Esther est un peu perdue, elle est au centre que depuis très peu de temps et ne se sent pas très à sa place, et quand on lui a annoncé qu'elle devait se rendre à un rendez-vous, elle se sentit mal à l'aise … L'idée de devoir s'adresser à quelqu'un, de se livrer à une personne afin de s'en sortir en trouvant une filière à choisir avec le but qu'elle a, lui fait grandement peur, surtout quand le conseiller en question est un homme, elle aurait sans doute préférée une femme, au moins elle se serait sans doute sentie plus en confiance. Cependant, ce n'est pas un choix qu'on lui a laissé, loin de là, et donc, elle doit faire avec, du coup, elle se rend à l'étage du bureau où elle doit avoir son rendez-vous, un peu stressée, elle arbore une mine assez abattue ! La seule chose qu'elle sait de ce conseiller est son identité, Aidan Callaghan, et rien d'autre malheureusement, si elle avait pu avoir le courage de demander conseil à un autre résident, elle l'aurait fait, mais bon, elle reste bien trop timide et réservée pour se livrer à une telle action.

Arrivant devant la porte, elle hésite à frapper, si ce conseiller d'orientation ne lui apportait rien au bout du compte ? Si c'était une erreur de plus à rajouter à son palmarès ? Esther prend une bouffée d'air, se calme et termine par frapper timidement à la porte, de toute façon, elle n'a plus rien à perdre, elle a vécue bien pire, et ça ne peut plus être aussi désastreux que ses expériences passées, néanmoins, elle ne parle pas, ne dit pas un mot, et attend qu'on lui donne l'autorisation d'entrer avant de le faire. Elle appréhende beaucoup ce moment, et ça depuis qu'elle sait qu'elle doit faire cette rencontre, mais bon, elle se dit que si elle veut avancer de nouveau et ne plus faire d'erreurs, elle doit s'en donner la peine et le courage.

Aidan raccroche le téléphone, plutôt content de lui. Il vient enfin de dégoter une place en tant que stagiaire dans un hôpital, pour un des résidents passionné de médecine mais sans qualifications. Un stage censé l'aider à savoir plus précisément ce qu'il lui plait, mais rien que ça ce n'est pas évident à trouver ! C'est impressionnant à quel point la plupart des gens sont réticents à aider les gens qui ont besoin de se réintégrer à la société... Comme si quelqu'un qui avait fait de la prison était forcément un fou dangereux, ou qu'un sans abri ne pouvaient pas être compétent..! Enfin, il reste tout de même des personnes plus tolérantes qui acceptent de prendre en formation ou même d'embaucher les résidents du foyer, heureusement !

Le jeune homme jette un œil à l'horloge, et constate qu'il a le temps de s'accorder une pause avant d'accueillir une nouvelle résidente en rendez vous. Il a regardé un peu son dossier en début de journée, pour le reste il préfère voir directement avec elle. C'est mieux de se fier à ce que les résidents lui racontent en rendez vous à ses yeux. Il part donc prendre un café dans la salle de repos du personnel. Il reçoit alors l'appel d'un pote qui vient aux nouvelles, alors il prend naturellement le temps de discuter un peu avec lui. Un peu trop d'ailleurs puisqu'il se rend compte quand il raccroche qu'il est déjà l'heure de son prochain rendez vous !

Aidan se dirige donc à nouveau vers son bureau, et tombe justement sur une jeune femme qui frappe à la porte. Il lui adresse un sourire amical.

Tu dois être Esther ? Je suis Aidan Callaghan, ton conseiller d'orientation. Entre je t'en prie !

Lance-t-il en ouvrant la porte, qu'il n'avait pas verrouillé, la laissant passer devant avant d'entrer à son tour dans la pièce. Il referme puis s’assoit à son bureau, le temps que la jeune femme prenne place à son tour.

Alors, ça va ? Tu t'habitues au foyer ? Demande-t-il naturellement avant d'entrer dans le vif du sujet, sachant que la demoiselle est arrivée ici récemment.

J'ai l'habitude qu'on se tu tutoie pendant mes rendez vous, mais si tu préfères qu'on se vouvoie y'a pas de problème tu me dis. Ajoute le jeune homme afin d'éviter de la mettre d'ores et déjà mal à l'aise, si possible.

Esther attend, et constate que le conseiller est en retard, elle n'ira pas se plaindre, non, ce n'est pas son genre, et à vrai dire, elle ne veut pas se mettre quelqu'un à dos ici, ce serait bête venant de sa part, aussi bête que de penser ce qu'elle pense en ce moment, mais alors qu'elle s'apprête à partir, elle entend quelqu'un venir derrière elle, et pour elle, c'est un réflexe, elle sursaute et prend peur. Tout au long de son existence dans la rue, elle a toujours été surprise de voir quelqu'un débarquer dans son dos, elle qui a toujours du vivre sur ce qu'elle avait, elle n'a jamais pu prendre confiance en ce monde si étrange à ses yeux. Cependant, elle reprend ses esprits, s'excuse d'avoir été dans le passage, alors que dans le fond elle n'est pas vraiment en tord, et rentre une fois que le conseiller lui ouvre le passage.

C'est son premier rendez-vous avec un conseiller, elle ne tient pas à se faire mal voir et attend qu'il prenne place avant de faire de même, elle le regarde, le décrit du regard, et vient la première question de Aidan. Question banale, c'est sans doute une question que le personnel du centre pose à chacun des résidents y arrivant, elle ne sait pas trop quoi répondre, elle ne connaît personne, mais une chose dont elle est certaine c'est qu'elle est mieux ici que dans les rues.

« Oui, ça va, c'est plaisant ici, on y vit bien … », dit-elle timidement avant de jouer avec les manches de son pull, elle n'est pas très à l'aise de base, et cela depuis un moment, mais elle ne peut pas le cacher, tout comme elle ne peut pas parler de son passé à n'importe qui. Elle reste donc sur la défensive et n'ajoute rien de plus, que dire de plus de toute manière, qu'elle n'a pas encore d'amis, ni même de connaissance ?

« On peut se tutoyer, ce n'est pas un problème. »

Arriver en retard lors d'un premier rendez vous, que ce soit personnel ou professionnel, ce n'est clairement pas une bonne idée, et cela ne donne pas une très bonne image de soi. Mais Aidan n'en a pas grand chose à faire. Il estime que ce n'est pas un manque de respect dans la mesure où il s'agit de seulement quelques minutes, et qu'il ne sera certainement pas en retard à chaque fois (il faut l'espérer). Et de toute manière, si quelqu'un lui fait une remarque sur ses mauvaises manières, il est assez grande gueule pour faire rétorquer qu'il fait bien ce qu'il veut, que ça plaise ou non aux autres. C'est comme ça qu'il voit les choses...

Enfin, c'est tout de même tant mieux que la résidente qui l'attend ne soit pas de mauvaise humeur à cause de ça, ce serait dommage de partir sur le mauvais pied avant même le début du rendez vous... Par contre sans le vouloir il semble la surprendre par son arrivée puisqu'elle sursaute. Elle s'excuse ensuite sans même qu'Aidan ne comprenne vraiment pourquoi. Lui qui n'a pas franchement l'habitude de demander pardon à tout bout de champ, il a régulièrement l'impression que les gens le font pour rien... Après, c'est sans doute mieux que le contraire..? Quoi qu'il en soit, il l'invite à entrer après s'être présenté, puis pénètre à son tour dans la pièce pour s'asseoir à son bureau.

Le conseiller lui demande d'abord comment elle va, naturellement, pour la mettre à l'aise essentiellement. Mais cela ne semble pas très bien fonctionner. Il espère que son manque d'assurance ne vient pas de lui..? Enfin, même si c'est le cas, il n'y peut pas grand chose finalement, c'est impossible pour lui de se montrer plus gentil ou attentionné avec quelqu'un... Il reprend tout de même la parole, puisqu'elle n'est pas là pour rien la petite !

Parfait alors. Conclu-t-il à propos du tutoiement et du fait qu'elle se sente bien ici, avant d'enchainer.

On a déjà dû t'expliquer le fonctionnement quand tu es arrivée, mais un petit rappel fait pas de mal. Donc moi je suis là pour t'aider à avoir un travail stable et qui te plait. Pour ça, on va essayé de trouver ensemble une formation qui correspondra au mieux à ce que tu as envie de faire.

Explique le jeune homme dans un léger sourire amical, comme pour lui prouver que ces rendez vous ne doivent être que positifs pour elle, et qu'il est vraiment là pour l'aider.

Du coup pour commencer, est ce que tu pourrais me dire où est ce que t'en es en ce moment ? Au niveau diplômes, et de ce que tu aimes, ou si tu as déjà une idée d'un domaine qui t'intéresserais en particulier ?

Esther a été fragilisée par les événements de sa vie, néanmoins, elle tente de se rassurer en se disant qu'elle est en sécurité dans ce bureau, avec cet homme qui n'a pas l'air d'avoir un mauvais fond, donc elle tente de se détendre, mais ne peut s'empêcher de jouer avec ses manches, c'est plus fort qu'elle … Elle l'écoute donc sans rien dire, restant silencieuse de son coté, déjà avant de faire une formation, il est vrai qu'elle doit avant tout savoir ce qui peut lui plaire, elle n'a aucune idée de ce qu'elle peut faire de sa vie maintenant, elle se focalise juste sur son objectif de sortir la tête du trou. Puis, à vrai dire, elle ne peut pas choisir n'importe quel travail, elle a tellement peur de retomber un jour devant un ancien client qui s'amuserait à se moquer d'elle, puis, ce n'est pas vraiment plaisant d'être la victime d'une rumeur fondée et vraie, du genre, cette salarié est une ancienne prostituée, ou même du style à lui demander son prix au travail ! Elle a peur de tant de choses que pour le moment, elle n'ose pas répondre à son conseiller, baissant les yeux, un peu attristée par les diverses situations qu'elle simule intérieurement, mais finalement, elle se lance, avec un petit sourire en coin.

« Quand … Quand j'étais au lycée, je voulais m'occuper d'enfants, je me suis toujours dis que de faire rire des enfants et leur apprendre des choses, c'était un beau métier, mais bon, aujourd'hui je n'ai jamais terminé mes études, et je n'ai qu'un simple diplôme que tout le monde a, donc bon, c'est pas trop à ma porté … »

Esther n'ajoute rien de plus, à vrai dire elle ne sait pas vraiment quoi ajouter, elle n'a jamais eu le temps de finir sérieusement ses études, avec les parents qu'elle avait, il lui aurait fallu un miracle pour réussir sa vie, mais bon, elle se dit que peut être certains résidents sont pires qu'elle … Toussant un peu, elle relève les yeux, la tête encore un peu inclinée vers le bas, et reprend la parole timidement.

« Mais bon, aujourd'hui, comme toujours, je n'ai que mon physique pour travailler, donc peut être qu'un simple travail de serveuse me suffirait, non ? Je n'ai pas vraiment d'idées sur le métier dans lequel j'aimerai me reconvertir, mais il faut bien faire un choix après tout ! »

Faire un choix, c'est tout ce qui lui reste maintenant, et elle n'a pas non plus l’embarras du choix, dans sa tête, seul le job de serveuse pourrait lui permettre de mieux se socialiser et réapprendre à s'affirmer comme avant.