Comme tous les lundis matins, Dean accueille les postulants au Centre, et les reçoit pour un unique entretien, qui sera sans nul doute déterminant pour la suite de leur avenir. Pour certains, c’est beaucoup de pression, surtout pour celles et ceux qui prennent cette opportunité très au sérieux. Cette seconde chance n’est pas donnée à tout le monde. Le Directeur du foyer tient à s’assurer qu’il n’accueille pas le premier venu, pour la simple et bonne raison qu’il propose un programme de réhabilitation chargé, et que ce type de programme ne correspond pas forcément à tout le monde. Il faut être motivé, prêt à s’investir, à faire des efforts. Être logé, nourri, accompagné dans ses démarches, c’est un véritable luxe pour des jeunes à la rue. Et ces avantages se méritent, exactement comme tout le reste. On ne peut pas y prétendre si on n’a pas envie de s’investir un minimum. C’est une des premières valeurs qu’il tient à inculquer aux gens qui rejoignent le foyer. Parce qu’il considère que son rôle ne s’arrête pas à la réinsertion de ces gens dans la société. Il espère leur apprendre des principes, de ceux qu’ils n’ont peut-être pas pu apprendre dans la rue. Cela dit, Dean est loin de penser que ceux qu’il recueille n’ont jamais rien appris, au contraire. Ils sont, pour la plupart, bien plus mûrs et plus réalistes que la plus grande partie des gens qui peuplent ce monde.
Premier entretien de la journée, premier refus. Dean vient de rencontrer une jeune femme, seule et perdue, certes, mais surtout dépendante. A quelle drogue, il n’a pas réussi à le savoir, mais son état sautait aux yeux. Il l’a envoyée vers un tout autre type de Centre, en lui souhaitant de se rétablir. La jeune femme n’a pas franchement apprécié qu’il lui refuse l’entrée. Dean n’a pas toujours le beau rôle, il le sait, et en même temps, il n’est pas là pour ça de toute manière, et ce n’est pas quelque chose qu’il recherche à la base en faisant ce métier.
Son assistante profite du départ de la jeune femme pour pousser la porte de son bureau, et lui indiquer que son rendez-vous suivant vient d’arriver. Relevant les yeux de ses notes, Dean acquiesce dans un sourire pour lui dire qu’elle peut faire entrer le jeune homme suivant, un dénommé Wayne Monroe. Il a quelques minutes d’avance, mais le Directeur est disponible pour le recevoir sans plus tarder. En le voyant apparaître dans l’encadrement de la porte, l’homme se lève de son fauteuil, pour le saluer, mais surtout pour lui serrer la main. Il a toujours été particulièrement courtois, et ce peu importe à qui il s’adresse. C’est une question de savoir vivre.
Bonjour, entrez.
Dean esquisse un sourire chaleureux, avant d’ajouter, toujours avec politesse :
Je suis Dean Anderson, le Directeur du Centre.
Il lui tend donc la main, par-dessus son bureau.