ça ne sert à rien de remuer la merde comme on dit. Fin c’est mon avis.

Il a toujours été honnête et répond facilement aux questions si celles ci lui conviennent disons. Quand li peut se permettre de répondre aisément, Ash le fait sans problème. Son regard se pose d’ailleurs à nouveau sur la jeune femme.

Katheryn non plus n'a pas vraiment été élevée de cette manière. Son père était du genre à ne pas comprendre pourquoi il arrivait à sa fille de pleurer, pour une garçon, pour une amitié perdue, pour une frustration...Il était plutôt du genre à tout enfouir et à vouloir se montrer fort. Pour lui, pleurer, se plaindre, c'est pour les chochottes. Impossible de parler avec lui. Elle parlait avec sa mère, mais très peu, parce que celle-ci faisait face à ses propres problèmes de dépression. Et c'est en partie à cause de ça qu'elle s'est mise à fuguer tant de fois. Elle avait besoin d'attention, qu'on l'écoute, pas capable de garder toutes ces choses pour elle. Et finalement, elle a du apprendre à faire avec. Et quand son père l'a forcée à voir un psychologue pour calmer sa colère et sa tendance à fuguer sans arrêt, et une fois devant sa psychologue, muette comme une pierre, qui la regardait par dessus ses lunettes, elle n'arrivait pas à parler. Au fond d'elle, elle avait besoin de se confier, de vider son sac, mais elle n'y arrivait pas, parce que dans sa tête, il n'y avait que son père et son air de lui dire à quel point c'est pour les faibles de parler. Finalement, elle n'a fait que trois séances.

Ce sont ses études de psychologie qui lui ont un peu plus ouvert les yeux sur les bienfaits d'une thérapie, et après coup, elle a réalisé qu'elle n'était juste pas tombée sur la bonne thérapeute. C'est dans cette optique qu'elle s'est forgée, qu'elle s'est créé des méthodes de travail. Mais c'est difficile de les mettre en place quand elle se trouve en face d'une personne aussi réticente qu'Ash Teller.

« J'avoue que ce sont des bonnes idées. Vous aimez les trucs un peu extrême ? »

Demande-t-elle dans un sourire, ne retenant de sa liste presque que le saut à l'élastique parce que c'est quelque chose qu'elle aimerait bien faire, si l'occasion se présentait. Tout comme le saut en parachute. Il a de bonnes envies. La plupart des gens aimeraient braquer une banque, dévaliser les magasins ou ce genre de trucs. Malgré sa situation, Ash semble garder les pieds sur terre et la tête sur les épaules. Il n'a pas l'air d'éprouver le besoin d'être spécialement riche, alors que pourtant, il n'a rien. Kathy trouve toujours ça un peu étonnant de voir ce genre de comportement quand ceux qui ont le minimum, ne rêvent que d'en avoir d'avantage. Prise d'un élan de curiosité, la brunette demande sérieusement pourquoi Ash a décidé de faire la thérapie avec elle si c'est pour ne rien lui dire. Sa réponse ne lui en dit pas beaucoup plus sur la raison de son choix.

« C'est dommage, je trouve. Mais j''imagine que je ne peux pas vraiment vous forcer à me parler...»

Ash en est surement encore à penser que ceux qui ont réellement besoin de se faire suivre par un thérapeute sont… peut être un peu faible d’esprit disons. Il n’a jamais été éduqué de cette façon et mise à part d’un toit et d’une petite aide pour trouver un job, Ash n’a pas eu besoin de grand chose. Cette histoire de thérapie, il trouve ça stupide. Puisqu’il a été obligé de choisir un des thérapeutes dans le centre, le jeune homme a choisit la seule femme disons. Juste comme ça, sans savoir réellement. Jusqu’à maintenant Ash n’a pas à se plaindre de la thérapeute. Peut être que par la suite il risque de la trouver d’avantage ennuyante.

Y a un truc que vous kiffez dans la liste ^^ ?

Demande le jeune homme, en réaction à sa remarque sur le fait que ce sont des bonnes idées. Même si elle avait trouvé ça nul, Ash aurait continué à penser qu’il s’agissait de bonnes choses à faire avant que le monde ne s’écroule. Il ajoute alors, pour répondre à sa question :

Ouais j’aime bien, ça donne de l’adrénaline, c’est cool.

Explique le résident dans un sourire. Il aime les sports extrêmes, les trucs où l’on doit se dépasser, etc. ça le fait rêver. En attendant, ce n’est pas ici qu’il pourra en pratiquer. Tandis que la conversation devient ennuyante à mourir à son sens, il lui explique pourquoi il est ici malgré son manque de confessions. Il sourit en l’entendant dire que c’est dommage. N’est il pas son job d’essayer d’ouvrir les barrières intérieures de ses patients pour qu’ils se plaisent à se confier en toute confiance ? Il hausse les épaules en regardant autour de lui.

Nan en effet, me forcer ça ne sert à rien. J’ai pas grand chose à raconter de toute manière.

Souffle le jeune homme, en posant finalement son regard sur la porte. Ça l’ennuie soudainement tout ce sérieux.

Parler de la fin du monde, mise à part que ça n'a plus aucun rapport avec la thérapie, ça fait fait sourire Katheryn. Elle n'y a jamais vraiment cru. Pour elle, c'est juste un canular, une supercherie. Depuis des milliers d'années des scientifiques fous prévoient la fin du monde et à chaque fois rien ne se passe. La terre a échappé à tant de prédictions de fin du monde que Kathy n'arrive pas à prendre celle-ci au sérieux. Elle pense même que cette 'rumeur' a été créée pour faire du business. Des reportages, des films, des ventes de matériaux censés protéger de l'apocalypse...Des conneries pour la jolie brune, rien de plus. Cette parenthèse la fait sourire, parce qu'elle pense elle-même à la liste des choses qu'elle aimerait faire avant de crever, si jamais ça arrive. En écoutant Ash, elle réalise qu'ils ont au moins un point en commun.

« Oui, le saut à l'élastique, j'aime les activités un peu extrêmes, insolites...Les trucs un peu fous ! »

Confie-t-elle dans un sourire. Les trucs à sensation forte, elle adore. Et depuis toute petite déjà ! Dans les parcs d'attractions, elle était la première à réclamer les manèges à sensations fortes. Les montagnes russes avec de nombreux loopings restent ses attractions préférées. Mais même, en dehors de ça, elle aime les poussées d'adrénaline que peuvent lui procurer des activités un peu dangereuses. Bien sûr, elle n'y va pas non plus les yeux fermés, il y a toujours une certaine crainte que quelque chose rate. Elle n'est jamais complètement à l'aise quand il s'agit de se jeter dans le vide ou d'être suspendue à plusieurs mètres au dessus du sol. Mais elle aime vaincre sa peur, elle a l'impression d'avoir le contrôle.

Katheryn pince légèrement les lèvres. Ash lui donne vraiment du fil à retordre. Elle n'arrive à rien tirer de lui et en même temps, elle n'arrive pas à insister, parce qu'elle sait qu'il va se refermer comme une huître. Elle n'arrive pas à trouver le truc. Elle n'aime pas cette sensation d'échec qui lui pèse sur les épaules à chaque fin de séance avec lui. Elle n'avance pas, et ça l'agace. Mais comme elle vient de le dire, elle ne peut pas le forcer.

« Et sinon, la vie avec les autres résidents, ça se passe bien ? »

Ça nous fait un point commun.

Répond le jeune homme dans un sourire. Lui aussi est fan de sensations fortes… ! Tout ce qui peut apporter un minimum de sensations fortes. S’il était riche le jeune homme ferait tous les parcs d’attractions au monde par exemple. Tellement de rêves d’enfant mais Ash n’en est plus un et sait que la vie est loin d’être facile, pas dans sa situation en tout cas. Il faut qu’il se refasse une situation, une vie. Et ce Centre, c’est ce qui l’aide. Pour le moment il n’a rien trouvé à faire mais ça ne saurait tarder. Si les séances avec son conseiller d’orientation sont plus fructueuses, ce n’est absolument pas le cas avec sa thérapeute.

Heu ouais… ça se passe.

Souffle le jeune homme, blasé par la futilité des questions de la thérapeute. Certes, elle ne lui force pas à parler mais elle ne l’incite pas non plus à parler au fond. Peut-être s’y prend-t-elle mal ? Ash n’a pas tous ses diplômes… mais bon ! Il finit par hausser les épaules et reprendre la parole après avoir reposé son regard sur elle :

Bon… je sais pas quoi dire, ça vous saoule que je parle pas et on est pas là pour faire copain copain alors vaut mieux que je me casse ! Bonne journée à vous mademoiselle !

Explique le jeune homme dans un sourire, sans aucune méchanceté, jamais. Il dit ce qu’il pense tout simplement. Cette séance est une perte de temps et Ash se lève finalement pour se diriger vers la porte et en sortir sans plus tarder.

Katheryn acquiesce et rend son sourire à Ash. Ils ont un point commun. Peut-être pas le seul, mais disons que c'est le premier qu'ils se trouvent depuis le temps qu'ils passent ensemble en thérapie. Cette découverte ne fera pas avancer les choses, mais au moins, c'est agréable d'avoir quelque chose en commun avec quelqu'un. Ça ne signifie pas pour autant qu'elle passera plus de temps avec lui ou qu'elle l'invitera à se faire un saut à l'élastique. Quoi que, elle est persuadée que ça pourrait faire avancer les choses...Mais, elle n'est pas son amie, juste sa thérapeute et elle doit s'en tenir aux séances, même si c'est difficile vu la réticence du jeune homme à se plier à l'exercice. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer, depuis des mois. Mais il esquive à chaque fois. C'est déconcertant et Katheryn ne sait plus très bien quel chemin emprunter pour atteindre le but de la thérapie. Elle craint que son insistance ne bloque Ash plus qu'autre chose. Qu'il se renferme un peu plus, lui qui ne s'est jamais vraiment très ouvert à elle. Tout ce à quoi il accepte de répondre, ce sont les questions communes qui ne le concernent pas vraiment et ça l'embête tout autant qu'elle d'y répondre.

C'est dommage, pourtant, parce que Katheryn a des tas d'idées qui pourraient peut-être fonctionner, mais ce ne sont que des "peut-être" et les méthodes auxquelles elle pense ne sont pas professionnelles et rien ne dit qu'Ash serait prêt à jouer le jeu. Elle a l'impression de marcher sur des oeufs avec Ash. Elle aurait presque préféré qu'il choisisse Neal ou Peter pour ses séances de thérapie, ça lui aurait épargné tous ces doutes et tous ces échecs. Il reste encore un peu de temps avant la fin de la séance mais même Katheryn ne voit pas l'utilité des questions qu'elle lui pose. Elle tape son stylo contre sa cuisse, comme un signe nerveux, cherchant comment continuer cette conversation aussi inutile soit-elle, mais Ash la devance en prenant congé.

Gardant son sourire, même si cette fois il traduit toute la déception qu'elle ressent à l'instant, elle ne l'empêche cependant pas de partir, parce que le contraire serait contre productif. Peut-être devrait-elle en discuter avec un collègue pour obtenir un peu d'aide sur ce cas, même si "parler à un collègue" veut forcément dire "en parler avec Neal". Il est hors de question qu'elle se tourne vers Peter qui sauterai une fois de plus pour la mettre en cause, la traitant d'incapable.

« Bonne journée, Ash. N'oubliez pas la réunion collective début Janvier. On se revoit après les fêtes. »

L'informe-t-elle avant de se lever à son tour, pour contourner son bureau et y poser le peu de notes qu'elle a pu prendre pendant la séances. Son mal de tête persiste. La journée va être longue.

Fin de la scène.