« Un repas est insipide, s’il n’est assaisonné d’un brin de folie. »

Midi et seize minutes. Elisabeth referma le dossier qu'elle était en train de lire et le repoussa violemment manquant de le faire tomber de l'autre côté du bureau. Énième refus de la journée. Comme bien trop souvent sa demande pour placer un des résident du centre dans une entreprise avait été rejetée. Soit disant que les six offres d'emploi qui avaient été publiées dans un journal local avaient toutes trouvé preneur. La conseillère d'orientation était dépitée, elle savait que c'était totalement faux, elle ne pouvait en être certaine mais elle en aurait mis sa main au feu. Les préjugés sur les sans abris la rendaient malade, c'était à croire que la plupart des employeurs étaient persuadé que les membres du centre n'étaient que des bons à rien, incapables de faire quoi que ce soit de potable.

Alors que son regard se portait sur la fenêtre, Elisabeth sentit son estomac la rappeler à l'ordre. Voilà presque vingt quatre heures qu'elle n'avait rien avalé, mise à part quelque verres d'un délicieux Merlot de 2001 qui avaient eu raison d'elle la veille.

La jeune femme décida d'aller acheter un sandwich au coin de la rue et commanda au passage deux expresso à emporter. N'ayant pas le courage de rester seule durant sa pause, Elisabeth décida d'aller prendre son repas en compagnie de Joy à la librairie.

Les deux jeunes femmes s'étaient rencontré peu après qu'Elisabeth ait commencé à travailler au centre. En effet cette dernière passait régulièrement dans sa boutique pour acheter des livres ou bien récupérer ceux qui était destinés au centre. Après plusieurs rencontre, toutes deux ont commencé à discuter et finalement se sont trouvé un point commun : leur divorce. Depuis Elisabeth a pris l'habitude de venir prendre ses pauses à la librairie.

La conseillère poussa la porte et pénétra dans le magasin. Le comptoirs était désert. La jeune femme s'avança entre les rayons et aperçut finalement Joy.

Salut !

souffla t'elle ne voulant pas effrayer la jeune libraire qui ne l'avait pas encore remarqué.

**Invité** Invité

Aujourd’hui, Joy a reçu tout un arrivage de livres à mettre en vente. Comme toujours, le livreur, feignant comme pas deux, le lui a laissé juste à côté de la porte. Du coup, la belle brune a dû se le porter jusqu’au comptoir à la force de ses petits bras. Elle aurait bien fait appel à Mason mais c’est son jour de repos et il n’est donc pas à l’atelier. C’est donc épuisée qu’elle s’assoit, afin d’enregistrer dans la caisse les livres reçus. Elle y passe à chaque fois un bon moment, d’autant plus qu’elle doit recevoir des clients et répondre à leurs demandes. Si elle devait choisir ce qui lui déplait le plus dans ce métier, ça serait bien le côté administratif. Elle ce qu’elle aime c’est choisir les livres, conseiller les clients. D’un autre côté, elle aime prendre les décisions pour la boutique, alors elle ne pourrait pas se satisfaire d’être une simple employée, d’autant plus qu’elle hérite de cette boutique grâce à ses parents !

Quand, peu avant l’heure du déjeuner, elle a enfin terminé son dur labeur, elle passe dans les rayons pour y ranger les nouveaux venus. C’est tout de suite beaucoup plus intéressant. Elle aime l’odeur des livres et cet endroit c’est sa maison. Elle est tellement concentrée qu’elle ne remarque pas que la porte de la boutique vient de s’ouvrir. Ce n’est que lorsqu’elle entend une voix familière la saluer qu’elle réalise. Mais malgré la précaution de son amie, Joy échappe sur ses pieds les cinq livres qu’elle avait dans les bras.

Aïe !!!!

Quelle maladroite ! Enfin, l’avantage c’est qu’Elisabeth la connait. Elle sait que c’est monnaie courante chez elle ! Aussitôt, Joy se penche en avant pour frotter son orteil douloureux à travers sa chaussure (autant dire qu’elle ne fait rien d’utile), et, toujours penchée, les fesses en l’air, elle tourne la tête vers son amie :

Salut ! dit-elle, souriante malgré tout.

Une fois arrivée dans la librairie Elisabeth chercha la gérante à travers les différents rayons. Lorsqu'elle l'aperçut elle avança à sa rencontre et la salua de sa voix la plus douce. Pour autant Joy sembla être tellement surprise que les livres qu'elle tenait dans les mains tombèrent au sol. La conseillère grimaça et se précipita par terre, déposant les deux cafés à côté d'elle au passage et commença à ramasser les livres.

Je suis désolée...

souffla t'elle embêtée d'avoir d'avoir provoquer une telle réaction.

Lorsqu'elle releva les yeux vers la jeune femme, Elisabeth ne pu retenir un petit rire. La voir se frotter le bout du pieds n'avait en soit rien de très hilarant mais c'était plus fort qu'elle.

Je suis doublement désolée ! C'est pas drôle mais tu devrais faire attention, ta maladresse te tuera un jour.

dit elle tout en lui tendant les cinq ouvrages.

Elisabeth récupéra les deux cafés et se releva. Un craquement se fit entendre, ses articulations n'étaient plus aussi souple qu'avant.

Ouhh, je me fais de plus en plus vieille j'ai l'impression !

souffla t'elle dans une grimace exagérée.

Je m'étais dit que j'allais passer manger ici, mais si tu as du boulot c'est pas grave, je te laisse quand même ce petit café et je repasserais à l'occasion...

dit elle en désignant les fameux livres d'un signe de tête.

Plus la température baissait et plus Elisabeth se sentait déprimée. Savoir sa fille dehors la rongeait de l'intérieur et elle avait de plus en plus de mal à rester seule, incapable de se changer les idées.

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