All I am is all I could not mention

Aujourd'hui, Jillian avait rendez-vous avec son thérapeute, Neal Callow. Ils ont déjà eu plusieurs séances, et à vrai dire, Jill ne disait pas grand chose. Elle ne se sentait pas de déballer toute sa vie au jeune homme, même s'il s'est toujours montré gentil avec elle. Elle, elle ne veut qu'oublier son passé, mais il s'avère que c'est assez difficile en fin de compte. Quand elle se retrouve seule, ne faisant rien, elle pense à chacun de ces instants où elle a souffert. Mais elle ne pleure pas. Elle ne pleure jamais. Cela fait cinq ans déjà qu'elle n'a pas versé une larme, malgré tout ce qu'il s'est passé dans sa vie. La dernière fois, c'était lorsqu'elle a appris que sa mère l'avait abandonnée à sa naissance, parce qu'elle ne savait pas ça avant. Après cela, elle ne ressentait que de la haine, envers sa mère, envers ses camarades qui l'ont fait vivre en enfer, envers son psychiatre qui lui annoncé sa bipolarité et aussi envers elle-même, pour avoir donné son corps pour de l'argent. Mais tout ça, elle ne l'a jamais dit à Neal. Peut-être qu'elle devrait le faire un jour, peut-être que ça l'aiderait ?

La jeune femme avait passé son service au restaurant à midi, et finit vers les 14h30. Elle se retrouve au centre une demi-heure après, et se dirige vers sa chambre pour se changer. Elle prendrait sa douche plus tard. Jill va alors au couloir où se trouvent les bureaux du personnel, pour se retrouver devant celui de Neal. Elle frappe à la porte, qui était légèrement entrouverte, avant de la pousser légèrement, jetant un coup d'oeil à l'intérieur. Le thérapeute était assis à son bureau et Jill attend son autorisation pour enfin rentrer.

Bonjour.

Dit-elle, simplement, sans vraiment sourire. En même temps, elle n'est jamais d'humeur très joviale à vrai dire. Le seul moment où elle s'efforce d'afficher des petits sourires, qui lui font sûrement une tête bizarre, c'est au restaurant, ça fait partie de son job, et elle ne veut pas se retrouver sans travail à cause de son attitude. Les personnes qui la voient souvent au centre se sont sûrement habitués à ses traits, à son humeur...

**Invité** Invité

La matinée de Neal avait été chargée. Comme ils s’y attendaient, la fin de l’année est synonyme d’énorme rush. Il y a de plus en plus de résidents. Neal trouve ça plutôt logique puisque les températures baissent, et que pour beaucoup, le Centre est comme un « dernier espoir » Parmi certains de ses patients, il y en a beaucoup qui sont de véritables battants, qui s’accrochent à la vie comme des dingues et qui sont prêts à tout pour s’en sortir. C’est la mentalité que le personnel du Centre souhaite voir chez tout le monde. Lorsque l’heure de la pause arrive, Neal est plutôt ravi de pouvoir faire un petit break, se changer les idées. Ce sont toujours des entretiens assez « pesant » pour le moral qu’il a avec ses patients et de ce fait, il faut qu’il sache faire une pause par moment, ne plus penser à son job. Il s’éclipse alors une bonne heure et demie, rentre chez lui et se fait un bon petit plat, devant la télévision, s’abrutissant devant avant de reprendre la route du Centre.

Il est 14h et le jeune homme a un rendez vous dans une heure, une marge pour pouvoir étudier à nouveau le dossier de sa patiente, de ne pas perdre du temps. Elle s’appelle Jillian, il la voit depuis quelques temps déjà mais les confessions de sa patiente sont assez rares. Elle peine à lui parler mais Neal est patient et sait que ça finira par s’arranger. C’est donc sans grande surprise qu’il voit la porte s’ouvrir à 15h, dévoilant le visage de la jeune femme, sans expression joyeuse, jamais. Il se lève aussitôt pour refermer la porte derrière sa patiente et de tendre sa main pour la saluer.

Bonjour Jillian. Je vous en prie, asseyez-vous.

Souffle Neal, dans un air bienveillant, comme bien souvent. Il s’installe à nouveau derrière son bureau, une nouvelle page blanche devant lui, son regard, une fois la demoiselle assise, se pose sur elle justement.

Vous venez de finir votre service, c’est ça ?

Commence par demander Neal, puisqu’il la sait serveuse à présent. Il sourit, et ajoute, la sachant peu barvarde.
Comment vous sentez vous aujourd’hui ?

Jillian est persuadée que se retrouver dans le centre est une énorme chance qu'elle a eue. Là au moins, elle a une chambre à elle, elle se sent en sécurité. Elle n'a jamais eu de famille qui s'inquiéterait pour elle, qui lui demanderait de venir à la maison familiale le temps de se stabiliser. Elle a toujours été seule. Parler de tout ça n'a jamais été son fort. D'ailleurs, personne ne sait ce qu'elle a vécu dans sa vie. Elle n'a que 21 ans et bien des choses se sont passées. Cependant, Jill ne rate aucune séance avec son thérapeute, Neal. Il a toujours été gentil avec elle, et surtout très patient. C'est donc à 15h aujourd'hui, juste après son service, qu'elle se rend à son bureau. Elle tend la main pour le saluer, avant de reprendre la parole.

Jill...

Souffle-t-elle, lorsqu'il l'appelle Jillian. Elle n'aime pas qu'on l'appelle Jillian, elle n'aime pas son prénom. La jeune femme s'installe sur la chaise devant le bureau de Neal, avant d'acquiescer face à sa question. En effet, elle vient de finir son service. Elle ne voit pas cependant pourquoi elle ferait un discours sur cela. Le thérapeute lui pose ensuite une deuxième question. Jill hausse légèrement les épaules avant de répondre.

Comme d'habitude. Normale.

Répond-elle, en relevant la tête posant son regard sur Neal. Toujours ce regard qui veut à tout prix être fort, alors qu'une grande tristesse était à l'intérieur de Jillian.

**Invité** Invité

Neal est là depuis un bon moment déjà. Il se prépare dans son bureau, attend sa patiente, Jillian. Ce n’est pas une jeune femme qui se confie facilement. En fait, jusqu’à maintenant, ça n’a pas donné grand-chose. Neal ne désespère pas mais pour que cela se fasse, il ne doit pas être le seul à donner du sien. Sans volonté de sa part, Neal ne peut pas aller bien loin. Il espère, comme à chaque fois qu’il attend, que la résidente se fera plus coopérative. Lorsqu’elle débarque, le jeune homme s’avance pour lui serrer la main, d’une manière professionnelle mais chaleureuse. Il ferme doucement la porte derrière elle, après qu’elle ait corrigé sa manière de l’appeler.

D'accord, Jill.

Répond le jeune homme en s’asseyant à son tour. Il voit bien l’attitude peu chaleureuse de la demoiselle et Neal y est habitué. Tant qu’elle ne lui manque pas de respect bien évidemment, ça peut être supportable. Il l’interroge sur la fin de son service. Jill acquiesce sans ajouter quoi que ce soit, ce qui pousse Neal à reprendre la parole pour lui demander comment elle se sent. Sa réponse le laisse perplexe puisqu’elle a l’air tout sauf d’aller bien en vérité.

Je vous l’ai déjà dis mais… vous savez je ne suis pas votre ennemi. Et je ne désespère pas non plus mais je doute que ce soit très intéressant pour vous, et pour moi, qu’on passe la séance à se regarder dans le blanc des yeux vous ne pensez pas ?

L’interroge gentiment Neal, en ajoutant :

Jill, il n’y a pas quelque chose dont vous aimerez me parler ?

Jill est venue au centre aux premières semaines de son ouverture, le 31 Janvier. Cela fait presque un an, donc. Elle ne peut pas se plaindre. Certes, elle ne s'est pas fait un groupe d'amis avec qui elle sort tout le temps et rigole à en pleurer, mais il y a bien des personnes avec qui elle s'entend bien, avec qui elle essaie de plus en plus de se lâcher. Elle n'est pas vraiment habituée à cela. Les quelques 'amis' qu'elle avait au lycée l'ont laissée tomber après avoir appris sa bipolarité. Ils devaient peut-être avoir peur qu'elle leur fasse du mal. Depuis, Jill n'a pas vraiment eu de personnes avec qui partager de bons moments. Elle ne sait pas vraiment ce que bons moments veut dire en fait. Tout ce qu'elle garde de son passé sont de mauvais souvenirs.

Les séances avec Neal n'ont pas vraiment de résultats, et c'est loin d'être la faute du thérapeute, bien au contraire. Le jeune homme s'est montré très patient avec elle, au point que Jill se demande comment il peut faire ça. Mais c'est son job, quand on y pense, et il doit savoir que ce n'est pas facile pour elle, ou pour d'autres résidents, de se confier facilement. Neal reprend la parole, lui disant que ça ne servait à rien de se regarder dans le blanc des yeux. Il voulait qu'elle parle. Jill lève les yeux pour croiser son regard.

Je sais..

Souffle-t-il, lorsqu'il lui dit ne pas être son ennemi.

Je ne suis pas habituée à ça, à.. parler de moi. Je ne l'ai jamais fait.

Dit-elle, comme pour se défendre, même si elle n'avait pas de quoi. Elle ne sait pas comment faire, et surtout, elle ne se sent pas capable de lui déballer toute sa vie, là, maintenant. Ce serait trop dur pour elle. Rien que d'y penser lui faisait du mal, alors en parler... Et pourtant, elle se doit de faire un effort. Elle veut faire un effort, parce que Neal a toujours été gentil avec elle, et il faut qu'elle lui 'donne' quelque chose.

Qu'est-ce que vous voulez savoir ?

Demande-t-elle, ne sachant pas par quoi commencer..

**Invité** Invité

Neal ne désespère pas mais il faut avouer que depuis que Jillian a intégré le centre et qu’ils sont donc en séances, elles n’ont pas été franchement productives. C’est assez frustrant quelque part puisqu’il a quand même obtenu d’avantages de résultats positifs avec d’autres résidents, qui, tout comme elle, avaient du mal à s’ouvrir en premiers lieux. Il sait tout de même ce qu’il fait mais face à cet échec là, le jeune homme ne peut que remettre ses manières d’agir en question. D’ailleurs, cette fois, il se fait un peu plus direct disons. Il tient à lui faire savoir, une fois de plus, qu’il n’est pas là pour lui porter préjudice, non. C’est un service qu’il offre à la base et ses confessions ne l’aideront pas lui mais elle. Si elle souhaite se faire aider, c’est probablement le moment de parler d’avantage. Leurs regards se croisent alors tandis que Jill lui accorde le fait qu’il ait raison.

Je comprends mais il faut commencer à le faire. C’est pour vous après tout, vous avez certainement des choses sur le cœur, des choses à dire. En premier lieu, ça peut vous paraitre stupide de s’ouvrir à un inconnu mais sur le long terme, c’est toujours bénéfique.

Explique Neal, lentement et avec douceur. Il ne veut pas la brusquer, la forcer, mais au bout d’un moment il faut tout de même se lancer. Et à sa question, Neal voit bien que la résidente est complètement paumée. Ce n’est pas par curiosité qu’il est là, au fond, il n’a rien à savoir d’elle si ça ne tenait qu’à lui, dans un tout autre cadre. C’est à elle de choisir ce qu’elle souhaite dire.

En général, les gens cherchent toujours à camoufler ce qui fait mal, à l’enfoncer en soit en espérant que ça finisse par faire moins mal ou s’estomper. Ce n’est pas le cas. Ce sont nos expériences qui font ce que l’on devient et qui, souvent, ont des conséquences avec les relations que l’on peut avoir avec les gens.

Il sourit, et en vient alors aux faits :

Concrètement, et même si c’est difficile, il faut me parler de ce qui vous fait mal.

Personne ne lui avait déjà demandé ce qu'elle ressentait, ce qui lui faisait mal. Peut-être le psychiatre à l'orphelinat, mais elle n'a eu que quelques séances avec lui, à ce moment-là, elle n'avait pas encore appris que sa mère l'avait abandonnée, alors elle n'était pas aussi misérable que maintenant. Là, c'est différent. Là, elle s'est habituée à être seule, à ne parler à personne de sa vie, parce que tout le monde l'avait laissée tomber. Elle a trouvé en la personne de Mason une sorte de protecteur, elle se sent en sécurité avec lui, mais il ne sait pas vraiment tout de son passé. Tout comme Neal en fin de compte. Lui, c'est son thérapeute, et Jill devrait peut-être essayer de parler, sauf qu'elle ne sait pas commence faire. Devait-elle tout lui déballer d'un seul coup ? Elle n'en serait probablement pas capable. Elle lui dit alors qu'elle n'y est pas habituée, et comme toujours, Neal se montre très doux avec elle.

Qu'est-ce que ça change, de parler ? ça change pas le passé...

Souffle-t-elle, baissant la tête brièvement, avant de la relever et croiser encore une fois le regard de son thérapeute.

Mais je vais.. essayer.

Dit-elle, en prenant une assez longue inspiration. Neal lui demande de parler de ce qui lui fait mal. Jill se mort brièvement la lèvre. Il y avait beaucoup de choses qui lui font mal. Elle reste silencieuse pendant un moment, avant de reprendre la parole, pas très sûre d'elle sur le coup. Mais elle veut faire un effort.

Être..abandonnée. Alors que j'ai jamais rien fait de mal.

Et voilà qui est dit. Ce sera la première fois qu'elle dit ça à haute voix, et sur le moment, elle ne se sent pas vraiment débarrassée de ce poids qui la pèse depuis des années.

**Invité** Invité

Neal est simplement là pour aider. Il ne doute pas que la plupart des résidents ont un passé difficile et c’est pour cette raison que le Centre offre ce service là. Bon nombre de personnes ayant une bonne situation se retrouvent également dans le besoin de parler. Il n’y a pas besoin d’être forcément dans le besoin pour avoir des maux psychologiques disons. Sauf que là, pour ces résidents, c’est une chance, un droit qu’ils ont de pouvoir se libérer de certaines charges dans leur conscience, cœur. Il ne lâche pas l’affaire concernant Jillian, malgré le bon nombre de séances qu’ils ont passées et l’absence de réelles confessions. Il n’a pas besoin qu’elle se présente une fois de plus, il faudrait que la demoiselle fasse un effort supplémentaire pour parler et c’est ce que Neal finit gentiment par lui expliquer.

Ça ne change pas le passé c’est sûr. On ne peut retourner en arrière mais comme je l’ai dit, parler, ça sert à se libérer d’un poids. Tout garder pour soi, cette souffrance, ça fini par être destructeur.

Explique le thérapeute en hochant alors la tête lorsque Jillian lui dit qu’elle essayera. Il l’espère car sans ça, les choses n’évolueront pas. Jillian ne peut rester 10 ans ici. Cette thérapie fait partie des étapes du Centre et il faut absolument que la demoiselle n’en ressorte pas la même qu’à son arrivée. Quel est le but dans ce cas là, right ? Après quelques secondes de silence, Jillian lui explique avoir été abandonnée alors qu’elle n’a rien fait de mal. C’est la première fois en une année qu’elle lâche enfin quelque chose, et c’est un grand pas en avant.

Si c’est arrivé pendant votre enfance, je doute en effet que vous avez fait quelque chose de mal. Que s’est-il passé ?

Souffle Neal en inscrivant certaines choses sur sa feuille.

Jill a choisi de venir au centre pour pouvoir changer sa vie. Mais cela ne s'avère pas aussi facile qu'elle ne l'aurait voulu. Il y a toujours plein de haine à l'intérieur d'elle. Une haine qu'elle camoufle en restant, justement, silencieuse. Elle veut tout de même faire quelque chose de sa vie, trouver sa voie. Elle n'a jamais pu poursuivre ses études après le lycée, et elle veut trouver un domaine qui l'inspire. Cela fait un an que Jill est à Adam Hawkes, et même si elle n'a pas encore trouvé ce domaine, elle a au moins pu se trouver un job dans un restaurant agréable. Elle a aussi pu faire quelques jolies connaissances, même si elle n'est pas, ou plutôt plus, douée pour entretenir des relations sociales normales. Elle n'est plus aussi vivante qu'avant, aussi souriante. Mais elle veut changer, c'est juste que son passé ne semble pas vouloir la lâcher.

Aujourd'hui, avec Neal, et après les paroles de celui-ci, elle veut essayer de faire un effort. Elle lui explique d'abord que tout ça, c'est nouveau pour elle, parler d'elle, de ce qu'elle ressent. Personne n'a jamais donné d'importance à Jill et ses sentiments. Là, c'est différent. La jeune femme écoute attentivement les paroles de son thérapeute. Elle ne peut qu'être d'accord. Toutes ces années, elle a dû garder le tout pour elle, et ça ne l'aide pas vraiment. Certes, elle ne passe pas ses journées à pleurer, ça fait longtemps qu'elle ne l'a pas fait, mais quand il y a un moment où elle ne fait rien, les images de son passé à Oakland défilaient devant elle, sans qu'elle ne le veuille.

Ça a commencé avec mes..parents. Je ne les ai jamais connus, et j'ai appris qu'en fait, ma mère m'a abandonnée à l'hôpital où je suis née.

Répond-elle, sans quitter le regard de Neal. En la voyant comme ça, on penserait sur le champ qu'elle est très forte, que tout ça ne lui fait rien, alors qu'en réalité, elle est brisée à l'intérieur.

Je ne sais même pas si mon nom est le sien, celui de mon père, ou juste un nom qu'on m'a donnée à l'hôpital, pour m'identifier.

**Invité** Invité

Aujourd’hui, Neal pense en effet qu’il est temps de faire un pas en avant. Les mois passent, une année est passée en fait. Pour pouvoir évoluer et s’en sortir, la jeune femme se doit de faire un effort sur elle, travailler sur les choses qui la pèsent pour ne pas trainer ce fardeau avec elle tout au long de sa vie C’est très important à son sens mais Jillian ne semble pas le comprendre pour le moment. Neal lui explique clairement ce qu’il souhaite, ce qu’elle devrait faire. Se confier n’est pas une mauvaise chose et ce n’est pas pour les êtres « faibles », loin de là. Il n’y a aucun mal à demander de l’aide, à se lâcher un peu. Tout garder pour soi est bien trop malsain sur le long terme. Il espère donc au terme de cette séance que les choses auront une évolution, enfin. Neal ne peut la forcer bien évidemment mais pense à son bien être après tout. Il est ici pour l’aider. Silencieusement Neal écoute ses confessions, les note également sur le moment sans la quitter des yeux.

A quelle période avez-vous pris connaissance du fait que vous aviez été adoptée ?

Demande le jeune homme en découvrant petit à petit le passé de Jillian. Il le note une fois de plus, attendant la réponse de la demoiselle. Il n’est pas rare d’avoir des enfants adoptés. Après, il ne sait pas dans quel environnement la jeune femme a évolué par la suite, dans quelle famille s’est-elle retrouvée. C’est pour cette raison qu’il aimerait éclaircir les points d’interrogation qu’il a à présent en tête. Toujours calmement, le thérapeute reprend la parole :

Et donc parlez-moi de votre enfance, de votre famille adoptive… ? Comme cela se passait-il ?

Il l’interroge puisqu’elle semble vouloir faire un effort pour parler. Neal ne compte pas passer à côté de cela. Si elle ne souhaite pas répondre, il le comprendrait bien évidemment, libre à elle de lui confier ce qui lui souhaite.

Jill voulait commencer la nouvelle année en beauté. Elle a beaucoup changé depuis qu'elle a appris que sa mère l'a abandonnée, et encore plus lorsqu'elle a atteint le lycée, qui pour elle, était l'enfer sur Terre. Elle n'était pas la fille populaire que tout le monde aimait, encore moins la fille au style impressionnant, vu qu'elle ne mettait que ce qu'on leur donnait à l'orphelinat, ce n'est pas comme si elle avait le choix. Là au moins, grâce à l'argent qu'elle gagne au restaurant, elle peut se permettre des fois d'acheter des vêtements soldés, qu'elle aimerait porter. Enfin bref, parler des périodes désagréables de sa vie n'est pas chose facile pour elle, mais elle veut tout de même essayer. Neal a sûrement raison, il sait ce qu'il fait, et s'il lui dit que parler l'aiderait, alors elle parlera.

Lorsque j'avais 16 ans. Mais je n'ai pas été adoptée.

Dit-elle, en se mordant l'intérieur de la joue brièvement. Elle croyait que Neal savait que ce n'était pas le cas, que c'était écrit quelque part dans son dossier ou autre. Mais apparemment, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas une mauvaise chose en soit, puisque ça permet à Jill de plus parler. Au moins aujourd'hui, elle en dit plus que les autres jours.

J'ai grandi dans un orphelinat, j'ai jamais eu de famille.

Reprend-elle, en baissant brièvement la tête. A l'orphelinat, elle avait presque tout ce dont elle avait besoin. Une chambre, des vêtements, de la nourriture. Elle ne se plaignait pas. Mais comme tous ceux qui étaient avec elle, il y avait bien une chose qui manquait, c'est l'affection. L'amour de la famille. Jill n'a jamais connu ça, mais au début, elle n'en voulait à personne, elle acceptait cela. Sauf que quand elle a appris l'abandon de sa mère, elle a commencé à ressentir de la haine. Elle aurait pu être avec sa mère maintenant, et faire face à la vie toutes les deux, quelles que soient les circonstances, mais non, elle est seule maintenant et elle ne le pardonnera jamais à celle qui lui a donné naissance.

**Invité** Invité

Le jeune homme pense qu’il est temps pour Jillian de commencer à parler. Elle ne peut rester indéfiniment dans le centre. Elle ne sera pas résidente dix années et au bout de la première, bien qu’elle ait déjà une situation dans le sens où la jeune femme a trouvé un job, il faut que son suivi thérapeutique suive la même trajectoire. La demoiselle en était consciente en venant s’installer ici. Malgré la douceur du jeune homme, il faut avouer qu’il préfère se faire plus direct à présent. Neal espère que les séances évolueront plus rapidement. Se regarder sans savoir quoi dire, c’est peu constructif. Neal est ici pour la faire parler, l’aider. C’est le plus important ici. Peu importe ce qu’elle a vécu, Neal n’est pas là pour juger. Il hoche la tête en l’écoutant lui parler de son enfance, le fait qu’elle ait été abandonnée par ses parents. Ses réponses sont très courtes. Ça, Neal ne peut que le relever.

Je vois. Pouvez vous me dire ce que vous avez ressenti lorsque vous l’avez appris, à 16 ans ? Et à présent ?

Demande Neal, en la regardant dans les yeux. Il n’est pas ici pour être curieux. De savoir tous ses détails ne lui apportent rien, concrètement à lui. Il faut que la jeune femme mette des mots sur ses sentiments concernant ce qui s’est passé. Raconter les faits, c’est une bonne chose mais il faut creuser là-dessous. Le thérapeute hoche une fois de plus la tête en écoutant Jill.

Et comment ça se passait à l’orphelinat ? Vos rapports avec les autres résidents ? J’aimerais que vous parliez de ce que vous ressentez.

Explique le thérapeute, en relevant les yeux vers Jillian. Ça l’aidera à comprendre où elle en est à présent. Il ne peut pas l’aider sans un minimum de base. Et le fait que jusqu’à maintenant il ignorait tout de son passé, des épreuves qu’elle a traversé, Neal ne savait pas vers quoi s’orienter. A présent, ça semble un peu plus clair.

Jill est en train de faire un grand effort là. C'est bien la première fois qu'elle parlerait de ce qu'elle ressent à haute voix. Elle ne sait pas si ça lui fera du bien ou pas, si ça changerait quelque chose, mais elle ne perdait rien d'essayer. Elle veut sortir de ce centre avec un changement dans sa vie. Elle ne veut plus être ce qu'elle est devenue depuis quelques années. La jeune femme commence par répondre à quelques question de Neal, lui disant par la même occasion qu'elle n'a jamais été adoptée. Le thérapeute lui demande alors ce qu'elle avait ressenti en apprenant la nouvelle à 16 ans, et ce qu'elle ressent maintenant. Jill reste silencieuse pendant un moment, encore une fois. Elle pense à la journée où elle a appris que sa mère l'a abandonnée. Elle a dû pleurer pendant 24 heures, et depuis, aucune larme n'a coulé de ses yeux.

J'étais en colère... Et je le suis toujours.

Répond-elle. Sa colère n'est peut-être pas claire, puisqu'elle est silencieuse presque tout le temps, et qu'elle n'a jamais fait de mal à qui que ce soit, mais elle l'est bien, et c'est à l'intérieur d'elle. Jill n'explique pas d'avantage la nature de ses sentiments, et se contente de répondre aux questions que lui pose Neal, et elle juge déjà que c'est quelque chose d'énorme, de lui dire tout ça.

C'était normal.. Je m'entendais bien avec quelques uns, mais j'avais pas de supers potes. Après, quand j'ai appris la nouvelle, je ne passais plus autant de temps avec eux.

Reprend-elle. Elle se demande ce qu'ils sont devenus, tous ces enfants avec qui elle a grandi. Elle aurait pu se faire de meilleurs amis, elle était pleine de vie lorsqu'elle était petite, mais ce ne fut pas le cas. Peut-être que ses anciens 'camarades' ne supportaient pas de la voir toujours souriante alors qu'ils sont sans famille ? Jill n'a jamais compris pourquoi, et n'a jamais cherché à le faire.

**Invité** Invité

Neal est un jeune homme très patient. Il l’a toujours été. Cependant, face aux faits, il doit tout de même réagir. Les mois passent et il faut qu’ils obtiennent un résultat. Si ça venait uniquement de lui, la demoiselle aurait très bien pu consulter un autre thérapeute mais malgré tout, Jillian a continué de se rendre aux séances. C’est qu’au fond, il y a un désir d’évoluer et ça, Neal finit par essayer une fois de plus de lui faire comprendre. Neal cherche à creuser ce qu’il y a en dessous, en matière de sentiments à travers l’épreuve que la jeune femme à traverser. Elle lui explique avoir été abandonnée et a vécu dans un orphelinat… mais qu’a-t-elle ressenti ? Jillian lui parle donc de colère, colère qui semble toujours présente dans son esprit. Neal hoche la tête.

C’est normal de se sentir en colère vis-à-vis de ça, peut-être de l’injustice également ?

Demande Neal, pour chercher à comprendre, une fois de plus. Les réponses, plus concrètes mais tout aussi courtes de sa patiente l’aident à y voir plus clair. Il l’interroge sur la qualité de vie dans cet orphelinat. Certains n’en gardent que de mauvais souvenirs. En revanche, Jillian lui explique que c’était « normal ». Il ne sait pas ce qu’est la normalité pour la jeune femme mais hoche la tête.

Pourquoi ça ? Pourquoi vous vous êtes éloignée d’eux si vous étiez parvenue à tisser des liens avec les autres ?

L’interroge Neal, en prenant des notes.

Jill est bien consciente qu'il faudrait qu'elle parle, un jour ou l'autre. C'est pour son propre bien après tout ! Si elle quitte le centre sans s'être "guérie", ça n'aurait servie à rien en fin de compte. Si elle est venue ici c'est pour avoir un endroit où dormir, certes, mais aussi où s'épanouir, trouver sa voie et oublier son passé douloureux. Ce n'est pas facile, mais ça en vaut le coup d'essayer. Jusqu'à maintenant, la jeune femme n'a jamais dit à haute voix ce qu'elle ressentait à l'intérieur et voilà qu'elle lâche le morceau, toujours face à un thérapeute très attentif. Il lui dit même que c'est normal de se sentir en colère dans cette situation. Il comprend donc.

Oui... Elle aurait pu avorter que de me donner naissance et m'abandonner comme ça.

Dit-elle, en haussant légèrement les épaules. Elle ignore quelle était la situation de sa mère, et elle s'en moque à vrai dire. Elle se demande d'ailleurs pourquoi elle l'a portée pendant neuf mois pour la laisser tomber en fin de compte. Si elle ne voulait pas d'un enfant, elle aurait très bien pu s'en débarrasser dès qu'elle a appris qu'elle est enceinte. Ensuite, Neal lui demande pourquoi elle s'est éloignée de ses 'camarades' à l'orphelinat après avoir appris la nouvelle.

J'sais pas.. Je me suis dit que si ma propre mère m'a abandonnée, les autres finiront par le faire aussi un jour.

Répond Jill, disant exactement ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent. A vrai dire, elle ne ressent aucun bien maintenant, mais peut-être que ça finirait par venir. Après tout, elle vient de commencer à se confier.

**Invité** Invité

Le thérapeute n’a pas vécu de chose similaires, il ne pourrait concrètement pas se mettre à sa place bien évidemment mais il a également un vécu, il a vu, ressenti et étudier des choses qui lui permettent d’évaluer, de pouvoir aider. Si ce qu’il faisait était inutile, ça n’en serait pas un métier, right ? Il écoute alors les confessions de la résidente qui se font petit à petit. Le jeune homme, patient, l’écoute avec attention mais cherche à en savoir d’avantage. D’avoir plus que des faits, malgré la douleur de ceux-ci. Il lui fait comprendre que les sentiments qu’elle éprouve sont normaux. Qui ne se sentirait pas en colère… ? Bien évidemment, il ne faut pas que celle-ci la consume, la ronge. Il relève la tête en l’entendant lui parler d’adoption en haussant les épaules. Il sait que ce n’est qu’une façade, du moins il l’espère.

Vous auriez préféré ne jamais venir au monde ? Je ne vous apprends pas que la vie peut être…compliquée. Tout n’est pas soit blanc soit noir, vous voyez ?

Souffle Neal, en espérant lui faire comprendre quelque chose derrière ceci. Il ne cherche absolument pas à défendre qui que ce soit. Ce n’est pas le but de la manœuvre mais si sa mère avait eu la possibilité ou l’avait carrément fait, Jillian ne serait pas devant lui à présent. Enchainant sur l’ambiance à l’orphelinat, le jeune thérapeute écoute sa patiente se confier à lui, une nouvelle fois.

Je comprends cette peur de l’abandon mais ce qui s’est passé avec votre mère, ça n’arrivera pas avec tout le monde. Que s’est-il passé ensuite, à partir de vos seize années ?

Demande le thérapeute pour en apprendre d’avantage sur son parcours. Il sait qu’il y a quelque chose à travailler, cette peur d’être abandonnée notamment, il relève à nouveau les yeux vers sa patiente en guettant ses réponses.

Jill essaie tant bien que mal de dire ce qu'elle ressent. Elle ne sait pas si ça va changer quelque chose, si elle va se sentir mieux après, mais elle s'est enfin décidée à parler. Elle est tout de même venue au centre pour pouvoir changer sa vie. Elle n'a certes pas encore trouvé sa voie, mais au moins, elle a eu un petit job en tant que serveuse à un agréable restaurant. C'est la première fois qu'elle se sent bien en serveuse et Dieu sait le nombre de fois où elle l'a été. La jeune femme prend la parole, répondant aux question de Neal, qui se montre très compréhensif. Il a été patient avec elle pendant toute cette période et Jill ne peut qu'apprécier cela, même si elle ne le dit jamais.

Oui. Enfin.. non. Mais j'aurais préféré avoir une vie différente, normale.

Dit-elle, hésitante au début. Venir au monde est, pour elle, un cadeau tout de même. Mais voilà, comme elle vient de le dire, elle aurait aimé avoir une plus belle vie, avoir une famille, des amis qui la soutiennent, ne pas se retrouver sans sous et sans personnes vers qui se tourner à la fin. Une vie en solitaire n'est jamais agréable.

Pourtant c'est bien arrivé après. A partir de mes seize ans, c'est devenu insupportable au lycée...

Répond-elle, détournant le regard pendant un moment, avant de reposer son regard sur Neal. Allait-il lui demander des détails ? Probablement.

**Invité** Invité

La séance est différente que les autres, et c’était le moment. Il en apprend d’avantage en quelques minutes qu’en une année entière. Neal n’est pas un adepte du forcing mais la situation devenait de plus en plus gênante quelque part. Le jeune homme relève les yeux vers sa patiente qui lui parle de ses expériences passées. En particulier sa vie dans un orphelinat. La jeune femme a appris à ses seize années que sa mère l’avait abandonnée. Neal ne la juge absolument pas, bien que paradoxalement, il pense que la jeune femme avait certainement dû s’en douter auparavant si elle a vécu seize ans dans un orphelinat. Enfin, il n’évoque pas cette pensée, se contente d’écouter, de poser d’avantage de questions pour la pousser à parler de ce qu’elle ressent surtout car c’est ce qui l’intéresse le plus dans cette procédure.

Je comprends… tout le monde souhaite rentrer dans une sorte de normalité parce qu’elle est synonyme de bonheur, de stéréotype mais ce n’est pas toujours le cas. Le passé fait ce que vous devenez aujourd’hui mais c’est l’instant présent qui détermine ce que vous deviendrez.

Explique le jeune homme, calmement. Il espère qu’elle n’en vient pas à regretter d’être en vie tout simplement car c’est un cadeau que tout le monde n’a pas. Tout le monde n’est pas en bonne santé et certains, bien injustement se voient leurs jours comptés.

Pourquoi est-ce devenu insupportable ? Que s’est-il passé ?

Demande bien évidemment le thérapeute, l’air attentif.

Petit à petit, Jillian commence à se confier. Elle n'a jamais fait ça avant, du moins, pas après ses seize ans, parce que c'est à partir de là que toute sa vie a changé. Apprendre que sa mère l'a abandonnée n'a pas été une bonne nouvelle pour elle, et ça lui a fait quelque chose, elle qui croyait qu'elle s'est retrouvée à l'orphelinat parce que ses parents ont quitté la vie. D'ailleurs, la majorité de ses anciens 'camarades' étaient dans ce cas, et à ce moment, elle était jeune, elle ne pensait pas aux mauvaises choses de la vie. Depuis qu'elle a appris la nouvelle, tout a changé pour elle. Elle n'était plus aussi souriante qu'avant, et ça a eu des conséquences après, puisqu'elle a commencé à être rejetée par ses camarades, et surtout par les lycéens populaires qui pouvaient tout se permettre, et qui la traitaient de 'loser' et bien d'autres mots. C'est la bien la première fois qu'elle dit à haute voix ce qu'elle a pensé de cette époque, ce qu'elle pense de toute sa vie en fait, et comme d'habitude, Neal se montre doux dans sa manière de lui parler.

Ouais...

Souffle-t-elle, face à ce que vient de lui dire son thérapeute. Il n'a pas tort, certes, mais Jill a l'impression que son passé influence sur son futur aussi. Elle ne sait pas ce qu'elle va devenir, elle ne sait pas ce qu'elle va faire de sa vie. Heureusement au moins qu'elle est ici, au centre, pour pouvoir trouver sa voie. Si elle était toujours dans son ancienne situation, Dieu sait ce qu'elle serait devenue maintenant.

On me rejetait. J'étais pas la fille cool et populaire. 'Fin les trucs de gamins...

Et même mes "amis" ont fini par s'éloigner de moi.

Dit-elle, en mimant les guillemets. Elle s'entendait bien avec quelques camarades, qui ont fini par la laisser tomber également. Mais eux, ce n'est pas à cause de son non-popularité, mais c'est plutôt parce que son comportement avait commencé à changer à ce moment-là. C'est à partir de là que ses troubles bipolaires ont fait surface.

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