Quand Katheryn est arrivé au centre Adam Hawkes, celui-ci était déjà ouvert depuis un peu plus de trois mois. Ses premiers patients, ils avaient déjà commencé la thérapie avec un autre thérapeute. Lorsqu'elle est arrivée, les premiers temps, elle a surtout permis de décharger son collègue, celui qui s'occupait de tous les pensionnaires, seul. Pour elle, la première séance est probablement la plus importante et elle l'a ratée avec tous les patients qu'elle a récupéré. Ce n'est que quelques mois plus tard qu'elle a eut son premier vrai patient, rien qu'à elle, qu'elle à suivi jusqu'à sa sortie du centre, il y a quelques semaines. Un moment émouvant pour elle. Ce n'était pas le premier qu'elle voyait quitter le centre, mais ça avait une saveur particulière de savoir qu'elle l'avait suivi depuis le début. Peut-être un simple soucis de fierté, personnelle ou professionnelle. Quoi qu'il en soit, à ce jour, presque tous ses patients n'ont été suivis que par elle, et ce, depuis leur arrivée.

Ces derniers temps, Katheryn a l'impression qu'il y a de nombreux nouveaux pensionnaires. Elle a l'impression d'avoir plus de rendez-vous pour des premières séances de thérapie plutôt que de suivis. Elle essaye d'équilibrer un peu son agenda pour consacrer autant de temps à tout le monde. Elle se garde toujours quelques plages de libre en semaine pour caler un rendez-vous de dernière minute et, quand elle n'en a pas, ça lui donne l'occasion de faire un peu de rangement dans son bureau, au moins !

Aujourd'hui, son agenda est bien plein. La journée s'annonce longue et fatigante, mais elle ne fait que commencer. Katheryn s'installe à peine dans son bureau qu'elle sait déjà que son premier rendez-vous de la journée s'apprête à arriver d'une minute à l'autre.

Abigail est arrivée au centre il y a bientôt un mois et sait qu'elle se doit non seulement de participer à cette réunion de groupe qui a eu lieu le 6, mais aussi prendre un rendez vous avec un thérapeute. Ne se voyant pas se confier à un homme, c'est tout naturellement que le choix de discuter avec une certaine Kathryn s'est imposé à elle. D'un autre côté, elle ne se sent de parler à personne donc bon... Même si cela fait déjà environ un mois qu'elle est là, elle reste toujours une petite enfant craintive, qui se planque d'un peu tout le monde et se méfie beaucoup, de peur de se laisser une nouvelle fois avoir. Elle sait qu'elle est crédule, naïve parfois, mais c'est comme ça, c'est dans sa nature... Elle aimerait bien changer, que l'on ne la prenne plus pour une petite fille faible, mais il y a du travail avant d'avoir un résultat satisfaisant...

Passant un peu d'eau sur son visage, elle regarde ensuite ses mains qu'elle voit trembler comme pas possible tant cela la stresse de devoir discuter avec quelqu'un qu'elle ne connaît pas sur sa situation d'avant le centre, de pourquoi/comment elle en est arrivée là. C'est une épreuve tout aussi dure que celles qu'elle a rencontré jusque là pour la petite blonde... Franchement, ça n'est pas facile ! Essuyant ses mains dans la petite serviette accrochée à côté du lavabo de la salle de bain qu'elle partage avec ce beau jeune homme qu'elle a rencontré depuis peu, elle laisse d'ailleurs son regard dérivé vers sa porte et sent ses joues rougir de honte à nouveau, rien que de penser à ce qu'il s'est passé.

La demoiselle se reprend, secoue sa petite tête blonde et souffle un bon coup. Il faut qu'elle se montre forte si elle veut montrer à sa mère que tout se passe bien pour elle, qu'elle réussira à s'en sortir seule et qu'elle n'a pas à s'inquiéter. Elle a fait en sorte de ne pas la croiser dans les couloirs du centre, tant qu'elle ne réussirait pas à dire « bonjour » correctement à une personne qu'elle ne connaît pas. Partant tout de même d'un pas décidé vers le bureau de sa thérapeute, Abigail se sent un peu moins courageuse lorsqu'elle voit la porte ouverte. Comme si elle l'attendait. Elle déglutit légèrement, tire sur sa petite jupe et frappe à la porte, sans pour autant entrer, laissant dépasser son visage dans le bureau.

En attendant son premier rendez-vous, Katheryn prépare la séance. Il n'y a pas grand chose à préparer, mais elle range un peu son bureau, sort de quoi écrire, met son téléphone en vibreur pour ne pas être dérangée durant la séance. Elle baille un bon coup pour chasser la fatigue et se détendre une bonne fois avant qu'Abigail n'arrive. Elle n'a encore jamais eut l'occasion de la voir avant aujourd'hui, elle ne sait pas à quoi elle ressemble et ne sait pratiquement rien sur elle, juste quelques informations à la volée que lui a donné Dean, suite à l'inscription de la demoiselle. Katheryn ne connait vraiment que son prénom et son âge. Mais ce n'est pas très grave. Tout ce qu'elle a besoin de savoir, c'est à Abigail de lui apprendre d'elle-même.

Assise à son bureau, Katheryn tourne la tête quand elle entend toquer timidement. La thérapeute a laissé la porte volontairement ouverte mais elle ne voit pourtant personne entrer. Elle se penche légèrement avant de voir la petite tête blonde derrière cette porte ouverte. Une jeune fille qui a l'air vraiment très timide, d'emblée. D'office, la jolie brune comprend que ça ne va pas être simple de faire parler la jeune Abigail, mais elle fera de son mieux, comme à chaque fois. Ne souhaitant pas la faire attendre plus longtemps dans le couloir, la thérapeute se lève doucement de son bureau, invitant de sa voix la plus douce, sa patiente à entrer.

« Entrez Abigail, entrez. Je ne vais pas vous manger ^^ »

Assure Katheryn en s'approchant d'elle, tout sourire. Elle plaisante pour tenter de la mettre à l'aise. Katheryn ne ferait pas de mal à une mouche, sauf si cette mouche se veut dangereuse avec elle, mais là n'est pas la question. Elle tente de détendre l'atmosphère en se montrant telle qu'elle est vraiment : douce, gentille et agréable.

« Je m'appelle Katheryn et je suis votre thérapeute. Installez-vous, mettez vous à l'aise. »

Pour Abigail, rentrer dans ce centre a été une épreuve de plus. Elle se demandait si elle se devait d'entrer là dedans, ou si c'était une mauvaise idée parce que sa mère y travaillait... Finalement, cette soirée où il faisait vraiment froid, elle s'est sentit pousser des ailes de courage et a décidé de mettre les pieds au centre. Suite à un entretien avec le directeur, Abi s'est laissé donc emporter dans ce centre et même si elle n'a pas encore rencontrer beaucoup de résidents, elle pense qu'elle va pouvoir s'en sortir...
Ce matin, Abigail avait son premier rendez vous avec sa thérapeute. C'est un peu comme si elle avait attendu le dernier moment pour aller jusqu'à elle. Elle ne se sentait pas de se confier tant elle trouvait ses expériences compliquées. Mais ici, elle n'est pas la seule à avoir passé une partie de sa vie dehors et sans doute sa psy doit elle déjà avoir entendu des choses pires que ce qu'elle voudra bien lui confier...

Déambulant dans les couloirs, la petite blonde finit par trouver la bonne pièce dont la porte est entrouverte. Tapant quelques coups timides contre le bois, elle passe sa tête dans le bureau et voit sa thérapeute : une très belle brune qui semble plutôt gentille. Lorsque celle ci la remarque, elle lui demande d'entrer, lui confirme qu'elle ne va pas la manger. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres et elle pénètre dans le bureau en se tenant bien droite ; comme si les bonnes manières que sa mère lui avait inculpé venaient de lui réapparaître en tête.

Bonjour...

Répond elle d'une petite voix en venant s'asseoir.

Vous... Vous pouvez m’appeler Abi si vous voulez.

Depuis qu'elle travaille ici, Katheryn n'a pas souvenir d'avoir eut affaire à une patiente aussi jeune qu'Abigail. Dix neuf ans, c'est tellement jeune pour passer sa vie dans la rue avant d'intégrer un centre pour sans abris. Enfin, quand on y réfléchit, il n'y a pas vraiment d'âge pour se retrouver dans la rue, mais dans l'esprit de la thérapeute, c'est peut-être moins difficile pour un "adulte" que pour un adolescent, même si, pour un adulte ça n'est pas plus facile de vivre dans ces conditions. La psychologue pense sincèrement qu'à cet âge la, c'est deux fois plus difficile d'être confronté à la vie dans la rue. Du coup, le cas de la jeune Abigail risque d'être d'autant plus intéressant, pour ne pas dire difficile. Quoi que, elle n'en sait rien en fin de compte. Elle ne peut pas savoir sans cette première séance. Elle n'a encore jamais rencontré Abigail, alors elle ne peut pas juger son cas, comme ça, par simples hypothèses.

Prête à recevoir la jeune fille, elle sourit quand celle-ci frappe à la porte sans se montrer malgré la porte ouverte. La brune l'invite tout de suite à entrer, le plus chaleureusement possible, lui expliquant qu'elle n'a pas à avoir peur ici, ajoutant une petite note d'humour, pour lui montrer qu'elle n'a vraiment rien à craindre avec elle, qu'elle n'est pas méchante. Quand la blondinette la salut, la brune répond par un sourire, acquiesçant pour lui renvoyer son bonjour puis l'invitant à s'installer, tout en se présentant.

« Très bien, Abi. »

Accepte-t-elle dans un sourire. Si sa patiente préfère qu'on l'appelle de cette manière, Katheryn n'y voit aucun soucis, au contraire, ça fait tomber les premières barrières. La brune observe sa patiente s'installer puis fait de même, face à elle, en posant son bloc note sur ses genoux.

« Souhaitez-vous que l'on se tutoie, ou que l'on se vouvoie ? C'est comme vous voulez ! »

Demande-t-elle d'un air sympathique. Avec ses patients, Katheryn aime être cette personne sympathique pour ne pas qu'ils s'en méfient mais plutôt que ça les incite à se confier à elle. Certains préfèrent qu'ils se vouvoient, d'autres préfèrent le tutoiement, et d'autres encore acceptent d'être tutoyés mais préfèrent continuer à vouvoyer la thérapeute. Katheryn souhaite avant tout que tout le monde soit à l'aise avant et pendant les séances.

« Nous allons commencer, d'accord ? Alors, Abi, est-ce que vous pouvez me parler un peu de vous ? »

Cela faisait deux ans que la petite blonde était dans les rues, depuis qu'elle avait découvert que son petit ami couchait avec une autre fille. Ne se voyant franchement pas retourner auprès de sa mère pour s'excuser juste parce qu'elle n'avait plus personne, ne voulant pas se laisser prendre en pitié, elle a donc décidé d'elle même de rester dans la rue... Heureusement pour elle, certaines personnes étaient gentilles, lui proposaient gâteaux et autres boissons et, même si ça n'était pas tout le temps, cela a égayé bon nombre de ses journées. Abigail ne pense pas pouvoir résister à son ex petit ami, mais celui ci ne s'est pour le moment pas manifester alors, elle préfère ne pas y penser. Ce qui est sur, c'est qu'elle en a des choses à dire à cette psychiatre, même si ça ne sera sans doute pas facile à lâcher.

Prenant un bon coup sa respiration, la demoiselle décide donc de frapper à la porte de sa psychologue pour ce premier rendez vous qu'elle appréhendait depuis son arrivée ici. Une fois qu'elle entend une voix lui demander d'entrer et l’appeler par son prénom, elle lui fait comprendre de suite qu'elle préfère le surnom d'Abi. Après tout, si elles doivent se voir souvent, autant que la petite blonde se sente un minimum à l'aise.
Quand elle lui offre un sourire en confirmant que désormais, c'est ainsi qu'elle l’appellera, Abigail le lui rend et vient donc s'asseoir. Puis, une question vient se poser : est ce qu'elle préfère qu'elles se tutoient ou trouve elle le vouvoiement plus adéquat ? La toute jeune femme hausse légèrement les épaules.

Je peux... Te tutoyer ?

Demande t elle alors avec un léger sourire. Le vouvoiement, ça n'a jamais été son truc. Elle n'a pas vraiment eu l'occasion de le faire ces dernières années et il lui semble que cela fait des siècles qu'elle a parler avec un de ses professeurs. Ce qui est sur, c'est qu'en voyant Katheryn, elle la considère d'avantage comme une sœur que comme une professeur. Peut être est ce une bonne chose ?
Tandis qu'Abi réfléchit un peu à tout ça, elle se fait rappeler à l'ordre par la belle brune qui lui demande si elle peut commencer à lui parler d'elle ; c'est pour ça qu'elle est là et, bien que ça ne soit pas une chose qu'elle aime faire, elle doit se lancer.

Hmmm... J'ai 19 ans... Je suis... 'Fin, j'étais dans les rues depuis deux ans. Avant que l'on me conseille de venir ici...

Explique t elle d'une voix un peu hésitante avant de regarder la brune dans les yeux, le sourire aux lèvres.

J'aime être ici.

Pour Katheryn, même si chaque résident est différent des autres, et que de ce fait les séances ne sont jamais les mêmes en fonction de ces personnes, il y a toujours quelques points similaires. Les présentations, d'abord. Avec l'expérience, elle remarque que ses patients commencent souvent à parler d'eux de la même manière, en commençant par les mêmes éléments. Le prénom - ou surnom - puis leur âge. De son côté à elle aussi, il y a toujours ces mêmes questions. C'est une sorte de 'procédure'. Un fil conducteur pour mener la séance. Des questions qui changent au fil de la conversation, en fonction des réponses. Ce sont surtout les premières séances qui se ressemblent un peu. Il y a un mélange de nervosité et de silence qui s'impose. Son rôle à elle, c'est de faire disparaître cette ambiance pesante, en mettant ses patients à l'aise. Elle est toujours très douce, très calme, dans l'espoir de les apaiser un minimum. Qu'ils ne soient pas sur la défensive.

Pour cette raison, elle leur demande toujours s'ils préfèrent qu'ils se vouvoient ou qu'ils se tutoient. Katheryn a vécu l'expérience du psy, lorsqu'elle était adolescente, et elle n'a pas aimé du tout. Elle faisait face à une femme aussi froide que les nuits d'hiver qui la vouvoyait alors qu'elle n'avait que quatorze ou quinze ans. Elle n'a jamais aimé qu'on la vouvoie avant qu'elle n'arrive dans la vingtaine. Là, elle s'est sentie assez âgée pour accepter le vouvoiement. Avant, elle n'était qu'une 'enfant'. Et puis, ce qui l'agaçait le plus, c'était les personnes à peine plus âgées qu'elle qui la vouvoyaient comme pour mettre une grosse barrière entre elles. Avec ses patients, elle ne veut pas mettre de barrière trop imposante au point de les empêcher d'avoir envie de se confier. Mais le tutoiement est déjà un bon moyen d'imposer une légère proximité. Un sourire franc se dessine sur les lèvres de la brune, ravie qu'Abi choisisse cette solution.

« Oui, absolument ! »

Katheryn gribouille quelques notes sur sa feuille blanche. Pour le moment peu de choses. Son âge, qu'elle connaissait déjà, puis toute information qui lui est offerte. Abi vit dans la rue depuis deux ans. Cette pensée attriste la thérapeute. Elle est si jeune...Creuser tout de suite risquerait d'être trop intrusif, elle se réserve ça pour un peu plus tard, voir où mène la conversation. Un nouveau sourire fend les lèvres de la jolie brune, contente de savoir que la jeune fille se plait ici. C'est un très bon début.

« C'est vrai ? Qu'est-ce qui te plaît ici ? »

Demande-t-elle, curieuse de savoir ce qui lui plaît, ce qui fait qu'elle se sente bien. Les goûts diffèrent. Certains résidents apprécient le calme, d'autres la sécurité, d'autres encore de se retrouver avec d'autres personnes aussi motivées qu'elles...Les raisons sont multiples.

Abigail se sent un peu plus à l'aise que quand elle attendait cette journée depuis sa chambre. Elle s'était presque rendue malade d'attendre cet instant, où elle devait se mettre à nue devant une personne qu'elle ne connaissait pas. Savoir qu'elle pouvait choisir et que la psychologue était une femme l'a d'avantage rassurée. Non pas qu'elle ait un soucis avec les hommes, mais elle sait qu'elle est beaucoup plus vulnérable, voir même naïve devant/avec eux. Ça n'est pas le but d'une séance de thérapie alors, autant qu'elle en parle avec quelqu'un en qui elle sait qu'elle peut avoir un minimum confiance. Et puis, il fallait que la séance soit agréable non seulement pour elle, mais aussi pour la personne qui allait devoir « l'analyser ».
Ce mot lui fait un peu peur, mais elle pense que c'est là le but de la thérapie. Voir si elle a un problème ? Pourquoi elle en est arrivée à vivre dans les rues, ou quelque chose comme ça ?...

A première vue, Katheryn semble être quelqu'un de très gentil. Elle lui demande même si elle préfère qu'elles se tutoient ou qu'elles se vouvoient. Assez surprise, Abi lui demande immédiatement si le tutoiement est possible. Heureuse de voir l'enthousiasme de sa psychologue, elle ne peut s'empêcher de lui offrir un sourire.
Abigail réfléchit alors à ce qu'elle va bien pouvoir dire à la jeune femme et ne fait donc pas attention à ce qu'elle est en train de griffonner. Commençant donc par lui donner son âge et un brin d'indices concernant son passé, comme quoi elle est dans la rue depuis deux ans.

Puis, après avoir regardé un peu autour d'elle, la petite blonde ne peut s'empêcher de lui dire qu'elle est bien ici. Et quand elle lui demande ce qu'il lui plaît au centre, Abigail rougit légèrement. Elle se demande si ce qu'elle va lui répondre est quelque chose qu'elle a le droit de dire ou non. Mais, après un nouveau regard vers ce visage souriant, elle se lance.

Je peux... Vivre comme je veux. Manger, dormir,...

Répond elle alors avant de se mordiller la lèvre inférieure.

Oh, je sais que je ne suis pas là pour profiter!... Mais ça soulage d'un poids...

Quand on vit dans la rue, se retrouver du jour au lendemain dans un centre comme celui-ci, ça demande un moment d'adaptation et ça change du tout au tout. Le mode de vie change. Katheryn n'a jamais connu cette situation, même si elle a vécu dans la rue quelques courtes périodes. C'était un choix, pour faire peur à son père et attirer son attention. Elle savait que quoi qu'il arrive, elle pouvait toujours retourner chez elle. Elle savait qu'à n'importe quelle difficulté trop insurmontable, elle pourrait retourner chez son père. Sa fierté en prendrait un coup, mais elle savait qu'elle pouvait reprendre sa vie habituelle si elle en avait envie, pas comme les autres sans-abris qu'elle a pu rencontrer qui eux, n'avaient pas le choix de vivre sous les ponts.

Elle est rassurée de voir qu'Abi se sent rien ici. Certains résidents avouent parfois se sentir un peu oppressés au début. A force d'être habitué à vivre dehors, l'enfermement peut être quelque chose d'angoissant plutôt que sécurisant. Mais déjà, Katheryn voit un point très positif à la remarque de la jeune fille. Mais elle aimerait bien en savoir un peu plus, sur elle, sur sa vie avant le centre et depuis le centre aussi. La comprendre pour pouvoir orienter ses questions le long de la séance.

« Est-ce que tu as eut le temps de rencontrer les autres résidents ? »

Lui demande-t-elle. Si ça n'a pas été déjà fait, elle l'encouragera alors à aller vers les autres, parce que ça ne peut lui faire que du bien. Leurs histoires ne sont jamais les mêmes, mais ils ont tous en commun la vie dans la rue. Ce malheureux point commun doit les rapprocher et ensemble, se motiver les uns et les autres pour mieux s'en sortir.

« Est-ce que tu veux me parler de quelque chose en particulier ? D'un épisode de ta vie, ou d'un problème que tu aimerai évoquer ? »

Abigail s'était donné le choix de vivre dans les rues de San Francisco. Si elle avait voulu, elle aurait pu retourner vivre chez ses parents après avoir vu son petit ami avec une autre ; mais elle a décidé de vivre dans la rue, parce qu'elle ne voulait pas retourner dans sa famille. Ça ne se faisait pas ! C'était comme se tourner vers un autre homme parce que le premier vous a dit non. Elle ne voulait pas voir son retour chez elle comme une solution de secours et il était donc hors de question pour elle de retourner chez elle sous prétexte qu'elle ne pouvait plus vivre avec son copain. Elle était en colère contre eux ; elle n'avait pas besoin de faire marcher des larmes et des pleurs pour se faire. Abi se disait qu'elle était une grande fille, qu'elle avait de quoi se débrouiller seule. Qu'elle en avait les moyens.

Depuis qu'elle est ici, Abigail se sent beaucoup mieux. Elle n'a toujours pas parlé à sa mère, sait qu'elle va devoir affronté ça un jour, mais sait aussi que jamais elle ne doit révéler que sa mère travaille ici. Ça n'est pas quelque chose qui presse. La preuve, toujours sans elle, elle arrive à s'en sortir au sein du centre ! Mais vaut mieux qu'elle aille vers elle, plutôt qu'elle ne la croise au détour d'un couloir et que cela fasse un scandale.
Quand elle entend la question de sa thérapeute, la petite blonde se met à penser à Axl et donc, à rougir...

Ou... Oui, quelques uns...

Répond elle, baissant les yeux avec un léger sourire. Il ne s'est pas spécialement passer quelque chose entre eux, mais elle l'a quand même vu nu ! Et rien que ça, cela la chamboule un minimum et elle pense avoir de quoi l'être.
Puis, la psychologue lui demande si elle a besoin d'évoquer un souvenir en particulier ou non.

Je... Oui... Peut être. J'étais avec quelqu'un...

Commence t elle avant de sentir sa gorge et son estomac se nouer. Il fallait que ça sorte pourtant.

Il m'a trompé... Et... Pourtant, si il revient... Je ne pense pas pouvoir... dire non...

Explique t elle en fronçant les sourcils. A lui raconter ça, Abi se sentait idiote ! ><

Katheryn peut facilement comprendre qu'une adolescente puisse avoir envie de partir de chez elle. Il y a toute une ribambelle de raisons qui peuvent la pousser à aller jusqu'au bout, quitter la maison, vivre dans la rue...Elle même a éprouvé par le passé ce besoin de s'exiler et s'est retrouvée dans la rue, parce qu'elle n'avait nulle part où aller. Elle voulait juste fuir son père, sa belle mère...Elle voulait un peu de temps, ailleurs, loin de tout ça, toute cette ignorance et toute cette colère qu'elle pouvait ressentir pour son paternel. Abi doit avoir ses raisons aussi, et ce n'est qu'une question de temps pour Katheryn pour en savoir un peu plus. Katheryn penche légèrement la tête en voyant les joues de sa patiente se rosir et ce, lorsqu'elle évoque sa rencontre avec les autres résidents.

« Et ça s'est bien passé ? Tu ne te sens pas exclue, ou de côté ? Tu arrives à t'intégrer ? »

L'intégration est probablement le plus important pour un nouveau résident. Déjà que ce n'est pas facile de débarquer dans un endroit comme celui-ci mais lorsque certains résidents ignorent les autres ou ne font pas l'effort de se montrer solidaire en leur réservant un accueil un minimum chaleureux, c'est d'autant plus compliqué. Prenant un air un peu plus sérieux, pour rentrer dans le vif du sujet, Katheryn demande à sa jeune patiente si elle souhaite parler de quelque chose en particulier, si elle souhaite aborder tout de suite la raison de sa présence ici, ou celle qui l'a poussée à se retrouver hors de chez elle. Elle ne cache pas une mine surprise quand, sans trop hésiter, la petite blonde se met à parler tout de suite. La plupart des résidents refusent de se livrer les premières séances.

En l'écoutant, elle note quelques petites choses sur sa feuille et, relevant la tête, elle se mordille la lèvre, embêtée pour Abi. Katheryn a toujours beaucoup montré de compassion, parfois tentée d'agir plus comme une amie que comme une thérapeute...Mais elle se contient. Elle reprend un air grave, sans trop montrer qu'elle a de la peine pour elle. Abi a l'air d'en avoir bavé avec ce garçon...

« Tu étais avec quelqu'un...»

Répète-t-elle en écrivant ce détail sur le papier, cherchant en même temps à creuser ce détail.

« Pourquoi pense-tu ne pas pouvoir lui dire non ? »

Abigail s'est décidée à vivre dans les rues d'elle même, suite à une fugue et par amour. Sans doute est ce la raison de fugue la plus répandue chez les adolescentes rebelles ! C'en est même presque sure en fait... Mais maintenant que cela fait presque deux ans qu'elle y est, elle se dit que ça n'était peut être un mauvais choix. Elle se trouve un minimum grandi par cette expérience et pourtant un problème subsiste... Mais elle ne lui en parle pas immédiatement ; pour le moment, c'est de son intégration qu'elle discute avec sa psychologue, qui semble vraiment quelqu'un de gentil.
Quand la question des autres résidents apparaît dans la discussion, Abi devient rouge et ce, parce qu'elle pense à Axel. Elle n'est pas a depuis longtemps, et pourtant, elle a déjà eu un rendez vous avec un des jeunes hommes du centre qu'il lui semble avoir déjà croisé quand elle était encore en couple avec Damian.

Oui... Oui, je pense !...

Quelque part, elle avait eu de la chance de partager la salle de bain avec un jeune homme aussi... Mignon et à qui, apparemment, elle plaisait. Parce que si il n'y avait pas eu cette porte ouverte, elle ne l'aurait pas surpris nu et sans doute ne l'aurait elle pas revue. Bien que très gentille, Abigail est tout de même un peu timide. Quand on commence à lui parler, elle se laisse facilement amadouer, mais elle va difficilement vers les autres.
C'est d'ailleurs de cette naïveté dont elle peut faire preuve auprès des hommes qu'elle trouve à son goût qu'elle a envie d'aborder avec Katheryn. Elle réfléchit rapidement et s'est dit que si elle lui avait parler de ça en disant « c'est une amie à moi qui », sans doute ne l'aurait elle pas cru et aurait elle fait le rapprochement... Et mentir dès la première séance est idiot. Alors, elle décide de se lancer cash sur cette question douloureuse...

Attendant la réaction de la jeune femme, elle baisse les yeux un moment puis la regarde quand elle répète sa phrase.

Je... Sans doute parce que je suis encore amoureuse de lui ?...

En amour, Katheryn n'a jamais été très douée de son côté, mais son caractère lui a évité de faire des 'bêtises' par amour. Elle a été amoureuse, quelques fois. Quelques rares fois, par rapport au nombre d'histoire qu'elle a vécu. Pas qu'elle soit une fille facile, mais elle a eut quelques histoires qui n'ont pas duré, et quelques histoires sans lendemain aussi. En fait, elle vit sa vie, et quand les sentiments s'en mêlent, elle en profite, sinon, tant pis. Elle ne fait pas partie de ses filles qui ont absolument besoin qu'on les aime pour vivre. Elle est plutôt du genre à rêver d'indépendance. Elle a vu sa mère souffrir à cause de son père mais rester là tout de même. Elle refuse de faire pareil. Elle vivante, jamais elle ne sera soumise à un homme. Elle respecte les filles prêtes à tout par amour. Elle ne comprenait pas qu'on puisse en arriver là avant de commencer comme thérapeute. Elle a apprit beaucoup de choses depuis qu'elle exerce, et cela en fait partie. Elle a finit par comprendre que ce n'était pas une forme de faiblesse ou de soumission gratuite. Les raisons sont multiples, mais elles existent.

Quand Abi commence à parler d'un garçon, Katheryn commence à comprendre. Elle fait donc partie de ses adolescente aveuglées par l'amour pour un garçon, la plupart du temps plus vieux qu'elles, qui quittent tout pour lui et qui se retrouvent à la rue, abandonnées et trop honteuses pour retourner chez elles, comme si de rien n'était. Katheryn ressent un pincement au coeur. Elle est si jeune, elle a l'air tellement fragile.

« Est-ce que tu veux bien me raconter ce qui s'est passé ? Pourquoi tu as quitté ta maison, et pourquoi tu t'es retrouvée toute seule jusqu'à ce que tu arrives au centre ? »

Demande Katheryn pour mieux comprendre. Abi lui en a dit beaucoup, déjà, mais ce n'est pas assez pour comprendre. Katheryn voit la thérapie comme un gros puzzle. La première séance, on cherche en premier les bords. On les rassemble et on les assemble les uns au autre pour avoir le contour, la trame, les bases. Les séances suivantes, elle trie les autres pièces par motifs, par couleurs, par thèmes, pour enfin les assembler à ce contour. Puis, les séances suivantes, le puzzle se complète jusqu'à se terminer. Lorsqu'il l'est enfin, ça coïncide généralement avec la fin de la thérapie et tout simplement la fin du programme au centre, leur départ...

Bien évidemment, Abigail fait partie de ces adolescentes rebelles qui ont quittés le cocon familial par amour, mais pas que. On lui avait joué un tour qu'elle croyait encore vrai. Cet homme qui l'avait aveuglé lui avait juré que ses parents lui cachaient son adoption, qu'il avait les papiers qui le prouve et qu'ils n'étaient que des menteurs. Et c'est surtout pour cette raison qu'elle est partie vivre avec lui... Elle ne sait toujours pas que c'est pas vrai, et n'y pense même plus à vrai dire... Pour le moment, la seule chose à laquelle elle pense c'est que c'est un salaud et qu'il l'a trompé. Juste qu'elle ne sait pas à quel point !
Il est vrai qu'elle s'est livrée facilement à la jeune femme... Mais elle voulait savoir si sa réaction était normale, si ça avait déjà été fait ou si elle était un cas social particulier... Elle sait aussi que beaucoup de personnes ne comprennent pas la réaction qu'elle a eu vis à vis de ses parents et que d'autres lui disent que c'est comme ça, que c'était sa période d'adolescente rebelle.

Tandis qu'elle réfléchit et qu'elle rougit devant la réponse qu'elle lui donne concernant sa bonne intégration au sein du centre, Katheryn se permet de lui poser une nouvelle question : si elle pouvait lui expliquer pourquoi est ce qu'elle a quitté sa maison et comment elle en est arrivée à se retrouver toute seule pour finalement atterrir au centre.

Je... Je suis tombée amoureuse de ce garçon... Et ça a dérapé... C'est tout...

Souffle t elle, le cœur lourd et l'estomac douloureux. Elle ne se sentait pas d'aborder ce problème là dès maintenant... Cela était encore dans son cœur comme une plaie ouverte et c'est sans doute parce qu'elle se sentait encore troublée par cette histoire qu'elle ne pouvait pas en parler ouvertement, mais aussi pour ça qu'elle ne pensait pas résister à l'arrivée de son ex petit ami au centre...